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Bruxelles 2 – 27 sep

Irak. La 3e guerre du Golfe démarre en trombe. 5 minutes de réflexion ?

Nicolas Gros-Verheyde / Editorial, Moyen Orient Golfe / Daech, démocratie, EEIL, intervention militaire, Irak, islam, Terrorisme / 0 Comments

(BRUXELLES2) Les tambours de l’intervention militaire roulent. Les mots claquent. Terrorisme, Déstabilisation, Danger. Pour la cinquième fois en 20 ans, une coalition internationale se met en place pour intervenir dans le monde face au « terrorisme » – dont deux fois déjà dans le même pays (Irak 1991, Afghanistan 2001, Irak 2003, Libye 2011). De façon plutôt étonnante, on se donne très peu le temps des explications, préférant laisser libre cours à l’émotion. L’exécution publique de quelques otages palliant à ainsi à toutes les interrogations. Et cependant il y en a…

L’axe du mal a changé de versant

L’ennemi est aujourd’hui désigné. Ce n’est plus Al Qaida ou les Talibans, cette fois ce n’est plus Saddam ou Kadhafi, les talibans afghans qui sont visés, l’ennemi, c’est Daech, l’état islamique en Irak et au Levant (EIIL, ISIL ou ISIS selon les appellations). Tout le monde se parle aujourd’hui, de façon quasi ouverte (ce qui est un changement), et s’échangent des informations : Américains et Iraniens, Français et Algériens, Arabes du Golfe entre eux. Le dirigeant syrien Bachar el-Assad n’est plus honni, ce n’est plus l’ennemi à abattre. L’Iran devient un allié plus que fréquentable, un partenaire. Quant à la Russie de Poutine, elle se tait, victorieuse dans sa posture de départ : soutenir les régimes en place. Et l’axe du mal a changé de versant. Un terroriste chasse l’autre. Mais chacun reste en place, sauf quelques « despotes », qui ont valsé, mais à leur place c’est un terreau de haine et une large instabilité qui se sont installés. Quelle leçon tirer de l’expérience passée ? Comment réussir à juguler les foyers d’instabilité déjà existants ? Comment éviter créer d’en créer autres ? Qui sera  » l’ennemi  » de demain : en 2015, 2016, 2020 ?

Une coalition en mode « improvisation »

De façon insensible, l’intervention occidentale est passé d’un soutien humanitaire, puis en équipements militaires aux forces kurdes et irakiennes à un véritable engagement armé menée par une coalition, dont tous les contours sont encore flous. On apprend les ralliements des uns et des autres au jour le jour, parfois au moment même d’un bombardement. Cette coalition assez informe regroupe de façon très malencontreuse, et pour tout dire dangereuse, ce qui ressort de l’action universelle – l’action humanitaire – et ce qui ressort de l’action de force. n’a d’ailleurs pas encore de commandant en chef attitré, même si on voit bien que c’est l’état-major américain basé au Qatar qui coordonne l’ensemble. Il n’a pas encore de nom, même si au niveau national, chaque pays a donné un nom de code (Chammal pour la France). Aucune organisation n’a pris le relais pour chapeauter cette coalition qui pourrait ainsi rester ad hoc comme en 2003. Mêler l’humanitaire au militaire est-il une bonne chose ?

Une stratégie difficile à percevoir

La guerre durera plusieurs mois, plusieurs années, ont averti les chefs d’Etat major. Mais pour quel objectif ? Le flou règne. Chacun n’a qu’un mot en bouche : « neutraliser », « éradiquer » Daech. Mais c’est un peu court comme stratégie. On a vu comment cette stratégie « contre » un ennemi désigné avait joué des tours en Afghanistan. « Eradiquer » ca veut dire « mettre au tapis ». Or, il ne s’agit pas d’un groupe d’une vingtaine de déseperados qu’il s’agit de réduire au silence. Mais plusieurs milliers de soldats (entre 20 et 25.000 selon les estimations), avec matériel, financement et organisation. Une organisation qui arrive à drainer derrière elle non pas seulement des populations locales mais aussi des « immigrés européens ». Des personnes qui n’avaient que faire jusqu’à aujourd’hui des combats entre sunnites et chiites mais ont besoin de retrouver une fierté qu’ils ont perdu ou ils n’ont pas eu. Là encore, on ne compte pas ces « combattants européens » (et non étrangers comme on les nomme souvent par facilité) sur les doigts d’une main mais par centaines. Le risque d’une réimportation du conflit, en cours de celui-ci ou à la fin du conflit, n’est pas une vue théorique. Le renforcement policier suffira-t-il ?

Une drôle de guerre

Lutter contre Daech avec les raids aériens apparait comme la partie la plus simple, la plus facile de l’opération, je dirais presque la plus joyeuse, en tout cas la moins couteuse politiquement. La vraie bataille sera ailleurs. C’est une grosse différence avec les principaux engagements. Lors des précédentes interventions (Afghanistan, Irak, Libye…), passés les premiers jours, une relative indifférence avait suivi. Seuls les militaires, leurs familles et quelques personnes sensibilisées se sentaient concernées. Aujourd’hui avec la présence de combattants européens, en nombre, c’est le contraire. Le plus grand danger de cette avancée de Daech (alias état islamique) comme de l’intervention militaire sera à l’arrière. Un versant d’autant plus difficile à assumer pour nos sociétés, pour nos démocraties qu’elles devront se battre sur plusieurs fronts : à la fois pour conserver leur sens de la liberté et de la discussion, pour ne pas céder à la peur et à l’intolérance, et aussi pour lutter contre les possibles « fauteurs de troubles ».

Stopper la fabrique de terroristes

L’effort ne doit pas, en effet, se porter tant sur l’offensive guerrière que sur la reconquête des esprits et des corps à l’intérieur de nos sociétés. Si un effort de compréhension, un sens de l’intégration plus poussé, un changement de braquet et de discours n’est pas obtenu, la « fabrique de terroristes » continuera à exercer son activité. Et les lendemains de cette intervention seront plus noirs que la non-intervention. Il va surtout falloir redonner du sens, de la fierté à une partie des citoyens européens qui ne se reconnaissent pas (ou plus assez) dans leur pays d’origine (France, Belgique, etc.) et préfèrent aller donner leur sang et leur énergie dans d’autres contrées. Si on ne commence pas à comprendre ce qu’est l’Islam d’aujourd’hui, à lui donner un sens plus moderne, à donner toute leur place dans le débat public, et non pas à le mépriser, à ne le sortir qu’en cas de problème, on s’achemine vers des lendemains, très durs.

 

(Nicolas Gros-Verheyde)

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