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Youth Ahead!

Ambition et Action.

Elections américaines : l’ivresse du désespoir... Posté le Mardi 18 Novembre 2008 à 00h58

L’excitation autour de cette campagne surtout venant des zones géographiques où la misère a atteint des proportions inhumaines est réellement indécente.

A quelques jours de l’élection présidentielle américaine, la fièvre politique s’est emparée de l’Amérique faisant dire à de nombreux analystes que le pays de l’Oncle Sam vit l’un des moments historiques et cruciaux de son histoire. L’enjeu est effectivement à la hauteur de cette mobilisation sans précédent, car jamais auparavant un candidat aux couleurs mélangées et au carrefour des cultures n’aurait été aussi proche d’occuper le bureau ovale et de détenir entre ses mains le pouvoir de l’homme le plus puissant du monde.
 
Sur fond de crise financière et économique, les Américains sont appelés à se rendre aux urnes pour choisir un successeur à la calamité Bush et en ayant en esprit que leur choix aura certainement un impact majeur sur un avenir qui s’annonce brumeux. Ils ont ainsi le choix entre un messie qui leur promet le miracle du changement sans qu’il ait fait preuve dans sa courte carrière politique d’un sens affirmé de la responsabilité et de la décision. Un candidat démocrate tombé du ciel avec le magnétisme d’un gourou, l’on dira le charisme d’une « rock star » - pour parler comme les millions de groupies - de jeunes partisans aux journalistes aveuglés ou séduits - maniant parfaitement le verbe et surfant à n’en plus finir sur le sentiment de déception profond de ses concitoyens après presque une décennie de règne désastreux du sieur Bush. Barack Obama a décidément de la baraka, surgir de l’anonymat au moment où le peuple américain serait prêt à s’accrocher à un boa pour ne pas se noyer dans le marasme gigantesque actuel, et promettre des lendemains qui chantent les mélodies de l’utopie et du rêve. Et voilà que le monde entier reprend en chœur ce refrain invraisemblable du « believe in your dreams » comme si les expériences du passé étaient définitivement effacées de la mémoire collective. C’est avec consternation et une colère maladroitement contrôlée que l’on peut assister ces derniers temps à une vraie folie mondiale autour d’un homme qui a derrière lui les mêmes lobbies qui ont contribué à mettre la majorité de l’humanité à genoux. Le véritable changement à noter depuis le début de cette campagne, c’est celui dans la manière d’arnaquer mentalement les hommes, leur vendre un produit sur lequel ils renvoient inconsciemment leur fantasme, une société multiculturelle où tout devient possible.
 
D’un autre coté, ils ont ce vieux briscard de la politique politicienne américain, le Maverick qui a toujours suivi son instinct de survie allant jusqu’à se mettre au ban du Parti républicain. John McCain incarne le délire de l’héroïsme surjoué et sanctifié par un peuple qui a besoin de croire en ses symboles pour ne pas sombrer dans sa propre démesure. L’homme a de l’expérience à revendre, mais un solide manque de jugement, il parle à l’Américain moyen avec un vocabulaire sorti tout droit de la NRA, et il le lui rend bien. Maîtrisant les arcanes du pouvoir, le républicain a semblé un temps perdre du terrain face à son rival plus à l’aise devant les lumières des caméras, mais quand l’on entend un électeur démocrate dire que jamais il ne voterait pour un Noir et qui en outre se prénomme Hussein, il paraît évident que McCain sait qu’il a des chances de créer la surprise. Durant des mois, on a entendu des spécialistes, repris en écho par les milliers de blogueurs, affirmer que sauf « énorme bourde » le républicain était cuit, dans certains éditoriaux de journaux européens on va jusqu’à écrire l’oraison funèbre de McCain amplifiant ainsi chacun de ses dérapages supposés et passer sous silence les insuffisances de son adversaire. On entretient de cette façon la fièvre électorale mondiale et on fait monter la température pour que peut-être, au lendemain de ce 4 novembre, l’humanité se réveille avec la gueule de bois.
 
