Le soldat qui projetait d'attaquer une mosquée cultivait sa haine sur Internet
En guerre contre l'islam, ce sergent de l'armée de l'air était proche de la mouvance identitaire
Le militaire placé en détention à la prison de la Santé à Paris, dimanche 11 août, pour " détention de munitions de quatrième catégorie en relation avec une entreprise terroriste " et " dégradation de lieu de culte ", cultivait un intérêt marqué pour la mouvance d'extrême droite identitaire. Interpellé à Lyon quatre jours auparavant par les policiers de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Christophe Lavigne, 23 ans, est suspecté d'avoir projeté d'attaquer la mosquée des Minguettes à Vénissieux (Rhône).
Sur son profil Facebook, ce sergent de l'armée de l'air affichait sa sympathie pour plusieurs formations ou cercles liés à l'extrême droite - du Bloc identitaire à Maison commune en passant par Belle et rebelle - et pour les idéologues qui s'y rattachent, à l'instar de Guillaume Faye, prédicateur de " la guerre totale entre l'Occident et l'islam ". Ou de Dominique Venner, dont le suicide à Notre-Dame de Paris, le 21 mai, l'avait particulièrement marqué.
Cette mouvance identitaire refuse le métissage, vu comme un ethnocide, et l'immigration, perçue comme une colonisation de l'Europe. Dans ce milieu, l'islam est désigné comme l'ennemi principal au nom de la défense de la civilisation européenne.
Christophe Lavigne, qui a servi en Afghanistan avec son régiment, n'était toutefois pas encarté dans une quelconque organisation. Plus esthète qu'acteur, il semble n'avoir jamais participé à une manifestation ou autre réunion politique. Son nom ne figurait sur aucun fichier de renseignement.
Pendant sa garde à vue, il a reconnu avoir envisagé de commettre - le 8 août, jour de l'Aïd el-Fitr qui marque la fin du ramadan - un attentat contre la mosquée des Minguettes dans la banlieue de Lyon, projet auquel il aurait finalement renoncé de lui-même, selon ses déclarations aux policiers.
Jusqu'alors, il s'investissait surtout dans l'exploration d'une certaine contre-culture un peu " dandy chic " d'extrême droite, se tenant à l'écart de toute action concrète. Même si, il y a un an, comme il l'a également confié aux policiers, il avait jeté un cocktail Molotov contre la mosquée de Libourne (Gironde), ville où il a des attaches familiales.
Lunettes rectangulaires, sourire timide, Christophe Lavigne affiche une apparence plutôt lisse. Rien dans sa tenue vestimentaire ni dans sa présentation ne trahit ses accointances idéologiques.
Il faut aller sur Internet pour découvrir ses goûts musicaux, qui le rattachent de manière incontestable à la mouvance identitaire. Il est ainsi fan des groupes Hôtel Stella, In Memoriam, Death in June et Zetazeroalfa, qui sont autant de marqueurs dans ce milieu. Comme eux, il s'intéresse au paganisme et aux croix celtiques et collectionne les clichés " historiques " : soldats franquistes, squadristes mussoliniens, officiers allemands de la seconde guerre mondiale.
Au vu de son compte Facebook, c'est à partir de 2012 qu'il plonge dans cet univers. Il essaie d'entrer en contact, à plusieurs reprises, mais en vain, avec Maxime Brunerie, le militant d'extrême droite, auteur d'une tentative d'attentat contre Jacques Chirac le 14 juillet 2002. Est-ce cette activité de plus en plus débordante qui a alerté ses proches ? En tout cas, au cours des dernières semaines, sa mère a prévenu la police car elle redoutait une radicalisation de son fils.
Christophe Lavigne est décrit comme un solitaire, fragilisé par une rupture sentimentale récente. Le jeune homme a-t-il été influencé par un autre membre de la famille, plus âgé - " Gigi Engival ", comme il se fait appeler sur Facebook -, qui l'accompagnait dans son activité politique sur Internet et affiche lui aussi des convictions d'extrême droite radicale ? " Gigi ", qui arborait avec ostentation plusieurs symboles de la mouvance, dont une grosse croix celtique, a fermé son compte depuis que Le Monde a essayé d'entrer en contact avec la famille.
Lors des perquisitions effectuées au domicile de Christophe Lavigne, les enquêteurs ont découvert un fusil de chasse ainsi que deux armes datant du XIXe siècle - un Reich 1884 avec une cinquantaine de cartouches et un Remington 1854 - qui lui auraient été données par son père biologique.
Le type de profil de Christophe Lavigne - solitaire, non organisé et sans activité militante identifiable, mais prêt à passer à l'action - est celui que les policiers redoutent le plus.
Yves Bordenave et Caroline Monnot
© Le Monde 150813