La Babouk Masquée

Aux détours d'une interview de Mathieu Weill, le patron de l'AFNIC, parue dans l'Ordinateur Individuel - SVM du mois de juin, on apprend que le .re, notre nom de domaine péi, a 10 ans cette année. On me dira qu'on s'en fout. De l'anniversaire, nous sommes bien d'accord. Mais le .re ce n'est pas rien. La Réunion est le seul DOM-TOM à avoir son nom de domaine propre. A l'exception des Terres Australes et Antarctiques françaises (TAAF) qui ont leur .tf. Les pingouins webmasters qui le valent bien disent merci (en langage pingouin). Mais sinon, on est les seuls. Et pas seulement dans les DOM. On est aussi la seule région et le seul département à avoir une extension propre en France. Enfin bref, à part le .fr et le .tf, l'AFNIC ne gère que le .re. Et peut être bientôt le .paris. Il y a donc des lobbys puissants à la Réunion. Comme dans les TAAF...

Renseignements pris sur le site de l'AFNIC, il y a actuellement 7193 noms de domaine en .re enregistrés. Ce qui est à la fois beaucoup et en même temps très faible comparé au nombre de .fr enregistrés qui dépasse les 2 millions. Quant aux .tf nulle trace. Au boulot les pingouins. C'est pas le tout de faire du lobbying, après il faut bosser !!!

La Réunion c'est la mer, le soleil, et... un taux de pauvreté de 52 %, un taux de chômage de 27 %, 16.000 logements insalubres... Bref, largement de quoi, on l'imagine, alimenter les riches débats au sein des partis politiques et les joutes passionnées entre ultra gauche, gauche, centre et droite dans le cadre de la campagne pour les élections régionales qui s'annoncent.

Voilà pourquoi nul ne s'étonnera que l'un des sujets qui passionnent nos élus, dans le cadre des élections régionales, soit... l'internet haut débit !

Il faut dire que l'ARCEP (autorité de régulation des communications électroniques et des postes) à qui on aurait mieux fait de ne rien demander a rendu public le 8 janvier (Bonne Année !) un rapport qui constate que "les offres de détail sur les marchés du haut débit fixe sont moins attractives outre mer qu'en métropole". Autrement dit : c'est plus cher et c'est moins rapide. Merci l'ARCEP. Non parce que déjà que nombre d'internautes péi se plaignent à longueur de forums et de courrier des lecteurs de la lenteur de leur connexion... Voilà qui va leur (re)donner du grain à moudre, du forum à remplir et du courrier à écrire !

Petite parenthèse pour éviter tout risque de méprise (je marche sur des oeufs moi). Quand je parle d'internaute péi grognon, je mets dans le même panier les goyaves de France (c'est le nom coloré qu'on donne ici à certains zoreils grognons) pour lesquels, de toute façon c'est toujours bien mieux en métropole, et les ultras de la continuité territoriale qui pensent qu'il serait légitime que la ligne B du RER soit prolongée jusqu'à Saint Denis de la Réunion !

Donc, de quoi se plaignent l'ARCEP et les internautes péi grognons ?

L'internet haut débit réunionnais serait plus cher ! Tout dépend de quoi on parle. L'internet haut débit ça sert d'abord... à surfer sur internet en haut débit. Or, surfer sur internet en haut débit ça coûte en métropole 14,90 €/mois en zone dégroupée et 19,90 €/mois en zone non dégroupée. Vous pouvez toujours payer plus mais ça vous regarde. Eh bien, à la Réunion surfer sur internet en haut débit ça coûte 19,99 €/mois point. Là encore vous pouvez payer (bien) plus cher mais là encore ça vous regarde.

A la Réunion (800.000 habitants), en matière de FAI on a l'embarras du choix...

Pour comparer les offres ADSL à la Réunion, je vous conseille le site ci-dessus.

C'est donc effectivement 5 € par mois de plus qu'en zone dégroupée métro, et 9 centimes par mois de plus qu'en zone non dégroupée métro. Donc ok c'est souvent (pas toujours) plus cher ! Maintenant bon quand c'est plus cher c'est de 5 €. Alors évidemment les grognons vont me dire que je suis de mauvaise foi. Qu'à 19,99 € on n'a droit qu'à 4 Go de téléchargement par mois contre de l'illimité en métropole. C'est pour ça que (de très mauvaise foi) j'ai précisé que l'internet haut débit ça servait d'abord à surfer en haut débit. Si on veut télécharger des Go et des Go de films piratés chaque mois, c'est sûr qu'avec 4 Go/mois on a un sérieux problème. Mais sinon avec 4 Go/mois, pour la majorité des particuliers (et hors piratage), on n'a pas de problème.

