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Lasserre family's trip

Tiboubou around the world

Grand Raid des Pyrénées 2014 Publié le Lundi 25 Août 2014 à 18:35:07
  1. PREPARATION:

 Mars 2014, je guette sur internet l’ouverture des inscriptions pour ce nouveau défi qu’est le GRP (ou Grand Raid des Pyrénées), ou plutôt la version « ultra » du GRP. 168km et 10 000 mètres de dénivelé positif, à boucler en moins de 50h. 

C’est parti, je rentre les informations nécessaires, paiement en ligne, validation.
Ca y est j’en suis, une nouvelle sorte de « fous » et une autre aventure sur un autre terrain de jeu, après 3 Grands Raids bouclés à la Réunion (2009, 2010 et 2013).
S’en suit une préparation physique et mentale, avec grosses courses de trail pour s’évaluer, tester le matos en situation, se brieffer sur sorties longues, et booster son mental. Trail du Hautacam début juin: 62km et 4100m de D+, bouclé sans encombre, BK 42 mi juillet (42km200 et 3500m de D+), plusieurs fois l’itinéraire des Hiru Kasko, rallongé d’une dizaine de kilomètres pour le fun, et 3 ou 4 sorties courses hebdomadaires sur mes petits circuits dans le coin (sentier du littoral, forêt d’Arcangues, Mondarrain, Errebi, …)
Je m’équipe aussi en prévision des conditions pyrénéennes et de la liste de matériel obligatoire sur le GRP: polaire technique d’alpinisme, veste imperméable et respirante selon les critères obligatoires (veste de ski de fond quasi), bâtons de trail ultra légers et pliables en 15 secondes chrono. nouveau kamel back, nouvelle frontale (2 sont obligatoires). 
Je me procure les 5 cartes IGN permettant de retracer l’intégralité de l’itinéraire du GRP 160, je lis un maximum de récit de course de grand raideurs des années précédentes afin de repérer les principales difficultés; j’apprend par coeur le profil de la course afin de savoir globalement à quoi m’attendre. Mon objectif: finir!
Comme à mon habitude, je me met au « régime d’avant course » un mois avant le jour J: plus une goutte d’alcool, plus de viande rouge, plus de charcuterie, ni pâtisserie, ni bonbons, chocolat, pas d’épice, pas d’aliments irritants ou fermentescibles… Une bonne quantité de sommeil, une hygiène de vie irreprochable..
Bref, voici rapidement résumées les contraintes et les bases indispensables durantau minimum les 6 mois précédents une telle course, qui ont impliqué et mis à contribution tout mon entourage…
     2. J-1:  

