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Lasserre family's trip

Tiboubou around the world

Euskal Trail Ultra 11 et 12 mai 2018 Publié le Lundi 14 Mai 2018 à 22:04:32

 

 

 

 

 

EUSKAL TRAIL ULTRA 11-12 mai 2018

 

 

 

 

Lors de mon dernier ultra il y a 3 ans, je m'étais promis de faire une longue « pause » et de ne pas repartir sur une aussi longue distance avant d'avoir 40 ans.

Et, comme à chaque fois, mes promesses se dissipent comme la brume matinale. De mes promesses , il ne reste plus rien, et me voilà à nouveau avec ce nouvel objectif qu'est l'Euskal Trail. Il s'approche à grand pas.

J'aurais quand même laissé passer 3 années, entre la construction de notre maison et notre 3eme enfant qui est arrivée dans nos vies il y a peine plus d'un an aujourd'hui.

 

La reprise de l'entrainement pour l'ultra à été difficile à mettre en place, les délais assez courts entre la fin de mon congé mater, la reprise du travail et un entrainement « acceptable ». Heureusement, j'ai la chance de ne pas travailler tous les jours, d'avoir un mari et des parents dispo et compréhensifs. J'arrive ainsi à faire plusieurs sorties moyennes à longues par semaine, et des footings, voir un peu de fractionné (je n'arrive pas à m'y tenir habituellement, trop rébarbatif!) à côté de chez moi.

Mais, comme à chaque fois, j'ai l'impression de ne pas être prête à l'approche du jour J.

Qu'importe, maintenant les dés sont joués, me voilà dans la période de doute et de « repos » relatif des 3 semaines avant ultra.

 

Ludo, mon mari, est absent pour 15j pour son travail, parti en Bretagne pour filmer une compét de surf. Ce sont donc encore une fois mes parents qui garderont nos 3 enfants (dont la petite dernière pour la première fois la nuit, pourvu qu'elle ne les réveille pas sans cesse) et qui me feront l'assistance.

 

Jeudi 10 mai, direction Baigorri avec mes 2 ainés Txomin 10 ans et Uhaina 6ans,qui participeront à la Ttiki Trail, histoire de se mettre dans l'ambiance. Je récupère mon dossard, puce magnétique, sac d'assistance pour Urepel. Contrôle matériel obligatoire, ok tout y est.

Txomin et Uhaina stressent un peu pour leur course, mais ils ont l'air contents, coiffés de leur belle casquette « ttiki trail », et le ravito d'après course valait le coup !

 

Retour chez Aitatxi et Amatxi à Espelette sans attendre le briefing de 18h, tant pis, je préfère finir de tout préparer et me coucher tôt histoire de démarrer en forme demain matin.

 

Je me couche vers 22h, je m'endors rapidement mais me réveille une dizaine de fois. Décidement, il me tarde de le prendre ce départ, vivement qu'on démarre ! Finalement je me lève 20 minutes avant que le réveil ne sonne, il est 3h.

 

Je m'habille rapidement, avale un bout de pain et une ricoré, jette un dernier coup d'oeil sur la météo qui a l'air top ce jour, cataclysmique demain. On prendra ce qu'il y a à prendre !

Je pars, ma chienne pleure de me voir partir en tenue sans elle. Chuuut tu vas réveiller tout le monde !

 

  1. Baigorri Gaztigarlepoa :

 

Arrivée à Baigorri vers 4h20, je cherche comment accéder au parking proche du centre ville, réservé aux coureurs du 130. Quelques demi tours plus tard, j'y suis. Il fait rudement froid, 6°C indiqué dans mon véhicule.

 

La foule des coureurs s'accumule peu à peu devant l'arche de départ. Les favoris sont équipés d'un traceurs GPS. Le moment approche, enfin, on va être libérés, on va pouvoir souffrir tranquilles !

Minute de silence en hommage à un proche de l'organisation d'Euskal Raid qui est parti bien trop tôt.. Puis la musique de départ se fait entendre, la tension monte. Quelques feux d'artifice, fumigènes sur le départ, et on y est !! Ca avance au tout petit trot dans un premier temps, il faut dire qu'on est plus de 430 à prendre le départ.

