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l'entreconnaissance

Ce que l'on trouve dans l'ordinateur portable

d'un membre de l'État islamique

Harald Doornbos et Jenan Moussa

Traduit par Mélissa Bounoua et Jean-Marie Pottier

http://www.slate.fr/story/91569/ordinateur-portable-membre-etat-islamique

30.08.2014

Nos partenaires de Foreign Policy ont réussi à accéder au contenu du disque dur d'un djihadiste: des fatwas, des documents de propagande, des manuels mais aussi des instructions sur la fabrication d'armes biologiques.

Antioche (Turquie)

 

Abu Ali, officier d'un groupe modéré de rebelles du nord de la Syrie, nous montre fièrement un ordinateur portable noir recouvert pour partie de poussière. «Nous l'avons récupéré cette année dans un repaire de l'État islamique», explique-t-il.

Il raconte que les combattants de l'organisation connue auparavant sous le nom d'EIIL s'étaient tous enfuis avant que lui et ses hommes n'attaquent le bâtiment. L'opération a eu lieu en janvier dans un village de la province syrienne d'Idlib, proche de la frontière turco-syrienne, dans le cadre plus large d'une contre-offensive contre l'État islamique:

«Nous avons trouvé l'ordinateur et son cordon d'alimentation dans une pièce. Je l'ai emmené avec moi. Mais je ne sais pas s'il fonctionne toujours ou s'il contient quoi que ce soit d'intéressant.»

Nous avons allumé l'ordinateur, de marque Dell, et effectivement, il marchait. Il n'y avait pas besoin d'un mot de passe. Mais s'est produit alors une grosse déception: quand nous avons cliqué sur «Mon ordinateur», tous les dossiers se sont affichés comme vides.

Les apparences peuvent se révéler trompeuses. En y regardant de plus près, l'ordinateur de l'État islamique n'était pas vide du tout: bien cachés dans les «fichiers masqués», on trouvait 146 GB de données, soit un total de 35.347 fichiers dans 2.367 dossiers. Abu Ali nous a autorisés à copier tous ces fichiers, rédigés en français, anglais et arabe, sur un disque dur externe.

Le contenu de l'ordinateur se révèle être une mine de documents fournissant des justifications idéologiques aux organisations djihadistes, ainsi que de conseils pratiques sur la façon de mener des actions meurtrières. On y trouve des vidéos d'Oussama ben Laden, des manuels de fabrication de bombes, des instructions sur la façon de voler une voiture ou de se déguiser pour éviter d'être arrêté en voyageant d'un bastion djihadiste à un autre.

«Des armes pas chères, pour un bilan humain énorme»

Mais après plusieurs heures passées à faire défiler ces documents, il s'est avéré que cet ordinateur contenait autre chose que la propagande et les manuels pratiques classiquement utilisés par les djihadistes. Les documents suggèrent en effet que son propriétaire, un Tunisien nommé Mohammed S., se formait sur le tas à l'utilisation d'armes biologiques, dans l'idée de planifier une attaque qui choquerait la planète.

Il a rejoint l'État islamique en Syrie après avoir étudié la physique et la chimie dans deux universités du nord-est de la Tunisie, une formation dont il entendait se servir dans un but inhabituel: l'ordinateur contient un document de 19 pages sur la manière de développer des armes biologiques, et notamment de convertir en arme la peste bubonique qui frappe les animaux. «L'avantage des armes biologiques est qu'elles ne coûtent pas cher, pour un bilan humain qui peut être énorme en terme de victimes», explique le document, qui inclut également des instructions permettant de tester l'arme de manière sécurisée avant de l'utiliser dans le cadre d'une attaque terroriste. «Quand le microbe est injecté à une petite souris, les symptômes de la maladie doivent apparaître dans les 24 heures.»

L’ordinateur inclut aussi 26 pages de fatwa –ou règle islamique– sur l’usage des armes de destruction massive. «Si les musulmans ne peuvent venir à bout des kafir [les non-croyants] d’aucune autre manière, il est permis d’utiliser les armes de destruction massive», dit la fatwa de l’imam saoudien Nasir al-Fahd, actuellement emprisonné en Arabie Saoudite. «Même si cela les tue et les fait disparaître, eux et leur descendance, de la surface de la Terre.»

Contactée par téléphone, une représentante d’une université tunisienne listée sur les copies d’examen de Mohammed confirme qu’il a bien étudié la chimie et la physique là-bas. Elle affirme que l’université a perdu sa trace après 2011.

Puis, sans qu’on s’y attende, elle demande: «Est-ce que vous avez trouvé ses copies en Syrie?» Lorsqu’on lui demande pourquoi elle penserait que les affaires de Mohammed auraient atterri en Syrie, elle répond: «Si vous avez plus de questions le concernant, vous devriez demander aux services de sécurité tunisiens.»

Un nombre impressionnant de Tunisiens ont afflué sur les champs de bataille syriens depuis que la révolte a commencé. En juin, le ministre de l’Intérieur tunisien a estimé qu’au moins 2.400 combattaient dans le pays, la plupart au sein de l’EIIL.

Ce n’est pas la première fois que des djihadistes essaient d’obtenir des armes de destruction massive. Même avant les attaques du 11-Septembre, al-Qaida avait fait des expériences avec un programme d’armes chimiques en Afghanistan. En 2002, CNN s’était procuré une vidéo montrant des membres d’al-Qaida testant du gaz empoisonné sur trois chiens. Tous sont morts.

«Produire ces armes est tout à fait possible»

Rien sur l’ordinateur d’EIIL, bien sûr, ne laisse penser que les djihadistes possèdent déjà ces armes dangereuses. Et toute organisation djihadiste qui envisagerait une attaque terroriste avec des armes chimiques devrait faire face à plusieurs difficultés: al-Qaida essaie depuis des années de mettre la main sur ce type d’armes, sans succès; les Etats-Unis consacrent d’importants moyens à empêcher les terroristes d’y arriver. Les documents trouvés sur cet ordinateur rappellent cependant que les djihadistes travaillent dur à se procurer ces armes qui leur permettraient de tuer des milliers de personnes d’un seul coup.

«La vraie difficulté pour toutes ces armes [...] est d’avoir un système de distribution qui fonctionne et tuera de nombreuses personnes», souligne Magnus Ranstorp, directeur du centre de recherches sur les menaces asymétriques du National Defence College en Suède. «Mais produire ces armes inquiétantes est tout à fait possible au sein de l’EIIL.»

Les progrès de l’État islamique ces derniers mois lui ont fourni la capacité à développer de telles armes, dangereuses et à la pointe de la technologie. Les membres du djihad ne combattent plus seulement en première ligne, ils contrôlent aussi des zones importantes en Syrie et en Irak.

La crainte est désormais que les hommes comme Mohammed puissent travailler dans l’ombre, loin des lignes de front, à développer des armes chimiques ou biologiques –à l’université de Mossoul, contrôlée par l’EIIL, par exemple, ou dans un laboratoire de la ville de Racca en Syrie, devenue de facto la capitale du groupe.

 

Pour résumer, plus longtemps le califat existera, plus il y aura de chances que ses membres ayant une éducation scientifique mettent au point quelque chose d’horrible. Les documents trouvés sur l’ordinateur de ce djihadiste tunisien ne laissent aucun doute sur les ambitions mortifères du groupe. «Utilisez des petites grenades contenant un virus et jetez-les dans des endroits clos comme les métros, les stades de football ou les salles de concert», indique un document de 19 pages sur les armes chimiques. «Le mieux est de le faire près de l’air conditionné. Vous pouvez aussi l’utiliser lors d'opérations suicides.»

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