
De nouveau, il sombra dans le noir. Son cauchemar revint. Mais, il se posait également des questions sur celle à qui il doit la vie. Qui est Valera Saad ? Elle prétend aimer vivre ici alors que c’est perdu au milieu de la montagne. Elle prétend être juste amateur de médecine et non médecin alors que certaines choses laisse à penser qu’elle est ou fut médecin. Elle vit seule ou le prétend. Pourquoi rester cachée ici ? Parce que cela, il l’a deviné. De qui se cache-t-elle ? Ou de quoi, Qui est-elle ? Pourquoi vit-elle ici ? Pourquoi se cacher ? Pourquoi vit-elle ici entourée de son tigre et de son chien ? Vit-elle autant recluses alors qu’elle a des tonnes de livres et qu’il est persuadé qu’il y en a ailleurs dans la maison. A force de retourner dans sa têtes, il finit par s’endormir.
_ J’aimerais avoir des réponses. Dit Walden, une semaine plus tard.
Valera assise à sa table travaillait, le matin même Ravel lui avait amené un louveteau. La pauvre bête était petite et maigre, une de ses pattes formait un angle droit.
_ Je vous demanderais d’attendre, M. Tyburn, je dois d’abord m’occuper de lui. Ensuite, je dois….
_ Ensuite, vous répondrez à mes questions ! s’écria Walden ; Voilà une semaine que je suis ici et j’ai besoin d’avoir des réponses à mes questions !
_ D’accord, soupira Valera. Mais, patientez le temps qu’il faudra, ce petit est plus urgent que vous.
Il la regarda palper avec précaution une patte et lui poser une perfusion. Ensuite, elle prit la patte cassée et lui mit en attelle. Délicatement, elle le posa dans un carton.
_ N’y touche pas Ravel. Tu restes à côtés et viens me chercher s’il a besoin de moi.
_ Où est le tigre ? demanda Walden en regardant autour de lui mais nulles traces d’un tigre de deux cent kilos.
_ Warren ? Dehors, il est partit chasser le repas de ce soir. Enfin, le sien rassurez-vous. Alors ses questions ?
_ Je ne me souviens de rien, pourquoi suis-je ici ? Qui êtes-vous ? Pourquoi faites-vous cela, pourquoi êtes-vous ici,
_ Vous avez eu un accident d’avion, je ne connais pas les détails, mais d’après ce que j’ai pu voir sur le lieu, votre avion s’est écrasé contre un pic.
_ Et les autres passagers ? Je n’étais pas le seul. Il y avait avec moi une jeune femme.
Peu à peu, la mémoire lui revenait. Par brides.
_ Il y avait des enfants aussi. J’ai besoin de savoir.
Valera détourna la tête les yeux pleins de larmes.
_ Vous êtes le seul survivant, M. Tyburn, j’ai fouillé avec Ravel et Warren pendant des heures l’endroit mais, je n’ai rien trouvé.
_ Et aux informations ?
_ Ma télé ne passe plus. L’antenne est morte, la dernière tempête l’a déréglée.
_ Pourquoi vous cachez-vous ? Je sais que vous vous cachez.
_ Oui je me cache, je ne le nie pas…
_ De quoi avez-vous peur ? Le monde est civilisé de nos jours on attaque pas les gens sans raison !
_ Je… ne…. Il y a différentes formes d’attaques. Je crains les insultes plus que les coups. Il y a des mots qui blessent plus que les coups.
_ Et, une dernière chose, je veux la vérité… Vous êtes médecin n’est-ce pas ? Ne me dites pas le contraire, je vous ai vu poser une perfusion à ce louveteau, et celle que vous m’avez posée, et mes attelles et les piqûres et le reste. Si vous n’êtes pas médecin, au moins infirmière ou aide-soins.
_ Ma vie privée ne regarde que moi. Rétorqua Valera. Je ne désire pas en parler. Et ce n’est pas la peine d’insister.
_ Montrez-moi votre visage au moins… dit-il doucement. S’il vous plait…
_ Non ! la réponse claqua. Non !
_ Pourquoi ?
_ Vous… Je… non !
Elle ouvrit une porte à droite et monta en courant l’escalier. Le laissant dans la semi-obscurité de la pièce avec pour seule compagnie le louveteau endormis dans son carton et le chien qui veillait sur lui. Elle revint quelques minutes plus tard, portant un biberon de lait et deux couvertures, elle en posa une sur son lit et s’approcha du louveteau. Avec des gestes précautionneux, elle le prit dans ses bras sous le regard vigilant de son chien. Une fois assise sur une chaise, Valera, plaça le goutte-à-goutte du petit sur la table et lui donna le biberon.