Au moment de franchir l'arche, comme beaucoup, j'essaie de toucher l'ikurrina (le drapeau basque) du bouts des doigts histoire de me porter chance. Et voilà pas que je me fais bousculer juste à ce moment !!! Je ne sais pas si je l'ai frôlé, touché ou complètement râté mais la foule continue à me pousser de l'avant. Ca commence mal ! Moi qui ne suis pas supersticieuse, je me dis quand même que la chance n'a pas trop l'air de mon côté aujourd hui , et Dieu sait que je vais en avoir besoin !

 

On trottine à une allure facile sur la route. Il y a beaucoup de monde pour nous encourager, je me sens bien, il ne fait ni trop chaud ni trop froid.

La piste s'élève progressivement mais jamais trop rude, et je suis étonnée parce que la cadence reste tout à fait confortable. A ma grande surprise, sur certains faux plats tout le monde marche d'un bon pas, alors que je me fatigue habituellement à essayer d'accrocher des coureurs impatients qui trottinent dans les montées de début de course.

 

Nous voici sur la première vraie montée vers le Jarra. Nous sommes toujours très agglutinés, la file des ultra traileurs ne s'étire pas rapidement ! Je me colle derrière des mollets masculins affublés de chaussettes kalenji violette et orange, que je suivrai presque jusqu'au sommet. Un groupe derrière nous chante une chanson connue débile, en pariant qu'une dizaine de coureurs la gardera en tête pendant une bonne partie de l'ultra !!

En arrivant aux antennes du Jarra, les premières lueurs du jour sont là. C'est beau. Je me sens bien.

On entame alors la descente en courant, et je découvre alors un superbe sentier, éclairé des lueurs du lever du jour. J'ai vraiment beaucoup apprécié ce passage : petit sentier monotrace au milieu de la végétation, lever d'un jour sans nuages, panorama grandiose.

 

L’image contient peut-être : ciel, montagne, crépuscule, nature et plein air

L’image contient peut-être : une personne ou plus, personnes debout, ciel, nuage, montagne, plein air et nature

Après avoir suivi un bout de voie ferrée desaffectée, nous longeons la route et remontant sur les flans de Larla, en suivons un peu la crête. Jusqu'ici tout va bien, heureusement ça n'est que le début du début !

 

Nouvelle descente vers le 2eme check point de Gaztigarlepoa. Je connais ce petit tronçon pour y être passée 2-3 fois en reco. J'attrape 2 rondelles de saucissons au passage et je commence la remontée que je sais rude vers la cheminée d'Iparla.

 

Nous sommes, sur cette montée, 3 filles à nous suivre. Je discute un peu avec celle qui me précède, une Paloise de 26 ans, qui s'entraine surtout en vallée d'Ossau, et qui a abandonné l'an dernier sur l'Euskal. Esperons que cette année soit la bonne !

Petit bouchon au niveau de la cheminée bien raide qui nous permet de ressortir au niveau des crêtes, un peu en dessous du sommet d'Iparla. Tout va bien, ça passe, tranquillement, mais surement !

Passé le sommet, j'allume mon portable pour voir mes sms et prévenir mes parents que je suis un peu en avance sur mes prévisions. La sonnerie me signalant un nouveal sms ne s'arrête plus de retentir, à tel point que je dois m'excuser auprès des coureurs qui m'entourent, et mettre mon gsm sur vibreur. En tout cas, ça fait du bien de voir que je ne suis pas seule, et qu il y a du monde qui me suis.

L’image contient peut-être : montagne, ciel, plein air et nature

A l'approche du col d'Ispegi, un hélico passe au dessus de nos têtes. Je trottine avec plusieurs coureurs qui essaient de motiver l'un des leurs : « Allez allez ça va le faire ! On va s'arrêter un bon moment à Ispegi ! Ensuit tu vas voir on va croiser ceux du 40 qui descendent en courant de l'Autza, ça va te motiver ! Et puis l'objectif suivant, les Aldudes ! On va avancer comme ça par étapes, tu vas voir, ça va passer comme ça ! ».

 

« Txomin !!! » Voici mon fils au bord du sentier ! Arrivée à Ispegi, beaucoup de monde et de voitures. Je retrouve mes 3 enfants, mes parents qui m'ont apporté de quoi me changer (short, chaussettes-crème anti frottements , t shirt), je me vide la moitié d'une bouteille de salvetat. Je grignotte.