Ludo ne pouvant être présent, ce sont mes parents qui m’accompagneront et me feront l’assistance. Txomin et Uhaina, mes adorables rejetons, seront à leur côté pour me redonner un peu de force sur les points d’assistance.
Jeudi début d’après-midi, nous voici partis tous les 5 dans le Duster, direction Saint Lary pour la remise des dossards et le dépôt des sacs d’assistance, puis Aragnouet et la petite « maison des buis » où nous devrons passer la nuit (et celle de samedi soir pour mes parents et enfants). 
C’est étonnant comme il n’y a presque pas d’affiches ou de signalement de l’événement que représente le GRP. Seules quelques banderoles dans le centre de Vielle Aure annoncent la couleur. 
Pourtant, en pénétrant dans le « village de la course », on se retrouve subitement au beau milieu de coureurs de trails affublés de T-shirt de finishers des courses de hautes renommées: la 6000D, l’UTMB, la Diagonale des fous, la Trans gran canaria, et j’en passe et des meilleures.. après avoir marché un bon kilomètre avec les enfants, nous voici sous le chapiteau de remise des dossards. Je m’approche de la table « 3000- 3100 » , salue la bénévole présente. 
« J’ai le dossard 3039, Lasserre. Vous avez besoin d’une pièce d’identité? »
« Non. Votre sac. »
« Mon sac? Quel sac? »
Arg. Je comprend alors que la vérification du matériel obligatoire se fait ici et maintenant. Et mon kamel back qui est bien au chaud dans la maison des Buis à Aragnouet, à 20 minutes de voiture d’ici.. 
Comme c’est l’heure du briefing du 160, Aitatxi va chercher mon sac, alors que Amatxi reste sur le stade avec les enfants. Merci à eux..! 
Je m’approche de l’estrade centrale. On nous annonce la couleur: orages le matin, pluie, rafales de vent jusqu’à 70km heure par endroit. Très froid surtout. 4°C sur le Pic du Midi, et températures négatives pour ceux qui passeront de nuit au Cabaliros. Un responsable nous indique ensuite la conduite à tenir pour porter secours à un éventuel concurrent en difficulté. L’an dernier, l’un d’entre eux aurait fait une grave chute dans le lac Bleu, provoquée par un rocher tombé de plus haut à cause des chèvres. Merci au trailer qui l’aura secouru et permis son évacuation en hélico.
Et aussi, attention aux vaches pyrénéennes qui n’ont pas l’habitude de voir passer du monde et qui risquent de devenir belliqueuses. « Ne vous en approchez pas trop près! » . Ok, c'est noté! 
Aitatx revient avec mon sac. Je retourne voir la « gentille » bénévole qui vérifie point par point le matos:
« sifflet, ok »
« 2 frontales + piles de rechange, ok »
« reserve de plus d’1,5L d’eau, ok »
« pantalon long,.. ? »
Bé non, je le met demain sur moi au départ!!!! On ne va pas ENCORE remonter le chercher là haut!! Alors je lui montre mon jean
« Ecoutez, voilà, c’est celui-là, conforme au règlement, il couvre toute la jambe! »
Bref, ça finit par s’arranger comme ça, et puis je ne cherche pas à gruger, le matos obligatoire, je l’ai!
Retour à Aragnouet où d’autres coureurs viendront passer la nuit dans le batiment voisin semble t il. Tout petit chien blanc ridicule (Funzy) qui court partout comme une fusée et occupe bien les enfants. Pates al dente (j’en ai ma claque de la pasta) , et au lit à 21h après avoir vérifié encore 10 fois mon sac. Ca caille dur, je dors en tenue de course, ça sera toujours ça de gagné pour le lever dans quelques heures.
  1. JOUR J:
3h40, le réveil de mon père sonne, suivi du mien quelques secondes après.
On se lève comme des automates, et on quitte la chambre commune pour se retrouver dans la cuisine du rez de chaussée, devant un café et des tartines, qui étrangement ne passent pas trop mal..! Le moral est là, je me sens prête physiquement et mentalement. Il me tarde de partir.
Petite route de montagne qui serpente pour rejoindre le centre de Vielle Aure et le point de départ. Des coureurs apparaissent peu à peu de plus en plus nombreux, coiffés de la lueur vive de leur frontale, et convergent tous vers le même point et le même défi.
Aitatxi m’accompagne jusqu’au couloir de départ. On me bippe mon dossard au passage. Ca y est, j’y suis. Les fous (bin oui, ici aussi, ils sont fous) ne me semblent pas bien nombreux finalement. On m’avais dit 1000 au départ, à vue d’oeil je dirais plutôt 300 ou 400..? Mais plus les minutes passent et plus la foule grossit et se tasse devant la ligne. Le gars à côté de moi m’adresse quelques mots d’encouragement. C’est son 1er GRP. La météo l’inquiétait , mais apparemment, comme on nous le confirme au micro, on devrait avoir quelques orages localisés ce matin, puis beau temps dans l’après midi et ce jusqu’à la fin. Cool!
Une pluie fine se met à tomber, chacun se dépêche d’enfiler (ou pas) sa veste avant le coup de départ. 
Des feux d’artifice illuminent le ciel de part et d’autre du petit pont marquant le début du long chemin vers notre défi commun.  Un morceau de Cold Play aux oreilles, nous voici partis pour une aventure hors du commun.
-->Vielle Aure-Col de Bastanet:
Le rythme est tranquille, équivalant à un « petit footing », et les 2 premiers kilomètres sont presque plats.
« Ca démarre 3 fois moins vite qu’à la Réunion! » je me réjouis, l’esprit tranquille. La route s’élève ensuite tranquillement, il fait bon, le souffle va, tout va.
Vignec est passé, nous remontons alors par une large piste qui serpente régulièrement. Nous marchons tous d’un pas rythmé et rapide, mes batons me sont d’une confortable aide. Tout va pour le mieux. 
« Ca monte comme ça jusqu’en haut de la première partie. C’est facile, je ne sors mes batons que à partir d’Artigues moi, inutiles avant » annonce un homme un peu derrière moi à son collègue. Chouette je pense, ça va le faire tranquillement alors, et je garde le rythme.
Mensonge. Un bon pattar se dresse devant nous dans la lumière des frontales, voilé par la pluie qui tombe toujours. Le coeur et le souffle s’accélèrent mais l’obstacle est vite passé. Nous voici un peu en hauteur, entre les bergeries que je reconnais avoir vu sur les films amateurs des éditions précédentes. Le sol est humide, ça glisse un peu, mais la fin de nuit est belle, et les nuages se dissipent progressivement.
Bien au dessus de nos têtes, on distingue une rangée de spots lumineux, parant de gros bâtiments. Le Plat d’Adet, je pense.
Quelques personnes motivées sont là pour encourager leurs amis, et nous voilà déjà repartis sur une grosse piste de ski qui s’élève rapidement.
Je me retourne alors, le spectacle est magique:
Premières lueurs du jour, roses et violettes sur la mer de nuages, embrassant les sommets alentours. Plus bas, le majestueux serpent scintillant des frontales qui s’avancent silencieusement dans la nuit.
Brrrr, ouaw, c’est tout simplement parfait. Mais la route est longue. Il ne faut pas trainer.
Nouvel obstacle vite avalé avec l’ascension d’un petit col hyper raide. Je me tracte à chaque pas sur mes 2 batons, les bras tendus en avant. Ouf, ça passe bien. Nous contournons plusieurs arrivées de télésièges ou autres remontées, redescendons un peu, remontons à nouveau. 
« Tiens, tu ne serais pas Céline? On a fait un bout du Trail du Hautacam ensemble! Ca va? »
« Oui oui! Bonne course à toi! » 
Et elle passe un peu devant, progressant plus rapidement que moi. Nous sommes un petit groupe de féminines à peu d’écart. Ca motive et ça fait plaisir. Allez les filles, on tient bon hein!
Restaurant le merlans atteint. Je me ravitaille un peu de salé, et je repars sans perdre de temps. Je me rend alors compte que je suis probablement partie beaucoup trop vite. Les coureurs qui me devancent prévoient d’arriver samedi soir vers 22h!!! soit 5 à 7h plus tôt que mes propres prévisions (quand même hein)! Je pense alors que je dois absolument faire disparaitre toute comparaison avec la Diagonale des fous de mon esprit car ça ne fait que m’induire en erreur! J’ai eu l’impression de partir tout doucement sauf que le rythme n’a jamais ralenti contrairement à la Réunion où l’on part très vite mais avec de grosses récupérations dans les « bouchons du sentier ». Ici, pas encore un instant de relâchement et nous n’avons parcouru que quelques kilomètres! Et je suis perturbée par ce relatif isolement. Peu de personnes qui nous encouragent, peu d’échanges dans le peloton des grands raideurs, parfois pas un sourire quand on echange un regard.. A la Réunion, ça blague créole dès les 1eres heures de course, c’est chaleureux, le départ est hallucinant,..!! ARRETE de PENSER à la REUNION!!!!! !!!!! Ici c’est une AUTRE COURSE, une autre épreuve, d’autres gens, un autre défi, tout aussi beau et tout aussi grand, et encore plus sauvage et authentique. Oublie tous tes repères ma fille, et vis ta course à fond.
C’est fou ce qu’on cogite et ce qu’on se raconte des histoires à soi même dans ces moments de relative solitude.
Je me rend alors compte que j’ai ralenti. A l’inverse, ma fréquence cardiaque fait des siennes et j’ai le palpitant au plafond. Be zut. Qu’est ce qui m’arrive. Et les quadriceps qui commencent à m’envoyer des éclairs dans le cerveau. « Oh, les gars, qu’est ce qui se passe? C’est un peu tôt vous ne trouvez pas? »
Le décor est superbe. On contourne plusieurs lacs en les surplombant sur un sentier presque plat. C’est magnifique mais les autres me dépassent et je ne trottine plus. Petite baisse de régime, c’est tôt mais ça ne m’inquiète pas. Ca va vite revenir, j’ai du effectivement partir trop vite. Je ralentis encore un peu la cadence histoire de récupérer et de profiter du paysage.
Nouveau col, nouvelle difficulté pour mes quadriceps qui ne savent plus comment me faire entendre leurs signaux de détresse, bien trop précoces à mon goût. Nous passons devant des refuges et recevons les encouragements des randonneurs qui se lèvent et profitent du petit matin sur les sommets. Des tentes près des lacs. On doit être bien là, comme tout est paisible...!
Mais je n’en peux (déjà) plus. Bon je suis « simplement » en bas de la vague, avance sans penser et ça va passer. Mais… c’est quand même trop tôt pour être en bas, ça ne fait même pas 15km que nous sommes partis!!! Malgré tout, je me met en mode « pilote automatique » et je progresse lentement mais surement, en me faisant régulièrement dépasser. Allez, ça va revenir, lâche pas ma fille.
Apercevant un col bien haut au dessus de nos têtes, avec la file des raideurs qui s’y élève, je pousse un énorme soupir et demande à mon collègue du moment 
« c’est le col de Portet ça??? »
« Noooon!!! On l’a passé depuis bien longtemps! C’était avant le ravitaillement de Merlans. Ca , c’est le col de Bastanet, et ensuite la descente vers Artigues! »
Aaaaaaaaaaaaahhhhh!!!!!!!!!!!! Ca, ça fait du bien au moral alors!!! et ça fait rire les quelques coureurs qui nous entourent. Ouf, bientôt de la descente alors, je devrais y retrouvrer mes forces!!!
--> Col de Bastanet-Artigues:
 