_ Valera ?
_ ….
_ Madame Saad ?
_ …
_ Bon Dieu, vous allez répondre !
_ Quoi ?
_ Vous semblez bien vous y connaître avec les animaux…
_ Ici, il n’y a pas le choix.
_ Que lui avez-vous donné ?
_ Une solution de glucose, il est en sous-nutrition. Sa mère est soit morte, soit elle l’a abandonné, dans les deux cas, si je ne m’en occupe pas, il va mourir.
Un rugissement retendit à l’extérieur, suivit d’un hurlement. Pâle, Valera se leva.
_ Tenez, prenez-le ! Elle lui mit la petite boule de poils gris-noirs dans les bras. Il est trop faible. Réchauffez-le.
Elle partit en courant le chien sur les talons. De son lit, Warren n’entendait que des grognements. De sa main valide, Walden caressait le louveteau tout en lui parlant.
_ Rien de grave ? demanda-t-il à la jeune femme qui revenait avec son chien, suivi d’une louve suivie du tigre.
_ Non, Warren a trouvé la mère du petit. Voyons comment elle va réagir. Permettez.
Valera saisit le louveteau et le présenta à la louve. Cette dernière le renifla, lui donna de petits coups de museau mais, il ne réagit pas. Elle tenta de le mordre, mais Valera se redressa. Le tigre montra ses crocs puissants et la louve partit.
_ C’est bien ce que je pensais. Murmura Valera. Il va te falloir un nom. Comment le nomme-t-on ? demanda-t-elle tout haut à sa petite assemblée composée de Walden, de Warren et de Ravel. Ravel vas me chercher le livre s’il te plait.
Walden regarda stupéfait le chien partir dans les rayonnages et revenir peu de temps après avec un livre. Valera félicita son chien et commença à se plonger dedans.
_ Ed ? proposa-t-elle. Dionysos ? Phil ?
_ Pourquoi lui donnez-vous un nom ? demanda Walden. Après tout, il partira dès qu’il sera en âge de chasser. Les montagnes sont sa maison.
_ Peut-être que oui, peut-être que non. Mais, avec un nom, s’il reste se sera plus facile de l’appeler. Vous avez une idée ?
_ Oui, Je me disais qu’on pourrait peut-être l’appeler… Melchior. Qu’en dites-vous ?
_ Oui, j’aime assez. Répondit-elle.
_ Vous pouvez venir deux minutes demanda-t-il, quand vous aurez fini avec Melchior.
_ Que voulez-vous manger ? interrogea la jeune femme ; Nous avons du lapin, des côtelettes, de la purée, des pâtes, des tomates.
_ Pas de soupes aujourd’hui ?
_ Non, votre mâchoire semble aller mieux. Et, la soupe n’est pas très nourrissante quand on y pense. Vous devez en avoir assez.
_ A qui le dites-vous ! Des pâtes à la sauce tomate avec des côtelettes. Si c’est possible.
_ Oui. Je reviens !; La cuisine est en haut.
Quelques minutes plus tard, elle revint portant un plateau chargé de deux assiettes, d’une miche de pain et d’un pot d’eau. Valera lui donna son assiette et s’assit à la table, le chien et le tigre de chaque côté. Le repas se passa dans le silence. Puis, elle s’approcha de lui une fois qu’il eut fini. Elle lui ôta le bandage de sa tête et en remit un après l’avoir désinfectée. Elle fit de même avec les autres plaies.
Un mois plus tard, un soir alors qu’elle examinait ses brûlures et les plaies et coupures qui n’étaient pas encore cicatrisées.
_ Demain, je regarderais vos jambes, lui annonça-t-elle. Mais, je pense que vos fractures sont rétablies. Votre bras aussi je pense, je ferais une radio, j’ai un kit de radiologie d’urgence. En attendant, comment va votre sommeil ?
_ Je ne sais pas trop. Je dors par moment, puis je me réveille. Il y a toujours ses cauchemars…
_ Quels cauchemars ?
_ Je ne sais pas. Je revois l’accident à travers un immense bruit et de la chaleur comme s’il y avait eu un incendie et j’ai mal. Je suis seul. C’est atroce. Depuis le début je rêve de cela…
_ Ce sont des cauchemars post-traumatiques, ils passeront avec le temps. Je peux vous donner un calmant pour vous aider vous endormir. Histoire que vous récupériez un peu. C’est tout ce que je peux faire ; Après, il vous faudrait une thérapie avec psychologue mais je n’en suis pas un. Cependant, vous savez que lorsque vous voulez me parler, je suis là. Je reviens.