 

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Après une longue pause, c'est reparti ! Je salue Maite au passage qui encourage les coureurs un peu plus bas.

 

  1. Ispegui-Aldudes :

     

Sentier facile en forêt, et nous rejoignons le col qui annonce le début de la grimpette vers le somment de l'Autza.

Là ça se corse un peu. Je ralentis ma cadence et je monte ttuku ttuku en essayant de ne pas glisser sur ce sentier bien boueux. Les coureurs du 2 fois 40 dévalent la pente dans l'autre sens, avec presque toujours un sourire, un bonjour, un encouragement. Ils font tout pour ne pas nous géner, « c'est vous qui montez, priorité pour vous ! » . C'est vrai que ça motive et que ça fait du bien au moral, même si je me sens d'autant plus lente qu'ils descendent vite ! Le sommet est atteint, et nous replongeons sur l'autre versant, trottinant au milieu des rochers et des cailloux roulants sous les pieds. Bientôt notre itinéraire quitte celui des 2X40. Nous les reverrons demain, pour ceux d'entre nous qui seront encore là.

 

La descente vers les Aldudes me paraît très longue et monotone, même si la forêt est belle et le temps encore au beau fixe. Nous n'avons pas encore fait 45km, la route va être longue. Et voilà déjà cette fameuse question qui ressurgit dans mon esprit « Mais...Qu'est ce que je fous là ? »

 

Surprise en atteignant le village des Aldudes, mon assistance de choc est là !! Ca n'était pas prévue, mais ça fait du bien ! Je m'assied un peu, mange un bout (la soupe de pâtes commence à avoir du mal à passer.. pourtant je me suis forcée à manger un peu, très régulièrement pour éviter ça..), vide encore plus d'un demi litre d'eau gazeuse. Ca me fait du bien, à tel point que quand je marche, je me rêve une grande bouteille d'eau piquante ! A croire que ça tamponne l'acidité gastrique et je me sens immédiatement mieux. Comme quoi, mes ultras se suivent et ne se ressemblent pas !

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Merci les miens, muxu mon bébé Lutxi (qui crie et se tord quand je veux la prendre dans mes bras!), je repars car la suite vers Urkiaga m'inquiète un peu.. A demain à Baigorri...j'espère !!!!!!

 

  1. Aldudes-Urkiaga :

 

Effectivement, cette partie est terrible. Longue, ennuyeuse, interminable, plombante... J'avance pas à pas en pensant à tout un tas de choses. Je me rend aussi compte que depuis le début je suis très souvent seule sur de longues portions. Habituellement, je rencontre des personnes avec qui je partage un bout de chemin, discussion de quelques heures, qui aident à avancer. Mais là, non. Je suis seule avec mes pensées, et le chemin, et la montée. Montée qui n'en finit jamais.

 

Je rencontre quand même une coureuse qui présente quelques ennuis digestifs semble t il. Infirmière je crois. Elle n'est pas la seule, un autre vomisseur est forcé de s'arrêter en haut du dernier pattar.

Beurk, je n'arrive pas à avaler grand chose, même l'eau plate m'écoeure, mais j'ai la chance de n'avoir jamais souffert de problèmes digestifs plus sérieux !

 

Je suis maintenant accrochée aux basques (sans mauvais jeux de mots) d'un Normand qui s'entraine chez lui (pas top niveau dénivelé!) et qui n'a jamais couru plus de 10h d'affilé. Je me demande si il aura terminé (je le verrai pour la dernière fois à Burgete, allongé sur un lit de camp sous une couverture, pendant qu'on lui remplit son camel back!).

Puis je suis un autre compère, tatouage de tortue sur le mollet droit, qui n'en est plus à son premier ultra : diagonale des fous en 2013, Andorre, .. Il me vante les mérites de l'Andorre ultra trail, qui pour lui est l'épreuve reine, magnifique, plus longue et plus difficile que la Diagonale des Fous. Il participe d'ailleurs à l'Euskal dans son programme d'entrainement pour l'Andorre.

 

Nous voyons maintenant bien nettement l'énorme Ahadi qui se dresse devant nous...

 

Descente dans la forêt, et voici le CP de Urkiaga.

