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Ambition et Action.

Prostitution : Welcome to Africa ! Posté le Mardi 18 Novembre 2008 à 01h21

Le tourisme sexuel en Afrique est un phénomène dont la recrudescence inquiète les associations de défense des droits de l’homme alors que les gouvernements tardent à le reconnaître et préfèrent comme pour atténuer la réalité parler de prostitution.

Quand s’éteignent les lumières du jour, loin du tumulte des plages, la vie s’anime dans les rues de Kribi. Rapidement, les touristes prennent d’assaut les buvettes et les restaurants en bordure de mer. Kribi, situé à quelques kilomètres de la capitale économique Douala, est le lieu privilégié de détente et de relaxation pour les touristes visitant le Cameroun, mais aussi pour la catégorie d’hommes d’affaires expatriés et de diplomates. Le soir venu, ils sont des centaines à déambuler dans les ruelles, en couple ou solitaire, allant à la découverte de sensations exotiques dans ces endroits où le bonheur se trouve sous un réverbère mal éclairé et ne coûte qu’une misère. Kribi est devenu depuis quelques années l’une des destinations privilégiées du tourisme sexuel en Afrique. Ils sont ainsi des centaines à quitter l’Occident pour venir sous les tropiques assouvir leur désir brûlant d’interdits.

Le marché n’existant que grâce à l’offre, de jeunes prostituées la nuit tombée envahissent tous les coins de la ville et proposent leur service à des expatriés enchantés par l’abondance de la « chair fraîche ». Et la réalisation des fantasmes[1] ne dépendant que de l’épaisseur du portefeuille, les « clients » n’hésitent pas à débourser de fortes sommes d’argent pour s’offrir une nuit avec des fillettes[2] sous le regard complice de familles vivant dans les sombres taudis désertés par l’espoir. Le tourisme sexuel nourrit tout un système, des parents qui livrent en pâture leurs enfants, aux jeunes garçons et filles qui vivent dans le « copinage » avec les expatriés, en passant par des autorités corrompus qui en profitent pour s’arrondir les fins du mois[3]. C’est un cercle vicieux qui trouve ses complicités partout, y compris dans les chancelleries occidentales dont les employés sont souvent les premiers acteurs.

Le tourisme sexuel[4] en Afrique est un phénomène dont la recrudescence inquiète les associations de défense des droits de l’homme alors que les gouvernements tardent à le reconnaître et préfèrent comme pour atténuer la réalité parler de prostitution. Une bataille sémantique indécente et irresponsable quand l’on sait les ravages de ce type de tourisme sur des jeunes obligés de se noyer dans l’immondice sexuelle et la plus abjecte immoralité. Fuyant la répression de plus en plus accrue en Asie, les touristes sexuels se rabattent sur le continent noir désarmé juridiquement contre un tel fléau[5]. Les conditions de vie déplorables, les guerres et la pauvreté ambiante aidant, le tourisme sexuel tend à se normaliser en augmentant les risques de pédophilie[6], d’abus sexuels, de maladies (VIH/sida, etc.), de grossesses indésirées et leur conséquence (avortements à outrance). Sur le terrain, des ONG locales tentent péniblement de sensibiliser les jeunes personnes, les victimes potentielles et leurs familles contre les dangers de ce nouveau cancer. Mais, faute de subventions gouvernementales, l’impact de leur travail reste limité. Et lorsqu’elles parviennent à mettre la main sur des touristes sexuels, la justice se tait face à la manne financière[7].

Il est devenu courant de rencontrer dans les quartiers résidentiels huppés de Kribi où s’entassent les expatriés, des couples dont la mixité raciale efface difficilement l’écart abyssal en âge, des jeunes filles embrassant goulûment des vieillards, ou bien encore des jeunes hommes avec des femmes la cinquantaine révolue. La prostitution maquillée en copinage, sur les plages l’on assiste à un triste spectacle. Il n’est pas rare de retrouver sur le web, les méfaits de ces touristes, photos et vidéos circulant, alimentant les sites pornographiques et pédophiles. Hommes et femmes issues de toutes les couches sociales, les touristes sexuels ont l’apparence de « Monsieur-tout-le-monde » et cèdent à la tentation de l’expérience « erotico-exotique ». Il y a huit ans, Scotland Yard indiquait dans un rapport accablant que la « clientèle » de ce type de tourisme se composait à « 96 % d’hommes » et à « 73 % de race blanche ». Près de « 71 % » étaient mariés et « 91 % » s’affirmaient croyants. Le rapport ne dit pas si, de retour chez eux, ces prédateurs allaient confesser leurs crimes.

Si la responsabilité des expatriés occidentaux est clairement établie, il ne faudrait pas croire qu’elle leur soit entièrement exclusive. En effet, derrière les hypocrisies des hôtels en Afrique, se cachent un véritable trafic et des réseaux parfaitement organisés. Il suffit souvent de décrocher son téléphone dans sa chambre d’hôtel pour se voir présenter l’objet de son désir dans l’heure qui suit. La complicité du personnel hôtelier est un secret de polichinelle et tout est fait pour répondre aux attentes du « patron ». Les enjeux économiques étant énormes, l’on tolère ce « business » et même on l’encourage sournoisement. Après la drogue et les armes, c’est le troisième commerce illégal. L’esclavagisme sexuel est désormais exotique, les enfants de la rue, délaissés à leur propre sort par les autorités, sont désormais un véritable trésor que l’on offre aux pervers venus des autres bouts du monde. Les jeunes filles, déscolarisées, croupissant péniblement dans les bidonvilles et, sous la pression des familles, se livrent à des « étrangers » qui leur offriront de quoi survivre, en attendant le prochain arrivage d’expatriés.