Au beau milieu de la nuit, il entendit gémir, pleurer. Il se redressa et regarda autour de lui. La grotte était plongée dans le noir. Il appela. Personne ne vint. Seuls le tigre vint mais il le renvoya après lui avoir donné une caresse. Le goutte-à-goutte de Melchior égrainait les minutes. Finalement, il replongea dans le sommeil. Mais, en plus de ses gémissements à lui, il en percevait d’autres. Plus déchirants, plus tristes. Etait-ce le chien ? Ou un autre animal qu’elle avait recueilli ?
Le lendemain, la jeune femme avait les traits tirés. Mais, elle s’occupa de lui avec la même concentration, la même dextérité.
_ J’ai entendu gémir cette nuit. Dit-il en la regardant. Etait-ce vous ?
_ Non, mon cher ami, je ne gémis pas la nuit depuis longtemps. C’était Ravel, il a passé sa nuit enfermé dans la Salle de Bain. Je ne l’ai pas entendu hier soir, c’est en allant me laver que je l’ai trouvé, couché sur le tapis de bain. Que je n’ai plus qu’à laver une nouvelle fois !
Elle jeta un regard sévère à Ravel qui se contenta de secouer la queue et de partir suivi de Warren.
_ Je vais devoir vous emmener vous laver à la crique. Lui dit-elle. Je n’arriverais pas à vous monter jusqu’au rez-de-chaussée. L’escalier est un peu raide. Et, avec la chaleur qu’il fait ici, un bain froid vous fera du bien.
Il la regarda peu convaincu et tira de sa main valide ses couvertures.
_ Rassurez-vous, l’eau est à température ambiante.
Avec toutes les précautions nécessaires, elle l’installa dans un fauteuil roulant et pour la première fois depuis un mois, il vit l’extérieur de la maison de Valera. La maison était posée sur le flanc de la montagne sur un plateau. La vue était magnifique, elle donnait sur une grande plaine.
_ De quelle plaine s’agit-il ? demanda-t-il en se tournant vers la jeune femme qui avait enveloppé son visage dans une cagoule. Il haussa les sourcils mais ne dit rien.
_ Elle n’a pas de nom. Mais, nous sommes à environ cent kilomètres de la Cascade de Ghil, vers l’est.
Ils continuèrent de marcher en silence, Seuls les pépiements des oiseaux et leurs pas troublaient le silence. Un bruit de course retendit devant eux et Warren déboula suivit de Ravel. Les deux étaient trempés.
_ Calme ! ordonna la jeune femme. Je vois que vous ne nous avez pas attendu !
_ Mais en quelle saison sommes-nous ? demanda Walden.
_ En été, répondit Valera. Vous ne regardez jamais autour de vous ? Le paysage ?
_ Non. Répondit Walden. Je n’ai pas le temps, je cours partout. Quand je ne suis pas en tournée promotionnelle, je suis en tournage, ou sur un plateau d’une émission télé, ou chez moi dans ma villa à [XXX]. Je passe ma vie à courir.
_ Et cela vous plait ?
Il ouvrit la bouche mais ne sut que répondre, il ne s’était jamais posé la question. Il aime sa vie d’acteur, les femmes qui y défilent, l’ambiance des plateaux de tournages, des premières, des festivals. Oui, il aimait sa vie. Il hocha la tête. Entre-temps, ils étaient arrivés à la crique. Elle le mit l’assit sur la berge et le guida vers un rocher immergé que l’on apercevait de la surface. Elle le déshabilla et il se sentit gêné de devoir lui montrer son intimité. Elle le lava, commençant par la tête puis redescendant. Elle le laissa barboter ainsi et alla nager un peu avec ses animaux. Au bout d’une demi-heure, ils remontèrent.
_ Votre bras est rétabli ! l’informa-t-elle. Votre jambe gauche çà va, c’est surtout la droite qui en a prit un coup. Il lui faudra plus de temps.
_ Quand pourrais-je partir ? demanda-t-il. Ma vie n’est pas ici, enfermé comme un lapin !
_ Je le sais M. Tyburn ! rétorqua Valera, mais je ne peux pas vous emmener à l’hôpital, Je vous l’ai dit, je n’ai pas de voiture, même pas de cheval ! Je suis désolée. Croyez-moi, si j’avais pu vous y emmener, je l’aurais fait.
La journée se passa dans une froideur non déguisée. Ne supportant plus cette animosité. Walden tenta de s’excuser, mais elle l’envoya sur les roses.
_ Ecoutez-moi, dit-il pour l’énième fois, je ne voulais pas vous vexer, mais, ma vie n’est pas ici ! J’aime cet endroit, C’est calme et je ne suis pas poursuivi par des journalistes mais…
_ Ce n’est pas votre univers, je sais.