 

J'essaie de prendre 2-3 aliments salés pour voir si ça passe. Décidement, je ne m'alimente plus du tout aussi facilement qu'avant sur les longues distances.. Assise sur le sol, je vois une dame qui me demande si je veux qu'elle m'apporte quelque chose d'autre à manger ou à boire.

« Merci ! Mais j'ai déjà du mal avec ce que j'ai pris, je crois que je n'arriverai pas à le finir ».

Je suis impressionnée par la gentillesse et l'attention de toutes ces personnes qui entourent les coureurs, bénévoles et assistants. Merci, ça aide beaucoup moralement !

 

Allez je repars, nous avons fait un peu moins de la moitié, et je serai à Urepel avant la nuit !

 

  1. Urkiaga-Urepel :

 

A la créole « Ti pa ti pa », je m'élève tran-qui-lle-ment vers le sommet de l'Ahadi.

 

- « C'est si raide que ça la montée ? » je demande à un concurrent connaisseur du parcours

-  « Euuuh, c'est spectaculaire on peut dire ! Moins long que l'Autza, mais plus spectaculaire !  Mais je te laisse découvrir ! » avec un sourire en coin..

 

En effet, le long d'une clôture barbelée, une pente herbeuse hyper raide s'élève tout droit sur plusieurs centaines de mètres. Ouuuuuuurrff !!! Ca tire, mais je pose doucement mon pied gauche devant mon pied droit et mon pied droit devant mon pied gauche, et ainsi je ne m'arrête pas. Je dépasse même des coureurs plus rapides qui s'arrêtent reprendre leur souffle

« Je n'arrive pas à faire comme toi ! » me dit l un d'eux.

 

La vue au sommet est grandiose. C'est beau, je suis heureuse d'être là.

 

Maintenant la descente vers la base vie d'Urepel ! Yeepa !!

 

Enfin, « yeepa » c'est vite dit... Rapidement mon estomac m'indique qu'il n'apprécie pas trop les secousses provoquées à chaque impact de mes pieds sur le sentier. Zut, difficile de courir trop longtemps. Je trottine un peu, en essayant de ne pas trop frapper le sol. J'ai l impression que de garder un peu d'eau dans ma bouche m'aide à me sentir moins mal mais je n'arrive toujours pas à manger correctement. Vivement qu'on arrive.

A ce stade, je ne pense pas à la suite, juste à arriver à Urepel, me doucher me changer me faire masser, et si tout va bien manger !! Après, je serai normalement prête pour attaquer la suite.

 

Arrivée à Urepel sous les cris et les applaudissements. Milesker, milesker !

 

  1. Urepel :

 

Je pointe au CP, je récupère mon sac d'assistance et pars me doucher. Depuis le départ mon objectif est juste de passer dans les temps aux barrières horaires, et de tenir sans me faire trop mal. Je prend donc le temps nécessaire pour me refaire une santé autant que faire ce peu sur cette base vie.

 

« Pour les dames », les douches sont de l'autre côté, je m y retrouve seule à nouveau. Grosse frayeur en répondant à un besoin naturel, mes urines sont couleur...coca cola... Aaaaaaahhhhh !!!! mais qu'est ce que j'ai ??? hématurie, sang dans les urines ? (j'ai ressenti de grosses douleurs dans le bas ventre quelques heures plus tôt) , myoglobinurie ? (je m'autodétruis musculairement) ?

Vais-je demander son avis au médecin du poste ? Mais il risque, ne serait ce que par mesure de précaution, de m'interdir de repartir, et je me sens bien !

 

Je détourne mes pensées pour le moment, et je pars essayer d'avaler quelque chose de chaud. Ca passe bien, la douche m'a bien revigorée.

 

Maintenant, direction les kinés, adorables, pour retrouver des jambes neuves : il y a là plusieurs personnes, dont un gars qui n'avale plus rien depuis plusieurs heures et qui doute sur le fait qu'il puisse repartir..

Le kiné me montre mon classement sur son portable: 2eme senior féminine ?????

« c'est un podium là ! » me dit il

J'ai du mal à le croire, il y avait beaucoup de féminines devant moi.. Ou alors elles sont toutes vétérans ou elles ont abandonné ?

« y a que des vieilles devant» me dit le kiné en riant !

 

  1. Urepel-Burgete :

 

Je repars à la frontale, d'un pas rapide, bien dans mes basquettes, l'estomac apaisé, les muscles aussi.

