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Youth Ahead!

Ambition et Action.

Paris by night Posté le Dimanche 11 Janvier 2009 à 20h30


 La plus belle avenue du monde est une princesse qui porte si somptueusement ses plus belles parures, de précieuses scintillantes, de petits flambeaux en or, des diamants clinquants déposés le long de ce chemin onirique où les peuplades avides de luxure et de rêve viennent se retrouver.

La beauté des Champs Elysées dépasse de loin toute la littérature qu’elle a pu engendrer. Il n’y a pas de mots, les mots ne pouvant pas toujours dire l’indicible, qui puisse suffisamment, convenablement traduire l’émerveillement de l’esprit devant cette sorte de caverne d’ali baba où brillance rime avec opulence. La plus belle avenue du monde est une princesse qui porte si somptueusement ses plus belles parures, de précieuses scintillantes, de petits flambeaux en or, des diamants clinquants déposés le long de ce chemin onirique où les peuplades avides de luxure et de rêve viennent se retrouver. L’odeur de la transgression matérielle caresse les portefeuilles égarés dans les temples de la consommation. Dans ces églises de l’épicurisme décomplexé, l’unique foi est celle de l’apparence, chacun se réfugiant derrière un personnage savamment étudié pour mystifier autrui et jouir de l’illusion formidable d’être aussi une étoile dans un univers enchanté. La poursuite du bonheur passe par cette avenue mythique qui a vu défiler les plus grands comme les plus anonymes, une exigence presque rituelle pour des adeptes rigoureusement attachés à la magie de ces lieux.

L’effervescence populaire à coté de la froideur humaine, un paradoxe parisien qui illustre la schizophrénie sociale française. Ce double standard du vouloir vivre-ensemble et du renfermement individualiste voire egocentrique, la méfiance primant sur la convivialité, la défiance sur l’hospitalité, et le sentiment d’être une partie d’une société tout en appartenant à des communautés différentes, radicalement opposées. Aux Champs-Elysées, on se côtoie sans jamais se toucher, et lorsque au détour d’un hasard les mains parviennent à se rencontrer c’est souvent caché dans des gants de velours. Ainsi l’ivresse parisienne est contagieuse mais elle reste terriblement solitaire, à l’Arc de Triomphe, point de ralliement des noctambules fortunés, les beaux quartiers se retrouvent dans leur élément tandis que les autres regardent admiratifs la magnificence d’un pays qui semble arrogamment leur tourner le dos, juste à quelques pas de cette Place de la Concorde où il y a plus d’une année, dans leur majorité, ils célébraient le sacre de celui qui leur promettait, enfin, en vain, la rupture.

Marchant vers cette Tour Eiffel vêtue d’une robe bleue et d’un collier d’étoiles, phare lumineux guidant les pas perdus du passant dans les couloirs en pavés d’une ville prise d’assaut par les hordes de touristes excités, il arrive que l’on tombe sur des sacs de couchages rembourrés par la misère humaine, souvent près de grandes enseignes dont la splendeur aspire et noie ces débris sociaux qui crient « humanité » et « dignité ». C’est face à cette autre réalité dissimulée derrière l’éclat du merveilleux que la féerie parisienne montre toute sa fébrilité. De la rue de la Bourse à la rue de la Banque, des centaines de personnes s’éteignent consommées par le désespoir, l’abandon des hommes qui les traversent en se bouchant le nez, l’indifférence de ceux qui savent qu’en bas de chez eux il y a une âme qui se meurt, le mépris du reste se moquant bien des malheurs qui ne les regardent pas. Pourtant ce ne sont que des hommes que l’on estampille par la marque « SDF », sans domicile fixe, eux les nomades des zones urbaines à l’instar des peuples migrants du monde, à la recherche de leur havre de paix. Il n’y a plus grand monde qui prête attention à la colère désormais légendaire de Coluche, « on n’a plus le droit d’avoir faim ni d’avoir soif, un toit pour toi et pour moi », les cadavres que l’on découvre chaque heure sont devenus aussi éloquents que les grands discours sur la détresse des familles entières jetées dans les rues en ces périodes de froid hivernal.