Effectivement, la descente me revigore, et je double pas mal de monde en courant sur les cailloux du sentier un peu technique. Je suis dans mon élément là, j’aime ça! Le moral revient, d’autant plus que mes parents m’annoncent qu’ils seront à Artigues pour m’attendre et m’apporter mes lunettes de soleil (j‘ai perdu ma 1ere paire en cours de route). 
Le trailer qui court devant moi porte un T-shirt du Trail du Hautacam. J’engage la conversation.
« Je ne l’ai pas fait cette année car j’étais blessé, mais ma femme l’a terminé en 11h ».
On discute un peu, il était présent sur cette course en 2013, et on s’aperçoit alors qu’on a partagé plusieurs heures de course ensemble, de la terrible montée du Hautacam avec les hordes de taons, à la foudre qui avait frappé à quelques dizaines de mètres de lui dans la descente!! 
Il me raconte alors que c’est sa 3ème participation sur le GRP 160, avec 2 abandons à son effectif. Cette année, sa femme est sur le 80km et ils ont prévu de se retrouver à Tournaboup pour finir ensemble sur la portion de course commune.
La descente se fait bien, facile malgré quelques jolies glissades dans la boue. On plonge dans la brume qui emplit la vallée d’Artigues. La cascade est  belle, et nous voici au ravitaillement, dernière escale avant la terrible montée vers le Pic du midi.
Ma famille n’est pas là, en raison d’une erreur de GPS qui les aura conduit à « Artigue » près de Luchon, et non « Artigues » au pied du Pic du Midi. 2h30 de route tout de même… Je suis désolée pour eux, mais je repars, « ti pa ti pa » à la créole, « va fini arriver » je me dis. 
-->Artigues-Pic du Midi/Sencours:

Ca monte d’emblée hyper raide dans la forêt. 
« Ne t’inquiète pas, c’est bientôt moins raide » m’encourage un autre coureur.
Le sentier devient en effet moins abrupt, mais s’élève très progressivement vers ce sommet imposant qui se dresse au loin au dessus de nous, coiffé de son observatoire et de tous ses batiments. 
Des cris derrière moi retentissent soudain, de plus en plus forts:
« HHHHEEEEEE!!! MACHIN!!!! «  
« HEEEEE HHHOOOOOO!!! »
Les coureurs au dessus de moi se retournent enfin, dont l’un d’entre eux qui semble blasé.
« HE! TON POTE IL VA PAS BIEN LA! »
Le gars en question attend alors son « pote qui va pas bien » qui en effet ne semble pas au top. Il ne peut plus rien manger ni boire depuis 5h, et devant moi il s’arrête sur chaque rocher, pris de nausées.
La montée se passe, peeeeeetit à peeeetit, avec pas mal de craquages de la part des autres concurrents qui soufflent un instant sur le bord du chemin. Le col de Sencours n’arrive jamais, c’est interminable. La pluie se remet à tomber, tout comme la température de l’air et la brume. L’eau ruisselle sur ma super veste, et je reste bien sèche en dessous, bien contente de mon matos. Malgré tout, je supporte très bien mes moufles et mon bonnet, associés à ma polaire et mes manchons de bras.
Je passe enfin au Sencours un peu après 13h30, et m’élève sur la piste ventée et glaciale qui mène au sommet du pic. On croise régulièrement les coureurs qui redescendent par le même chemin.
« Faite gaffe, ça caille dur, certains ont eu les doigts gelés là haut! Bon courage, la dernière partie est rude! »
Je peine, je lutte, je n’avance plus  j’ai froid, je cligne des yeux à ne pouvoir m’arrêter, on me dépasse on me dépasse.
« Hé!!!! Tu t’endors ça se voit!! Tu dois bouger plus sinon l’hypothermie va gagner! Viens, met toi derrière moi, on monte ensemble! Tiens mon rythme, accroche, bouge, bouge, allez!!! » 
J’essaie de toutes mes forces d’accélérer mais je ne peux pas, le cerveau ne peut rien faire. Le mental ne suit pas, le corps ne répond plus.
« Non non, je vais continuer comme ça, ti pa ti pa, je vais monter, à mon rythme, ça va le faire, merci, mais je ne peux pas suivre ce rythme…Je ne peux pas... »
Le ti pa ti pa réunionnais ne fonctionne pas dans cette situation de léthargie, je perd mes forces, mon mental, mes jambes, ma tête.. C’est trop dur, il fait si froid, et nous sommes plongés dans le grand blanc des nuages, de la pluie et du vent.
J’atteins pourtant enfin le sommet, mais je me suis brulé les ailes.
Les bénévoles sont réfugiés dans un étroit abris et procèdent au pointage. Se trouvent là une poignée de coureurs qui essaient tant qu’ils peuvent de rajouter des couches isolantes à leur tenue ou qui tentent de se rechauffer. D’autres ont l’air en mauvais point, de couleur douteuse et comme ayant perdu de leur fluide vital...
J’envoie alors, les larmes aux yeux, un sms à Ludo et à mes parents
« Trop dur le pic du midi: froid pluie +++ je pense arrêter; je craque :( »
Il faut de toutes façons redescendre, j’essaie de trottiner dans la descente, soupirant un mot d’encouragement à ceux qui montent encore.
Sencours, bis repetita, j’avale une soupe chaude avec des vermicelles crus, et je repars sans trop y croire vers les montagnes russes et les 20km sauvages qui nous séparent d’Hautacam...
-->Col du Sencours-Hautacam:

Je me prépare psychologiquement à devoir escalader 4 cols. Malgré tout, le sentier est interminable, et finit d’éroder les quelques soupçons de mental que le froid a déjà bien entamés. La pluie de cesse pas, le sentier boueux glisse et les pierres roulent, mes doigts sont paralysés par le froid, mon esprit est éteint. Je n’en peux plus, c’est un calvaire, les heures passent, le temps déjà affreux se dégrade encore plus. Je me sens complètement vidée, physiquement et moralement. J’ai froid, au corps et à l’âme. Et depuis des heures je ne cesse de me faire dépasser, dépasser, je n’ai plus de ju, et depuis plus de 8h ça ne revient pas. 
J’essaie de me resaisir, de « planifier » la suite. 
-La fatigue, ça, ça devrait passer, il faut continuer et les forces vont revenir. Oui, MAIS, depuis des heures et des heures mon état se dégrade de plus en plus… et si je n’avance plus, je me refroidis, et si je me refroidis, je m’épuise et je me met en hypothermie, et alors, je perds mes dernières forces..
-Le froid, après Hautacam, si j’arrive à me faire violence, à progresser encore vers Pierrefitte, je pourrai m’y reposer, me réchauffer. J'emprunterai une veste chaude (tant pis pour le poids) à mes parents, et je pourrai repartir vers le Cabaliros. Oui, MAIS, on nous y annonce des températures négatives, de la pluie, du vent et ce brouillard à couper au couteau,ça ne suffira pas...
-Et avec tout ça, je souffre de cet isolement, souvent seule sur le chemin, avec personne à portée de vue dans tout ce brouillard. Et la nuit qui arrive.. Et mon portable qui n’a pas de réseau en cas de pépin…
Les 2 derniers cols sont mes chemins de croix. Je dois m’arrêter toutes les 5 minutes, prise de vertiges et d’oppressions thoraciques. Je ne trouve plus mon souffle, je n’y crois plus depuis trop longtemps maintenant… Je suis large par rapport aux barrières horaires, mais si je m’arrête, je me refroidi et je ne sais pas si je pourrai repartir.. Et la nuit qui se profile, humide et glacée. Je progresse si lentement, et je ne peux pas prévenir mes parents qui doivent m’attendre à Hautacam! Ils doivent être inquiets.. 
"Encore 7km jusqu’au ravitaillement de Hautacam! »
Un enfer. J’avance comme un zombie, la mort dans l'âme.
Ma décision est prise, j'arrête là. Je ne peux pas prendre le risque de repartir affronter la nuit sur le Cabaliros à près de 2500m d’altitude, seule, avec ce risque de malaise,d’hypothermie, avec ce sentiment douloureux et effrayant d’isolement..
Les derniers kilomètres se font à taton dans le brouillard. On avance jusqu’à une balise, puis on essaie de deviner vers où se trouve la suivante, en s’aidant des traces des précédents coureurs sur l’herbe boueuse. 
Enfin le poste d’Hautacam, et ma famille qui m’accueille, enfin soulagée.
Je rend mon dossard sans hésiter, avec un immense sentiment de culpabilité. Je déchire au passage le filet des poches avant de mon kamel back.. C'est fini.
-->Et après...