Je me suis bien couverte et il fait rapidement chaud. Je m'arrête donc au bord de la route pour ranger ma polaire dans mon sac. 2 coureurs me dépassent, et je ne verrai plus personne (d'humain en tout cas) jusqu'à Burgete.

 

Cette portion n'est pas très agréable car beaucoup de route puis de grosses pistes larges et monotones. La fatigue doit commencer à se faire ressentir, et je souffre un peu de l'isolement. J'attrape mon i pod dans ma poche en me disant que la musique va me motiver. Arg ! Je l'ai laissé allumé en préparant mes affaires, la batterie est vide !! Pas de musique, je n'ai qu'à chanter dans ma tête (nous voilà bien..).

 

Soudain, je vois se dresser devant moi, à quelques mètres, au milieu du sentier une grosse masse blanche fantomatique, affublée de 2 disques lumineux en son centre.

« Eeeeeuuh...c'est quoi ce truc ?? »

Je n'arrive pas à comprendre ce que cela peut être c'est vraiment étrange, un pointage surprise des bénévoles qui se sont recouverts d'un drap blanc et de 2 frontales sur le torse ??

Je m'approche donc de cette forme qui a l'air aussi dubitative que moi.. Une vache !!!! C'est une bête grosse vache blanche dont les yeux réflechissent la lumière de ma méga frontale !

Elle fait un écart aussi large qu'elle peut pour m'éviter et nous nous éloignons dans la nuit noire..

 

Un crapaud, quelques scarabées, des grosses flaques de boue et une interminable piste plus tard, je pénètre entre les premières maisons de Burgete. Il fait nuit noire, il fait froid. Enfin de la lumière, des voix, du réconfort.

 

Il y a du monde et de la vie là dedans ! Ca réchauffe le cœur dans tous les sens du terme. Les bénévoles sont encore aux petits soins et ont préparé des tortillas succulentes !! Du pâté avec du bon pain, de la soupe, du jambon du saucisson. Certains coureurs n'ont pas l'air pressés de repartir...

 

Ca caille dur dehors, je rajoute mon surpantalon, si les prévisions sont bonnes, nous prendrons une bonne saucée dans pas longtemps.. Je repars dans la nuit épaisse à couper au couteau (si si ça existe comme expression, et sinon, je l'invente).

Je suis déçue de ne pas trouver de mulots sur le chemin, alors que plusieurs récits de coureurs des éditions précédentes en faisant état.. ! Passage dans Ronceveaux, très impersonnel et bétonné de nuit. La remontée vers AstoBiskar est... affreuse... Encore une fois, une piste large et moche qui monte, monte, monte, de plus en plus raide. Je rejoins un compagnon de quelques temps qui souffre des genoux (si mes souvenirs embrumés sont exacts).

 

Au bord de la piste, une coureuse arrêtée dans la lueur de sa frontale, seule, pas l'air en forme.

- « Ca va ? »

- « Pfff, j'ai un passage à vide.. »

- « Tu as de quoi manger ? »

- « Je ne peux rien avaler de toute façon... Je vais essayer de dormir»

Et quand je vois par la suite la longueur de chemin qu'il reste avant d'arriver au col, je lui souhaite bien du courage..

 

Fichu col de Lepo Eder atteint, encore une vision bizarre dans le halo de ma frontale. On dirait quelqu'un étalé au bord de la route au sommet, dans une tenue scintillante... En m'approchant, il s'agit d'une tenue de « pellerin de Saint jacques », posée là. Il faut dire qu'au milieu de la nuit, épuisée, seule dans les vapeurs de mon esprit alors défaillant, ça ne doit pas provoquer le même ressenti qu'en plein jour !