L’esprit de Noel court les Galeries Lafayette, déserte les foyers sociaux où les bénévoles, derniers mohicans, continuent péniblement et quelques fois démotivés à assurer à ces âmes à la dérive d’ephèmeres instants de convivialité. Sous les ponts, juste en dessous des couples qui se jurent l’amour à vie, de petits corps gisent sous les cartons pourris et les bouts de presse jaunis, la rue est devenue un cimetière ouvert que se réapproprie désormais le peuple d’en bas, celui qui a battu le pavé pour dire « Assez ! », il y a de cela une éternité deja, et qui semble lassé depuis par les révolutions, car au fond ce sont toujours les mêmes qui finissent par payer l’addition. Il y a dans les avenues de cette ville cosmopolite, de ce centre mondial du chic, une odeur d’abandon, de déshumanisation avancée, des couleurs vives du dehors qui cachent à peine la beauté terne de ces milliers de spectres déambulant dans les couloirs urbains. A Harare on meurt de cholera, ici c’est du froid, celui du cœur. Le cholera se soigne, l’indifférence pas, et c’est bien là toute la malédiction parisienne.

Dans les stations de metro, fuyant la rudesse d’un climat impitoyable, les clochards et autres badauds envahissent les quais avec des accordéons d’où sortent des airs terribles d’un désespoir affligeant. Quittant Saint Remy Les Chevreuils pour la Gare du Nord, des femmes et des enfants se promènent dans le RER avec des cartes de la « pitié », un voisin chuchote à un autre que ce sont des personnes venues de l’Europe de l’Est, un peu pour se donner bonne conscience et sous-entendre que de « vrais » français ne pourraient certainement pas se rabaisser à une telle honte. Comme si tenter de survivre dans une société de plus en plus inégalitaire, prompte à sauver ses bourgeois et à exiger des efforts de la part de ceux qui en font deja assez, n’est pas suffisamment exécrable pour que l’on incrimine cette mendicité qui nourrit tant de familles. Dans les yeux de ces femmes interpellant les passagers accrochés à leurs bouquins ou à leurs journaux, faisant semblant de lire, il y a la perte de toute dignité, un vide effroyable creusé par les blessures d’une existence compliquée. Elles prennent le risque de se faire emprisonner parce que dans ce pays encore fortement influencé par la chretienneté, la mendicité est un crime. Comme d’habitude on préfère réprimer, se concentrer sur les effets au lieu de soigner les causes. D’un coté, il n’y a pas de travail, le chômage grimpe, de l’autre coté on voudrait mettre fin à l’assistanat étatique, réduire les allocations à un moment où des millions de personnes en ont réellement besoin, et enfin on s’offusque de voir des gens dans la détresse quémander un peu d’humanité. Les mains tremblantes de la petite fille, jointes en forme de calice, implorent plus de générosité, pour elle comme pour de nombreux autres enfants le réveillon est un jour presque ordinaire, et le Père Noël, une sacrée belle ordure.

On dit souvent que l’identité d’une ville apparaît lorsque la voûte céleste s’assombrit, et lorsque les lumières des réverbères deviennent les seuls soleils dans chaque ruelle, alors il arrive que l’on ressente battre son pouls, suivre ses battements, deviner son état réel. Malgré les feux de l’illusion citadine, la voracité financière des centres commerciaux qui broient avec une rapidité déconcertante les cartes bancaires des hommes pressés par la gloutonnerie matérielle, le sentiment d’être spectateur d’une sorte de représentation théâtrale où les rôles sont convenues et où il n’y a pas de place ni à l’improvisation ni à l’émancipation, chacun devant rester à sa place, s’impose de lui-même sans que l’on comprenne le sens de cette comédie surréaliste. Molière n’a pas eu à aller bien loin pour trouver l’inspiration, il n’a eu qu’à ouvrir les yeux et regarder autour de lui. À chaque carrefour on pourrait écrire un best-seller, tellement l’absurdité de certaines attitudes contrastent avec la réalité, la cruauté de l’injustice que vivent une partie des hommes. Doucement, les premiers rayons du soleil, cachés par des nuages rebelles, pointent à l’aube, une pluie fine arrose les excès de la nuit, des couples s’en vont, titubant, s’amourachant vers un avenir incertain, tout près des cadavres frigorifiés gisant dans des tentes de fortune.

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Un commentaire. Dernier par tous vos animaux préférés en peluches le 25-07-2013 à 10h10 - Permalien - Partager
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