L'internet haut débit réunionnais serait plus lent ! Là encore tout dépend de quoi on parle. Pour les offres dont j'ai parlé plus haut, en métropole, le débit (en réception) annoncé est compris entre 512 kbit/s et 16,6 Mbit/s en zone dégroupée et s'établit à 512 kbit/s en zone non dégroupée. Je parle là de débit IP. A la Réunion, toujours pour l'offre la moins chère évoquée plus haut, le débit est désormais au maximum de 8 Mbit/s. Bien sûr en métropole comme à la Réunion il y a généralement un gouffre entre le débit qu'on fait miroiter à l'internaute et la réalité. Moi par exemple, au moment où j'écris cet article mon débit s'établit à 1,7 Mbit/s au lieu des 8 qu'on m'a annoncé.

Mon débit, le 14 février à 15h30 !

De mémoire, lorsque j'habitais en métropole je devais plafonner à 3 ou 4 Mbit/s pour 16,6 annoncé. Le ratio (de la mauvaise foi des FAI) est donc à peu près le même partout. Surtout, il dépend à la Réunion comme en métropole de la distance entre le domicile de l'internaute et le central téléphonique.

Donc, en matière de débit, on est, au doigt mouillé, dans un ratio de 1 à 2 entre la Réunion et la métropole. C'est énôôôôrmmmmmmmmmmmeuh clame la meute des internautes péi grognons ! Certes. Ceci dit, et encore une fois, pour la majorité des usages des particuliers, à part un léger ralentissement dans l'affichage des pages web, cela ne change rien. Par exemple, il m'arrive de regarder des rediffusions de documentaires sur le site ARTE+7. Ben c'est très fluide, pas de saut d'image. Bref, c'est ce qu'on attend d'internet.

Mais au fait, pourquoi cé ti plus cher et moins rapide ?

Alors là, au risque de choquer, je crois qu'il faut rappeler trois réalités il est vrai difficile à croire. Primo, la Réunion c'est loin de tout !

La Réunion, c'est le point au milieu de l'océan !

Parce que bon, quand on regarde bien, c'est assez vide le monde autour de la Réunion. Il y a des poissons c'est vrai. Du thon, de la légine... Bon, il y a Maurice, c'est vrai, à seulement 250 km. Mais bon Maurice c'est un peu comme la Réunion. Une petite île paumée au milieu de l'océan. Sinon c'est de l'eau, des océans, profonds de plusieurs kilomètres...

Deuxio, pour faire venir de l'internet haut débit, il faut des câbles ! Si si je vous assure. Ca peut paraître fou parce que quand on surfe sur le web on serait bien tenté de croire que comme dans MATRIX tout ça c'est virtuel. Qu'en fait on nage dans un genre de matrice numérique immatérielle qui englobe The World. Fou ! Mais en fait non. Comme l'eau et l'électricité, le haut débit voyage dans des bêtes tuyaux, enfin des câbles... En l'occurence, vu la situation de la Réunion, des câbles sous-marins.

Matrix, version plomberie sous-marine !

Or, comme la Réunion c'est loin de tout, ben il n'y a pas foule de câbles qui passent dans le coin. En fait il y en a 1 ! Et c'est déjà pas mal parce qu'avant 2002 il n'y en avait même pas du tout. Bon, faut le dire tout de suite, c'est pas un direct La Réunion-Paris place de l'Opéra. En fait, sous le doux nom de SAFE (acronyme de South Africa - Far East), il traverse l'océan indien de Penang en Malaisie à Melkbosstrand en Afrique du Sud, puis sous l'indigeste apellation SAT3/WASC (acronyme de South Atlantic 3/West Africa Submarine Cable), il relie Melkbosstrand à Sesimbra au Portugal en suivant la côte Ouest-Africaine.