 

Descente vers Egantza, de ce moment là je ne me souviens plus bien, je crois que je n'arrive plus à courir mais je n'en suis pas sure. Mon esprit divague, et comme à chaque fois, il m'envoie des infos erronnées : je vois une tente quechua alors que c'est une grosse branche d'arbre arquée, je vois une petite panthère noire sur le côté du sentier (des branchages), je vois 2 personnes en poncho qui attendent les coureurs (ce sont une souche et un rocher), un chien allongé au bord du chemin (cailloux et terre), … et chose nouvelle, la capuche de ma veste gore tex sur ma tête m'envoie elle aussi des informations, auditives cette fois, délirantes : j'entend mes enfants qui me parlent, des radios, des coureurs qui arrivent derrière moi, alors qu'il n'y a personne. C'est épuisant de devoir à chaque instant faire l'effort de rétablir la réalité des choses. « Oh, cerveaux, tu ne m'aides pas vraiment là ! »

 

Le brouillard est là à présent,et le vent glacial. Je suis encore et toujours seule sur mon chemin. Mon chien me manque, dans mes reco pluvieuses, ventées, voire apocalyptiques, il m'est toujours d'un grand soutien psychologique..

 

Lumières au loin, des éclairs illuminent la côte . L'orage arrive ?

 

Plic... ploc..., plic ploc plic ploc, vroufffffff il pleut des cordes !!! Et le vent continue. En quelques minutes j'ai les pieds trempés, l'eau gelée pénètre dans mes gants et remonte le long de mes avants bras dans mes manches. Merci Ludo de m'avoir conseillé cette veste qui me permet de maintenir ma chaleur corporelle correctement. En tout cas, pas interêt à être immobilisée ici !! Et le CP d'Egantza qui n'arrive pas. .Il me semblait qu'il était indiqué au km101, mais la balise est déjà passée et il n'arrive pas !

 

Je suis un bout de route, et je croise 4 coureurs qui s'éloignent sur une autre route :

- « Mais....Vous allez où ?????? »

- « Nous, on arrête !!! » me lancent ils en s'éloignant rapidement dans la pluie et le vent.

 

Enfin, enfin, trempée, ruisselante, je rentre comme je peux dans le tout petit abri d'Egantza, rempli des épaves de coureurs ahuris et trempés jusqu'aux os, certains dans leur couverture de survie.

Les bénévoles sont comme à chaque fois aux petits soins. Soupes chaudes, paroles réconfortantes.

 

  1. Egantza-Arnegi

 

 

Beaucoup d'entre nous hésitent, et à ce moment précis, je ne fais pas la fière. J'en viens même à espérer que l'organisation neutralise la course pour ne pas avoir à rendre mon dossard de moi même.

Après discussion, certains d'entre nous se motivent pour descendre au moins jusqu'à Arnegi, à seulement 9km de descente. Là, on verra bien ce qu'il en est.

Et puis je me dis que si je ne termine pas cet ultra, je serai « obligée » de le refaire ! Alors que si je finis, ça, ça sera fait !

 

J'essaie d'accrocher 2 gaillards qui descendent bien trop vite pour moi, dans la boue et les pierres hyper glissantes. Ils m'attendent « On ne va pas te laisser toute seule comme ça quand même ! ». Mais si , allez y, vous n'allez pas m attendre à chaque fois, vous allez bien plus vite que moi ! J'attendrai que les suivants me rattrape si besoin.

 

Ma frontale s'éteint, plus de batterie ! Heureusement j'avais anticipé en gardant celle de secours dans ma poche, la manip aurait été compliquée sinon dans la nuit, la pluie, le brouillard et le vent...

 

Finalement, leurs lumières disparaissent dans le brouillard. Et voilà que c'est moi qui rattrape le coureur qui me précède, il a une drôle de démarche

- « J'ai mal aux pieds.  J'ai vu le podologue à Urepel, il m'a dit qu'avec l humidité, j'avais la peau des pieds qui avait pourri  et qui se décolle »

Ouf, aïe aïe ! Il veut me laisser passer mais je propose qu'on reste ensemble jusqu'à Arnegi, ça me va très bien et ça me rassure.

 

La pluie s'arrête, restent le brouillard et la boue..

 

  1. Arnegi-Baigorri :

 

Il ne reste « que » 20km et des poussières, et la pluie s'est arrêtée. Pas question de rester plantée là !

Ti pa ti pa je repars pour ce dernier bloc avant la délivrance.

 

La piste est longue, longue, longue, monotone, longue, encore un virage, encore un lacet, encore et encore... Heureusement que l'on sait la fin proche. Le cerveau est sur pause, et la marche automatique.