L’excitation autour de cette campagne surtout venant des zones géographiques où la misère a atteint des proportions inhumaines est réellement indécente. Comment peut-on comprendre qu’un maire d’une ville française dépense près de quinze mille euros pour déployer une banderole à l’effigie de Barack Obama alors qu’il existe dans cette même ville une catégorie de citoyens vivant dans des bâtiments d’une insalubrité inacceptable ? Comment peut-on comprendre que au cœur de la ville de Cotonou l’on puisse acheter à des prix effrayants des espaces publicitaires pour idolâtrer le Jésus noir de ce siècle où le culte de la niaiserie semble désormais entrer dans les mœurs, tandis que la ville est plongée dans les ténèbres et privée d’eau depuis des jours ? Comment comprendre l’enthousiasme de ces chanteurs antillais qui entonnent l’hymne à l’obamania rappelant avec le sourire de la naïveté que leur « frère » sera dans quelques jours le roi du monde alors qu’ils ont un mal fou à définir et à établir le lien avec l’Afrique ? Comment comprendre l’empressement des dirigeants occidentaux à afficher leur proximité avec le candidat démocrate portant fièrement des tee-shirts Obama tandis qu’au sein de leur société le modèle tant magnifié d’intégration et de non-discrimination est un échec retentissant ? Le pire dans ce cirque dans lequel l’on rencontre les plus grands numéros et les plus talentueux des illusionnistes c’est qu’à force d’en faire toujours autant, c’est-à-dire trop, l’on fait passer les problèmes les plus sérieux au troisième plan.
 
L’élection de Barack Obama ne changera pas la face du monde, elle ne changera pas la souffrance des enfants qui se font exploiter dans les ateliers de la honte en Asie ; elle ne changera pas l’existence des sans-domicile fixe qui se meurent dans les rues de Paris en ces temps de froid ; elle ne changera pas la violence du puissant et son arrogance ; rien empêchera les anges noirs du complexe militaro-industriel de continuer à provoquer des conflits armés et à pousser le monde un peu plus dans le précipice du chaos absolu. Le business continuera qu’importe l’identité du nouvel occupant de la Maison-Blanche. Et le folklore autour de cette élection montre à quel point le citoyen ordinaire se laisse détourner des vraies questions. Avec une couverture médiatique totalement surdimensionnée frisant le voyeurisme, l’aveuglement collectif mondial a atteint un degré absolument impensable il y a peu donnant là matière à réfléchir sur la responsabilité de ce quatrième pouvoir qui décide sans l’avouer de l’actualité et écarte l’essentiel pour toujours plus de superflu. Encore quelques jours d’hystérie américaine retransmise quasi spontanément et quotidiennement, les injustices que subissent les anonymes, les tragédies que vivent les plus démunis, les urgences humanitaires et écologiques, les drames sanitaires et les extrémismes politiques et idéologiques, tout ce qui aujourd’hui fait de la terre un vaste cimetière à ciel ouvert, est réduit au silence par les trompettes du sensationnel. On trouve plus réjouissant de payer des fortunes pour avoir sur son plateau un expert en élection présidentielle américaine afin qu’il explique au téléspectateur endetté et angoissé par l’avenir et résidant à des milliers de kilomètres de cette chère Amérique, que le sort du monde ou presque est désormais entre les mains d’un peuple fébrile. Quand l’on commente les sondages arrivant toutes les heures au rythme haletant d’une série yankee et que l’on assiste outré au spectacle inédit du président élu d’un des plus grands pays européens, heureux comme un adolescent, recevant en grande pompe un sénateur américain, on se dit que notre époque est décidément drôle.
 
Le monde vote Obama ! déclarait il y a quelques semaines un grand quotidien international. Le même monde qui dans sa majorité est analphabète, illettré et perdu dans les fouillis du zapping politique. Ce monde-là, sans s’en rendre compte, se cherche des héros, des idoles pour croire en quelque chose et fuir la misère de son quotidien. Le brouhaha autour de cette élection est affligeant surtout qu’à côté les souffrances des marginaux sociaux sont toujours sévères, mais restent inaudibles. On parle trois secondes du tremblement de terre au Pakistan avec ses centaines de morts, on passe furtivement sur les atrocités au Congo, l’euphorie atteint des sommets vertigineux, ainsi que les donations massives en direction de deux candidats, qui seront élus pour renforcer l’impérialisme américain, sont de plus en plus importantes. Le changement a un prix, il faut donc se serrer la ceinture et vider son épargne pour envoyer son champion s’asseoir dans un siège appartenant à l’establishment. Le plus dramatique dans cette histoire c’est que tout ce carnaval traduit au fond l’état de ce monde définitivement atteint d’une sorte d’ivresse du désespoir.

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