Le Monde selon SAT3/WASC/SAFE

Pour plus d'infos sur SAFE : http://fr.wikipedia.org/wiki/SAFE

Or donc ce cable, d'abord il a des limites de débit, ensuite vu la longueur il induit un seuil en matière de temps de latence (le temps entre l'émission d'un signal et sa réception) en dessous duquel il est difficile de descendre, et enfin faut le partager avec tous les autres gens qui y sont connectés. Duuurrr...

Tertio, le monde d'internet, ce n'est pas le pays de Oui-Oui. Hélas non ! On pourrait le croire quand on surfe. Sur le web, il y a des tas de gens très gentils qui prennent sur leur temps libre pour faire des tas de trucs supers et gratuits : Linux, Firefox, Thunderbird, et j'en passe. On pourrait penser que cela s'étend aux cables... Que de gentils milliardaires s'achèteraient des cabliers au lieu de beaux yachts pour parcourir les océans et tirer des cables jusque chez les gens qu'ont pas de sous. Qu'après les élections présidentielles françaises ces milliardaires inviteraient le nouveau président à venir passer quelques jours à se reposer sur leur cablier...

Pour nous aider, si vous êtes milliardaire, philanthrope et que ce cablier vous intéresse...

... voici le site de son fabricant : http://www.hegemann-gruppe.de/index.html

Eh ben non, ça se passe pas comme ça ! Du coup, compte tenu du PIB de l'Afrique et de Madagascar, et du prix de l'installation d'un joujou comme SAFE, il n'est pas certain qu'on revoie un cablier de sitôt.

En résumé, on a du haut débit, on peut surfer partout, commander chez Pixmania, lire LeMonde.fr, téléphoner avec Skype, écouter France info en ligne, regarder ARTE+7 ("Espèce d'intello" me crie ma femme en lisant Voici). et tout ça alors qu'on habite très loin des grands axes du commerce international et qu'autour de nous les gens surfent au mieux à 56 kbits/s et au pire (cas le plus courant) ont autre chose à f... qu'à dépenser les quelques sous qu'ils peinent à gagner pour surfer !

Alors c'est quoi le problème ?

ATTENTION : pseudo-expertise assumée (je peux me tromper... mais...)

La Réunion c'est vert, très vert même!

La Réunion c'est vert d'abord parce que c'est humide...

Pas seulement les paysages. Mais aussi les idées politiques.

Bon, comme toujours, dans les régions touristique, il y a le folklore. En matière de folklore, à la Réunion, il y a deux partis verts. Il y a, d'abord, continuité territoriale oblige, Les Verts Réunion, la branche locale des Verts, mais il y a aussi, particularisme péi, Le Parti Vert Réunionnais ex Mouvement de la Gauche Ecologiste Réunionnaise qui a décidé de changer de nom en 2004.

Bon, je ne sais pas lequel est le plus vert. Mais les plus têtes en l'air ce sont les têtes pensantes du Parti Vert Réunionnais. Ils ne se sont apparemment pas rendu compte, au moment de changer de nom, qu'il y avait déjà un parti vert à la Réunion. C'est ballot. Heureusement qu'ils ont pensé à mettre "Parti" en début de sigle et "Réunionnais" au lieu de "Réunion" à la fin sinon on aurait pu confondre. Mais comme les journalistes font mal leur boulot, c'est quand même un peu compliqué de suivre l'actualité des verts dans la presse. Je les connais moi les journalistes, j'en ai plein la famille. Les rois de "l'à peu près". Toujours prêts à parler - grossière simplification - des verts ou du parti des verts au lieu de respecter, et l'orthographe du nom du parti, et les majuscules, et puis la police de caractères... Une honte. Au moins dans la solitude de l'isoloir pas de risque de se tromper, les noms sont bien orthographiés, faudrait vraiment être con pour confondre Le Parti Vert Réunion et le parti des Verts Réunionnais.