Il y a quelques mois, sur l’insistance d’organisations internationales (l’Unicef), les pays africains ont accepté de réagir[8]. Réunis au Sénégal, ils ont conclu à l’insuffisance de la Convention des Nations unies pour les droits de l’enfant, et adopté dans la foulée un « code de conduite demandant le durcissement de la répression ». Certains gouvernements sont allés jusqu’à se doter de « lois pénales d’extraterritorialité permettant de poursuivre hors de leurs frontières des abus sexuels commis chez eux par des étrangers sur des mineurs ». Un pas significatif dans la bonne direction, mais qui reste tout de même limité au regard de l’influence de ces réseaux sur les appareils étatiques, favorisant ainsi l’impunité. La meilleure manière[9] de lutter efficacement contre ce fléau est de favoriser le développement de l’Afrique et le partage équitable des richesses. Tant que les détournements de deniers publics iront gonfler les comptes bancaires des dirigeants africains en Occident, que les infrastructures demeureront à l’agonie, le chômage grandissant et l’insécurité sociale pesante, le tourisme sexuel en Afrique continuera au-delà des grands discours et des intentions nobles à sévir dans les rues de Kribi ou de Saly (au Sénégal).

En attendant donc une prompte réaction et des solutions à la hauteur du problème[10], pour les touristes sexuels qui auront choisi le continent noir comme destination cet été, l’on ne peut qu’avoir ce mot prononcé douloureusement : Welcome to Africa !



[1] "La demande des touristes pour satisfaire leur fantasme de déflorer une vierge fait augmenter le nombre de jeunes enfants entrant dans la prostitution", accuse Frédéric Sorge, pédiatre et membre de l’association AidéTous, engagée dans la lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants.

[2] « Près de trois millions d’enfants sont victimes chaque année d’exploitation sexuelle dans le monde, et sur 842 millions de touristes, 10 % choisissent leur destination en fonction de l’"offre" en matière de sexe, selon un bilan publié à l’occasion de la première Journée mondiale pour un tourisme responsable. »

[3] Il est évidemment difficile de compter sur les autorités locales en cas de flagrant délit car la manne financière apportée par les touristes est bien supérieure aux enjeux individuels et aux droits humains.

[4] « Sous le terme générique de "tourisme sexuel", on peut distinguer 3 types de commerce du corps : la prostitution, les voyages sexuels, qui proposent sur catalogue des services peu communs, et un système de copinage aux dangereux effets secondaires. Un point commun à ces pratiques, dont la seule différence réside sans doute dans le nom ou la classification qu’on leur donne : les femmes et les enfants représentent l’immense majorité des victimes. »

[5] « A part quelques condamnations au Sénégal, les touristes sexuels ne se font que rarement piéger en Afrique ou pour des peines légères. Seuls cinq Etats ont adopté un plan national contre ce fléau (Sénégal, Afrique du Sud, Angola, Maurice et Togo). »

[6] « À Madagascar, où il se développe en ce moment à une vitesse vertigineuse, et en Zambie, la majorité des enfants qui traînent dans les rues se prostituent. En Afrique du Nord, dans des villes telles que Le Caire, Casablanca, Marrakech, Tunis, la plupart des enfants qui passent leurs journées dans les rues sont aussi des proies vulnérables à ce trafic. Au Maghreb, la prostitution passe souvent par le travail domestique et par le biais du mariage d’enfants, légitimation de leur utilisation sexuelle. »

[7] Quelquefois, en acceptant des compensations matérielles et monétaires, les familles finissent par étouffer l’affaire.

[8] A Yaoundé, plusieurs acteurs de la filière du tourisme ont paraphé une « Charte contre le tourisme sexuel ».

[9] Pour l’instant, on pourrait sanctionner les hôtels qui entretiennent ce type de commerce, les agences de voyage qui organisent ce tourisme-là, l’emprisonnement pour les expatriés coupables de tels abus, etc.

[10] Mahamodo, le chef d’un village de l’île Nosy Be au large du Madagascar a su imposer ses valeurs pour faire condamner un skipper suisse qui venait régulièrement « s’approvisionner ». Ce pédophile suisse était convaincu que personne, ici, ne viendrait lui chercher noise. Et qu’il lui suffirait d’offrir quelques boîtes de médicaments aux villageois pour pouvoir abuser, en toute impunité, des petites filles aux pieds nus invitées à monter à bord de son voilier, ancré à quelques mètres de la plage. Après une longue bataille, il a fini par être condamné, au mois d’octobre 2007, par une Cour d’appel malgache à cinq ans de prison ferme pour viol et pédophilie.

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