Amour, tu es la cause profonde de mon épreuve
De mes soucis, de mon émoi, de mes peines,
De ce visage décharné, de ce mal, de ces pleurs,
De mon supplice, de ma passion, de mon malheur.
Amour, tu es le secret de mon existence, de ma vie,
De ma dignité, de ma fierté
Tu es mon flambeau dans les ténèbres du siècle
Tu es mon compagnon, mon réconfort, mon espoir.
O nectar de mon cœur, poison de mon âme en cette vie
Ma misère, ma richesse
Es-tu donc le feu qui se lève dans le calme jardin de l’âme et l’envahit
Ou bien es-tu au contraire lumière du ciel ???
O amour, par ta faute, j’ai bu tant de coupes remplies de tristesse
Mais je n’ai pu réaliser mes désirs
Je te supplie, Amour, par tout ce qui est beau :
Aie pitié de moi, atténue mon malheur
O amour dis moi – mais comment le savoir ?
-sors-tu des ténèbres ou jaillis-tu de la lumière ?
Tu es, une parcelle de mon cœur, qui chante
Et aussi une partie de mon existence !
Il y a en toi le désir de mon cœur
Qui toujours se tend vers l’âme de tout ce qui existe
Il y a en toi les pleurs qui hantent mes pensées
Il y a en toi les chants qui peuplent mes sentiments
Il y a en toi le silence qui règne dans mes sens
Et qui ne chante pas
Il y a en toi la joie d’antan
Il y a en toi
L’immuable obscurité de mon univers et son matin qui vient de naitre
Il y a en toi la paix de mon enfance, ses sourires, sa joie et son bonheur
Il y a en toi les projets souriants de ma jeunesse et son amour heureux
Il y a en toi le désespoir sombre de ma jeunesse et son amour heureux en incertitude et en inaction
En toi, je sème le meilleur de moi-même
Et je trouve en ton sein la meilleure la plus fraîche des sources.
Cœur qui saigne, jusques à quand te tairas-tu ?
Suffit ! La tristesse est fruste et violente.
Voici des coupes amères, voici la mort ;
Avec leur breuvage, c’est le malheur que tu bois.
Voila ma flûte, réduite au silence : elle se tait
Pour écouter le chant d’anciennes amours.
Cœur qui pleures, jusques à quand ces larmes ?
Dans l’univers immense, rien de dure
Secoue dans la nuit ta tristesse poussiéreuse
Ecoute la voix mélodieuse de la jeunesse
Accompagne son chant sur ton tambourin
Cœur dans la nuit, jusques à quant te tairas-tu
C’en est trop, mon cœur, que désires-tu ??
Penses-tu que l’envahisseur, le temps,
S’apitoie sur les victimes qu’il terrasse ?
Non pas ! Le temps passe et ne se retourne pas
Sur les blessés, derrière lui
L’océan ne verse pas de larmes sur les êtres qu’il engloutit
Le torrent ne verse pas de larmes sur ce qu’il a détruit
La tempête n’épargne pas, dans sa colère,
La petite blanche, droite et gracieuse
TEL EST LE MONDE !! QUE SIGNIFIE DONC TRISTESSE ,
CŒUR QUI SAIGNE, ET QUE SIGNIFIE REPLI !!!!
Nous nous sommes moqués des époques lointaines
Et l’avenir aussi se moquera de nous
Le monde est ainsi : l’œuvre d’un habile moqueur
A l’art étrange, aux trouvailles merveilleuses
Comédie humaine ! Nous, les morts futurs, nous l’interprétons.
La douleur édifia la scène et le souci peignit le décor
Dans la brume, les spectateurs
Rient, en attendant d’être acteurs
Chacun à son tour, se moque des autres
Et s’offre, insolent, aux rires de tous.
Il écrit un total de 132 poèmes et publie des articles dans différentes revues. Mais il ne parviendra pas, malgré deux tentatives, à faire éditer son diwan, recueil de poèmes qu'il a sélectionnés, et qui ne sera publié qu'en 1955 (plus de 20 ans après sa mort), après qu'un critique littéraire venu d'Égypte, Omar Faroukh, mit en lumière son génie poétique et son talent.
La reconnaissance du génie de Chebbi est pourtant marquante bien que tardive. Son image figure sur trois timbres de La Poste Tunisienne (dessins de Hatem El Mekki) et sur un billet émis en 1997 par la Banque centrale de Tunisie. Des rues, des places, le lycée de Kasserine et un prix littéraire portent son nom. On trouve à Tozeur, sa ville natale, de nombreuses traces de Chebbi : son tombeau, transformé ensuite en mausolée, est inauguré le 17 mai 1946. Un médaillon de bronze est scellé au mur de Bab El Hawa en 1995. Une statue de lui est érigée dans la zone touristique en 2000. Son buste est élevé aux environs de Tozeur, en 2002, face à un aigle. Enfin, deux vers de Chebbi, issus de son plus fameux poème La volonté de vivre, sont intégrés à la fin de l'hymne national tunisien, Humat Al-Hima, dont celui-ci :
« Lorsqu'un peuple veut la vie, force est au destin de répondre. »
Parmi ses poèmes d'amour et de liberté, de résistance à la mort et à l'occupation, on peut citer celui intitulé Prières dans le temple de l'amour qui s'ouvre ainsi :
« Exquise tu es comme l'enfance, comme les rêves, comme la musique, comme le matin nouveau, comme le ciel rieur, comme la nuit de pleine lune, comme les fleurs, comme le sourire d'un enfant… »
Ela Toghat Al Alaam (الى طغاة العالم ), en français Aux tyrans du monde, est un poème écrit par le poète tunisien Abou el Kacem Chebbi sous le régime du protectorat français en Tunisie (début du XXe siècle)
Dans son poème, le jeune poète dénonce les crimes du colonialisme français — sans toutefois le mentionner ouvertement —, menace les occupants et prédit une révolte contre le système. En 2002, durant la seconde Intifada, la chanteuse tunisienne Latifa Arfaoui décide de mettre en musique et de chanter le poème en le dédiant à cause palestinienne
ألا أيها الظالم المستبد |
Ô tyran oppresseur... Ami de la nuit, ennemi de la vie... Et l'orage brûlant va te dévorer |