Mais au delà du folklore, il y a du solide. Et le solide c'est GERRI. GERRI ça veut dire "Grenelle de l'Environnement à la Réunion - Réussir l'Innovation". Le projet a été lancé en grandes pompes le 10 juillet 2009 par François FILLON. Il se "fixe l'objectif de faire de la Réunion le premier territoire au monde, d'ici 2030, d'intégration dans une société de toutes les innovations environnementales intéressant la mobilité, l'énergie et ses usages, l'urbanisme, la construction et le tourisme". Moi je trouve que c'est bien comme programme. Ceci dit, entre nous, ça manque un chouïa d'ambition. Pourquoi avoir restreint le champ de Jerry aux innovations intéressant la mobilité, l'énergie, l'urbanisme, la construction et le tourisme ? A mon avis, Jerry aurait du se fixer comme objectif de faire de la Réunion le premier territoire au monde d'intégration dans une société de toutes les innovations environnementales intéressant tous les sujets. Point. En plus c'est plus court.

Enfin bref, il y a donc Jerry... Euh non GERRI. Du coup, Nicolas SARKOZY, notre président, qui vient nous rendre une petite visite lundi prochain, en profite pour amener dans sa hotte, outre la verroterie habituelle, des innovations environnementales intéressant la mobilité. C'est des machins avec quatre roues, un moteur, des portes, des sièges. On appelle ça des voitures. Celles qu'il amène ont la particularité de marcher avec des piles comme la voiture radiocommandée de mon fils. Ce sont des Renault Fluence ZE. ZE pour Zéro Emission, sous entendu zéro émission de CO².

Rahhh qu'elle est belle la Renault Fluence ZE... ça irait bien avec un Hummer !

Photo : LSDSL

Mais la notion de Zero Emission en métropole vaut-elle pour la Réunion ? Car les piles d'une voiture électrique il faut bien les recharger de temps en temps. Et si en métropole l'électricité qui sort des prises murales c'est d'abord et avant tout le Nucléaire, qui s'il n'est pas vraiment vert est effectivement Zéro Emission de CO², à la Réunion l'électricité c'est d'abord le Charbon. Je ne sais pas vous, mais moi, quand on me cause de charbon je pense tout de suite à Germinal. C'est probablement une déformation de Zoreils.

Comme l'argent, l'électricité n'a pas d'odeur... Mais comme l'argent, l'électricité est parfois sale !

Donc pour savoir si notre belle ZE est vraiment ZE, pas de solution miracle, il faut sortir la calculette.

QUESTION N°1 : Combien consomme une Renault Fluence ZE ?

Car toute électrique soit-elle, une voiture consomme de l'énergie. C'est de l'électricité qui grésille au lieu d'essence qui brûle mais tout cela c'est le même E de E=MC². Eh bien pour la Fluence c'est mystère et boule de gomme. Le secret semble bien gardé. Sur son site, l'ADEME affirme qu'une petite berline électrique consomme environ 25 kWh aux 100 km. Bon, je ne sais pas si la Renault Fluence est une petite berline. En version diesel, ce petit joujou vaut tout de même 20.000 € en version de base. Mais faute de mieux, on fera donc comme si... à 25 kWh pour 100 km.

QUESTION N°2 : Quelle est l'intensité carbonique de l'électricité réunionnaise ?

Premier écueuil, il y a visiblement plusieurs écoles en matière de calcul de l'intensité carbonique du kWh produit. Certains s'intéressent à la production moyenne. D'autres à la production marginale c'est à dire à l'intensité carbonique du dernier kWh produit. Bref, ceci n'est pas un blog du CNRS ou d'EDF, on se contentera donc de la moyenne, c'est le plus simple à calculer. Selon une note ADEME/RTE de 2007, l'intensité carbonique moyenne de l'électricité made in France est de 75 g CO²/kWh. Merci le nucléaire... C'est bien mieux que l'Europe qui en est à 370 g CO²/kWh. Pour la Réunion, rien trouvé sur le net, il va donc falloir calculer.

D'après une présentation de l'ADEME de 2007, le kWh à la Réunion est issu à 41,6 % du Charbon (centrales du GOL et de BOIS ROUGE), 22,3 % du fioul (centrales du PORT) et 36 %  des énergies renouvelables : hydraulique pour 24,4 % (barrages de RIVIERE DE L'EST et TAKAMAKA), bagasse - résidus de canne à sucre - pour 11,5 % (centrales du GOL et de BOIS ROUGE) et éolien et photovoltaïque pour 0,2 %. Bon, on peut supposer que le photovoltaïque a bien progressé depuis 2007 compte tenu notamment des incitations fiscales... mais même avec un doublement ou un triplement de la capacité ça ne changerait pas grand chose.