 

A Ehuntzaroi, l'accueil est encore une fois extraordinaire. On me fait rentrer au chaud dans l'abri, et les bénévoles sont tout (sou)rires ! On rigole bien, même si le thé ne passe pas. Allez, Adarza et le froid nous attendent ! Dernier sommet qui n'est pas loin.

 

Je n'en crois pas mes yeux quand j'aperçois dans la tempête et les rafales de vent gelé ces 3 bénévoles au sommet qui me demande si tout va bien pour moi !!!

 

La dernière descente est ultra glissante, d'autant plus que les coureurs des 2X40 et des 2X25 nous rattrapent soudain. C'est une corvée pour moi que de devoir m'écarter du sentier pour ne pas les entraver dans leur descente. Il faut dire qu'on n'avance plus du tout à la même vitesse !!!

 

Je suis engloutie dans la horde de tous ces coureurs « frais » , en superbe tenue de trail rapide alors que je dois ressembler à une maladroite masse difforme, avec ma grosse veste à capuche dégoulinante et mon surpantalon flasque et boueux..

 

Enfin la route de Baigorri est atteinte. Je retrouve un coureur de l'ultra, devenu rare au milieu de tous ces cabris des autres courses. Il sourit en me voyant

- « Et bien, on a beau essayer de courir, on ne lève plus les pieds aussi bien que les autres.. On nous reconnaît, les ultras ! »

Image

J'arrive quand même à me motiver à courir sur la dernière ligne avant cette fichue arche qu'il m'aura fallu 31h à rejoindre ! Plusieurs visages connus, et Txomin et Uhaina qui parcourent les derniers mètres avec moi.

 

L'homme au micro m'aperçoit et m'interpelle :

- « Voici une finisheuse de l'ultra ! Brigitte Lasserre ! »

 

Yeeeppppaaaa !!!! J'y suis !!!

 

 

 

  1. Et après :

 

Un bon buffet chaud, j'ai mal à la bouche, j'ai du mal à déglutir, je crois que je me suis complètement asséchée les muqueuses, je saigne un peu du nez. Aïe, je viens de « courir » 133 km et 8000m de D+, et l'endroit de mon corps qui me fait le plus souffrir, c'est ma bouche !!!

 

Je suis heureuse, fatiguée mais heureuse !

 

Récup de mon sac d'assistance, de mon t-shirt finisher.

 

On rentre à Espelette, je m'écroule comme une masse pour plusieurs bonnes heures de sommeil..

 

 

  1. En conclusion :

 

Un bel ultra, dur, éprouvant.

En terminant, je me demandais comment j'avais réussi à plusieurs reprises à avancer encore 40km de plus sur d'autres courses... et puis après quelques heures, on se dit que, si l'esprit en donnait l'ordre, le corps pourrait repartir.. Le corps humain est une machine effroyable !

 

L'ultra trail un drôle de « sport », et plus ça va , plus je me dis que c'est quand même un peu d'autodestruction, en tous cas à notre « petit » niveau, même avec une bonne préparation physique et mentale.

Pour la première fois, j'ai eu peur. A Arnegi en voyant que j'avais peut être un problème physique, j'en ai fait l'abstraction et je suis repartie. Après coup, je suis effrayée d'avoir eu cette réaction à chaud, mais je me sentais bien et je ne voulais pas m'arrêter sur décision du médecin (les résultats d'analyse montreront cependant qu'il n'y avait rien de grave..).


 

 

 

Brigitte LASSERRE SENNE   
Dossard 4169   Ultra Trail - S F

Finisher

176

12

6

Sa. 12:15   Baïgorry Arrivée J2

31:10:54

4,29 km/h
JOUR/HEURE DE PASSAGE Sa. 12:15
TEMPS DE COURSE 31:10:54
CLASSEMENT AU POINT 176
VITESSE 5,47km/h
ALTITUDE 155 m
DIST. DEPUIS LE DÉPART 133,7 km
5,7 km
D+ DEPUIS LE DÉPART 6759 m
11 m
BAÏGORRY ARRIVÉE J2
2km/h4km/h6km/h8km/h

 

 

Les moins : beaucoup de route, de piste large et monotone, solitude souvent sur le chemin

 

les plus : bénévoles au top de chez top, super ambiance, très bascophone, produits du terroir (ardi gasna, saucisse sêche, pâté, jambon de pays, ..), descente de Jarra et sommet de L'Ahadi !!

 

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