C’est fini.
Mes parents me redescendent vers Pierrefitte, sur la route plongée dans un épais brouillard. 
Les nuits et les jours suivants sont si durs. Je me sens mal d’être au chaud dans ce lit avec mes enfants, un bon petit déjeuner et une douche chaude. Le soleil brille ce samedi matin. Le départ du 80km a du être donné à 5h, ils auront le bonheur du panorama grandiose au sommet du Pic du Midi.
Et les rescapés de la première nuit du 160, où sont t ils? Comment vont ils? Ceux avec qui j’ai partagé un bout de chemin, tiennent t ils le coup? 
Comme je les envie et comme j’ai mal pour eux, les pauvres. Tenez bon les gars, courage, le plus dur est passé! Et dire qu’il leur reste encore 24h de course!
La dernière nuit, je me réveille régulièrement, je scrute la liste des finishers, je regarde où en sont les derniers survivants. 
Je pense que inconsciement, je m’étais tellement préparée à passer 2 nuits éveillée que mon cerveau refuse de passer une nuit récupératrice!
Finalement, ma collègue du Hautacam abandonnera à Cauterets, et mon compagnon qui devait retrouver sa femme à Tournaboup n’aura pas pas continué après le pic du Midi.
Sur près de 900 participants, 400 seulement seront parvenus à relever le défi. Une seule femme dans notre catégorie senior! Ca a fait mal. Mais 400 quand même qui l’ont fait. Pourquoi pas moi..? Et si, et si… … Les échecs ne tuent pas, ils nous rendent plus forts parait-il. En tout cas, c’est douloureux.
Un énorme merci à l’organisation de cet événement qu’est le GRP, à tous ces bénévoles souriants (et en particulier la petite dame sous la pluie au col de Sencours « on n’a pas froid, on bouge, on saute on saute! »), à mes amis proches ou lointain en distance (la Rénion lé la!) qui m’ont plus qu’épaulé dans la difficulté, à mon mari qui croit en moi malgré tout, à mes cousins et cousines, beaux parents, soeurs!
et SURTOUT merci à mes parents d’avoir parcouru ces 900km de bitume en un looooong week end, de s’être levés tôt et couchés tard, d’avoir attendu dans le froid, le brouillard et les doutes. Merci aussi pour le gâteau de semoule au caramel qui n’aura pas eu sa fonction initialement escomptée. 
Merci à mes 2 petits bouts de chou adorés, à Txomin pour avoir versé des larmes de déception lors de mon abandon, et pour avoir voulu masser mes pieds puants de boue et de sueur dans la voiture qui me ramenai vers Pierrefite.
La vie est belle, la vie continue!
Image

Brigitte Lasserre (3039) sur la course : GRP160 - L'Ultra

CheckpointPassage
Départ Vielle-Aure 22/08 04:31:41
CP1 - Restaurant Merlans 22/08 07:42:08
CP2 - Artigues 22/08 11:08:29
CP3 - Pic du Midi 22/08 14:44:15
CP4 - Hautacam 22/08 21:03:21
22/08 21:05:40 : Le concurrent a abandonné, a été stoppé ou est hors délai
Afficher le commentaire. Dernier par MOUSSON Denis le 28-08-2014 à 09h30 - Permalien - Partager