D'après l'étude ADEME/RTE citée précédemment, la production d'1 kWh provoque l'émission de 915 g de CO² dans une centrale à charbon et 676 g de CO² dans une centrale au fioul. Donc la production moyenne d'1 kWh à la réunion provoque l'émission de 41,6%x915gCO² + 22,3%x676gCO² + 36%x0g (le renouvelable) = 513 g de CO².

QUESTION N°3 : Quelle quantité de CO² émet une Zéro Emission à la Réunion ?

En métropole, la Fluence émettra donc 75gCo²/kWh x 25kwh/100km = 1875 g CO² / 100 km soit environ 19 g CO²/km. Sans être réellement Zéro Emission (mais on aura compris depuis longtemps que c'est juste de la Com), c'est quand même pas mal compte tenu que la voiture essence actuelle la plus sobre - la Toyota Prius hybride - revendique une émission de 89 g de CO² / km.

Si l'heureux propriétaire se met à parcourir l'Europe avec sa zoulie Fluence, il émettra alors en moyenne 370x25 = 9250 g CO² / 100 km soit environ 92 g CO²/km. Son dalon réunionnais, propriétaire d'une Prius Gerri Compatible, pourra alors le moukater gentiment sur le thème : moi je peux faire plus de 160 km par jour... même si à la Réunion ça ne sert pas à grand chose de faire 160 km d'affilée !

En revanche, s'il prend à notre bien aimé président, l'envie de faire le tour de la Réunion avec Carla en Fluence, il émettra alors 513x25 =  12825 g CO² / 100 km soit environ 128 g CO²/km !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Pour mémoire à 126 g CO²/km on n'a plus droit au bonus écologique...

Voilou. Du coup je m'interroge. Pourquoi, au delà de notre pauvre Fluence, le véhicule électrique est-il devenu le dada de nombres de collectivités de l'île quand ce n'est pas de certains partis verts ? Certes aux programmes de l'ARER (Agence régionale de l'énergie Réunion) et de GERRI, il est prévu que la Réunion soit autonome au plan énergétique en 2025/2030... Il est prévu... Ca veut dire que ce n'est pas fait. J'ai lu sur des forums des commentaires de gens qui font remarquer que 36 % d'énergies renouvelables (dans l'électricité réunionnaise) c'est quand même mieux que 100 % de non renouvelable avec l'essence. Certes. Sauf que d'abord dans l'essence il y a de l'éthanol... qui est au moins aussi renouvelable que la bagasse. Mais surtout ce n'est pas la part de renouvelable qui compte mais l'intensité carbonique de la soupe finale...

Or ce qui semble ressortir de ce petit calcul, tout imparfait qu'il soit, c'est que quand on mélange du renouvelable, même en quantité non négligeable, avec un truc aussi sale (au plan du carbone) et peu efficace (au plan énergétique) que le charbon... ben il n'y a pas de miracle... la soupe est dégueulasse !

Amis réunionnais, bon appétit !

Attention, article scientifique, littéraires s'abstenir...

Dans la longue et complexe histoire des relations entre les dinosaures et l'ile de la Réunion, il y aura peut être un jour un avant et un après le 27 avril 2009. En effet, ce jour là, en lisant leur Journal of the Geological Society, si les dinosaures n'étaient pas si cons (question de taille de cerveau, ils n'y sont pour rien), ils auraient vite déduit du charabia scientifique de cette feuille de chou, que l'ile de la Réunion abritait l'ordure qui, il y a 65 millions d'années, a anéanti leur "super ordre" et a réduit, du même coup, leur légitime prétention à devenir un peu moins cons, à inventer le moteur à explosion puis, dans la foulée, le Hummer, cette quintescence du progrès chez les moins cons qu'un dinosaure mais pas tellement plus intelligents quand même, 20 litres d'essence tous les 100 km et 468 g de CO² par km parcouru.

Avec un peu plus de cerveau qu'un dinosaure on peut aimer ça...

Avant le 27 avril, les relations entre les dinosaures et l'ile étaient pourtant cordiales, voire franchement amicales. Les marmailles, surtout du genre masculin, vouaient un véritable culte aux grands sauropodes. Les dinosaures, quant à eux, étaient bien installés dans toutes les sphères du pouvoir réunionnais et rien ne semblait pouvoir les en déloger, pas même une certaine presse de très mauvais goût.

Le 17 avril 2009, 10 jours avant la date fatidique, Varangue, le journal de l'école de journalisme de la Réunion, sort son deuxième numéro au thème étrangement prémonitoire!

Hélas, le 27 avril 2009, patatras, une obscure scientifique américaine de l'université de Princeton flanquée d'un nom aux délicates consonnances germaniques - Gerta KELLER - a porté un rude coup à cette belle harmonie tropicale en torpillant les anciennes théories sur la disparition des dinosaures.

Pourtant, depuis les eighties, la messe semblait dite. Comme un seul homme, la communauté des Experts es-dinosaures, pétrie des certitudes de ceux qui se déplacent en Hummer (oui docteur, j'ai un problème avec ce véhicule...), avait désigné à la vindicte populaire LE soit disant coupable de la fin des dinosaures : une vulgaire météorite de la taille de Paris dont le cratère d'impact a été retrouvé sous le village mexicain de Chicxulub.

Chicxulub, il y a 65 millions d'années, un 14 juillet sans doute...

Mais déjà en 2004, Gerta la douce avait entamé son lent travail de sape des fondamentaux de La théorie officielle en démontrant, dans un article publié dans Proceedings of The National Academy of Sciences, que le fameux cratère d'impact de Chicxulub était antérieur de 300.000 ans (une paille...) à la disparition des dinosaures.

Pour les Chicxulubiens, l'heure est venue de déboulonner le monument aux morts... Gerta s'est encore fait des copains !

Dans son papier du 27 avril, Gerta la tendre enfonce le clou et démontre carrément que l'impact de Chicxulub a eu autant d'effet sur le règne animal que les hurlements d'une cinquantaine de passagers d'une rame de RER écrabouillés les uns contre les autres un jour de grêve sur le sommeil d'un syndicaliste Sud Rail... soit moins que pas grand chose voire carrément rien du tout. Pas une espèce n'a disparu suite à l'impact. La météorite qu'on prenait pour un caïd n'était qu'une petite frappe.

Mais alors, qui donc a tué les dinosaures ?

Pour Gerta la maline, la mise hors course de la météorite ouvre un boulevard à son champion, un point chaud, soit un machin très chaud et très énervé, enfoui dans les profondeurs du manteau terrestre, et qui, il y a 65 millions d'années, a pété une durite et a vomi pendant près d'un million d'années des quantités phénoménales de magma, de poussière et de gaz, au niveau de l'actuel Deccan indien, créant au passage les Trapps du Deccan, un amoncellement de couches de lave de plusieurs kilomètres d'épaisseur sur près de 4 fois la surface de la France. Si les dinos n'ont guère été impressionnés par l'aspect architectural de la chose, ils n'ont en revanche pas vraiment goûté les changements climatiques subséquents, car il est prouvé que les dinos étaient des chochotes. Résultat : Fin des dinos.

Les Trapps du Deccan

Comme monument aux morts des dinos, cela a un peu plus de gueule que la ridicule pierre tombale des Chicxulubiens...

Mais pas fin du point chaud. Visiblement insensible au mal qu'il avait causé, et assuré de sa totale impunité en l'absence d'un corpus juridique sur l'évolution des espèces il y a 65 millions d'années, l'affreux n'a pas bougé d'un pouce. En revanche, au dessus de lui, la croûte terrestre, elle, et donc ce qui deviendra plus tard l'Inde, a entamé une longue dérive vers le Nord. Pendant ce temps, notre point chaud, pas totalement calmé après son forfait, continuait régulièrement à éructer du magma créant au passage les Seychelles, les Maldives, les Chagos, l'ile Maurice et, enfin, il y a deux millions d'années, l'ile de la Réunion sous laquelle il continue à vociférer ses insanités.

Assuré de son impunité, l'assassin n'a pas cherché à masquer les traces de son passage

Bref, pour les littéraires qui n'auraient pas encore compris, le Piton de la Fournaise est (d'après la théorie la plus récente) la partie émergée du SEUL ET UNIQUE TUEUR DES DINOS. Il est donc probable que les tyranosaures n'aimeront plus la Réunion. Quoique, nos dinosaures péi n'ont pas l'air pressé de laisser la place...

Du haut du piton de la fournaise, 65 millions d'années d'impunité nous contemplent

Fin de l'histoire.

A la Réunion, on n'a pas beaucoup de place… mais on s'en fout ! Du coup, on a plein de bonnes idées.

Primo, on fait des bébés. Résultat on est déjà 800.000. Bientôt 1 million. J'en ai déjà parlé. Je participe personnellement à la cause.

Deuxio, on s'achete tous des voitures (300.000 véhicules en 2005, 500.000 prévus en 2020), et plutôt des grosses, des berlines, des voitures de sport pour faire crisser les pneus dans les lacets des routes escarpées, tunées de préférence, des 4x4 pour amener les marmailles à l'école ou faire les courses, et même des Hummer (20 litres/100 km, 468 g CO²/km) pour faire comme les américains en Irak ou Les Experts à Miami.

Tertio (et très grossièrement résumé), on a mis tout le boulot au Nord (à Saint Denis) et le reste qui compte c'est à dire le Port (là où tout arrive : des croquettes Whiskas aux meubles La Maison Coloniale) et les plages (là où tous ceux qui ont des sous habitent) à l'Ouest. Et entre les deux il y a quoi ? La route du littoral !

La route du littoral c'est une zolie route, de 13 km tout de même, construite là où il n'y a pas de place du tout pour… une route. Il y a une belle falaise, à pic, de plus de 200 mètres de hauteur, où nichent les Paille-en-queue. Et au pied, il y a la mer, belle, bleue, généralement agitée à cet endroit. Et la route est là, au milieu, si l'on peut dire.

Dans sa forme actuelle, moderne, 2x2 voies (pour que deux Hummer puissent se croiser sans s'arracher les rétroviseurs), elle a été livrée en 1976. Et depuis, une vingtaine de malheureux automobilistes ont fini écrabouillés par les rochers, petits et gros, qui se détachent régulièrement de la falaise.

Que faire ?

Première solution, qu'auraient choisie certains (d'après le fils de la boulangère), ne plus prendre cette route, et préférer des contournements longs, tortueux, et pas toujours plus sûrs.

Deuxième solution, engager un extraterrestre à quatre yeux comme chauffeur, un œil pour regarder devant, un pour le rétro, un pour guetter les caillous qui tombent de la falaise, et le dernier pour admirer la mer, toujours belle… Solution qui demeure boiteuse dans la mesure où la route est régulièrement embouteillée à l'arrivée sur Saint Denis et où l'extraterrestre n'aura donc pas toujours la possibilité, par un habile coup de volant, d'esquiver la falaise qui s'effondre !

Troisième solution, choisie par les Pouvoirs Publics, faire appel à l'ingéniosité de l'homme et à la technique : LA FALAISE NOUS EMMERDE : ON EMBALLE LA FALAISE (comme Cristo les pont de Paris) et le problème est réglé.

Que c'est beau une falaise emballée !

Bon, bien sûr pour emballer efficacement une falaise, c'est à dire pour retenir des tonnes de roches, il faut un truc solide mais également très disponible (13 km x 200 mètres, s'il y a des gens qui ont du temps qu'ils fassent le calcul). Ni une, ni deux, La Réunion a adopté le filet anti sous-marins réformé dont elle est devenue le premier acheteur mondial, avant d'en épuiser les stocks… faute de conflits… Ahhh, le bon temps des U-boot est bien fini !

Sauf en simulateur... j'addddooorree ça !

Bon, tout ça, à priori, c'est assez efficace : le 27 août dernier, 800 m3 de roches ont dévalé la falaise et, après avoir emportés tous les filets destinés à les arrêter (raté) ou à les ralentir (bingo), se sont arrêtés, tranquillement (façon de parler), sur la bande d'arrêt d'urgence. Efficace donc, mais à usage unique puisque sur le lieu de l'éboulement tout est à reconstruire…

On manque donc de filets, même si désormais on en fabrique aussi sur place. Oui, ce qu'il nous faudrait, à nous autres réunionnais, car nous refusons catégoriquement de nous passer de notre 2x2 voies (on a le droit d'avoir des Hummer nous aussi !), c'est une bonne guerre… pour reconstituer les stocks…

PS : en vrai, la Région aurait en tête une autre solution : construire une nouvelle route… sur la mer !