Dans sa voix, Walden crut déceler un peu de tristesse, de la déception.
Dans la nuit, Walden refit encore et encore ce cauchemar. Le bruit, la chaleur, la douleur, les cris, les gémissements et les pleurs. Et encore, il appelle, supplie, pleure. Un visage revient en permanence : celui d’une jeune femme blonde ; Mais il ne sait pas qui elle est. Il ne sait plus. Réveillé en sursaut, il se replia sur lui-même. Il entendit du bruit dans son dos, mais ne retourna pas. Valera s’approcha et dans la lumière, il ne distingua son visage, elle le regarda de son regard clair et brillant d’une lueur inconnue pour lui. Elle passa sa main fraîche sur son front, repoussa les mèches folles qui étaient venues se coller sur son visage.
_ Dormez. Lui murmura-t-elle ; Vous avez besoin de sommeil, je vais vous donner quelque chose.
Elle lui apporta quelques minutes plus une tasse fumante ;
_ Buvez, cette préparation n’est pas empoisonnée, j’en prends également de temps en temps et je m’en sers pour endormir les animaux que je recueille quand je dois les opérer. Ils se méfient du chloroforme et des autres anesthésiants.
Le lendemain matin, Walden trouva Valera debout, donnant à manger au louveteau qui avait repris du poil de la bête depuis que Valera lui faisait ingurgité en plus de son biberon de lait et d’un peu de viande hachée des vitamines. Melchior commençait seulement à marcher et d’après la jeune femme, il boiterait toute sa vie. Chose étrange, lui aussi répondait par son nom lorsqu’on l’appelait. Après qu’il eut mangé tout ce que la jeune femme lui avait préparé, elle le posa sur le sol près de Ravel.
_ Bonjour, lui dit-elle ; Bien dormi ?
_ Oui.
Elle lui donna un plateau où un bol de café et deux bouts de pains, et retourna à ses occupations. Un gémissement retendit suivi de près d’un grognement quelques part derrières les étagères. Valera se leva et revint quelques minutes plus tard, le louveteau dans ses bras, Ravel sur les talons
_ Melchior est tombé. Répondit-elle à sa question muette. Ravel l’a grondé.
Elle posa le louveteau sur son tapis, Ravel se coucha près de lui et le lécha ;
_ Vous êtes sûr que votre chien est un mâle ? demanda-t-il. Il agit comme une femelle.
_ Absolument certaine. Rétorqua Valera.
Quelques heures plus tard, alors que Walden somnolait et que Valera rangeait des livres (Walden commençait sérieusement à se demander si elle aurait fini un jour), un rugissement sonore se fit entendre ainsi que sa réponse :
_ Warren arrêtes ! cria une voix d’homme. Val’ ?
La jeune femme se leva et courut dans l’escalier. Se demanda qui pouvait être l’inconnu qui venait se perdre ici, Walden se redressa, il entendait des éclats de voix. Peu de temps après, il vit Ravel délaisser Melchior et partir rejoindre sa maîtresse et son ami. Après quelques minutes, un homme apparut, il semblait d’âge avec la jeune femme.
_ Bonjour M. Tyburn.dit l’homme d’une voix douce et grave.
_ M. Tyburn, je vous présente mon ami d’enfance, Jason Drew. Jason je ne te le présente pas.
_ Ainsi, vous êtes son ami.
_ Val, tu peux nous laisser deux secondes. Demanda Jason, je voudrais examiner ton patient.
_ Tu n’as pas confiance en moi ?
_ Si bien sûr ; rétorqua son ami, mais tu ne disposes pas de tout le matériel médical que nous avons à l’hôpital.
_ Jason est médecin. Précisa Valera. Ok, j’y vais, je te laisse le talkie-walkie, je dois aller chercher des champignons pour les vitamines de Melchior.
_ Elle est étrange votre amie. Remarqua Walden pendant que Jason l’examinait ; Elle a donné un nom à un louveteau qui partira et elle vit avec un tigre des îles et un chien ;
_ Valera est une femme qui a beaucoup souffert. Expliqua Jason. C’est cette souffrance qui l’a poussée à vivre reculée du monde. Elle vous a bien soigné. Toutes vos ecchymoses sont presque parties, vos plaies sont presque toutes cicatrisées. Et vos jambes dans une ou deux semaines vous pourrez commencer la kiné.
_ Vous allez m’emmener ? demanda vivement Walden. Je vais quitter cette cave ?
_ Oui. Répondit le médecin.
_ J’aimerais savoir quelques chose…
_ Quoi donc ?
_ Valera refuse de me montrer son visage, je lui ai demandé, elle m’a regardé froidement et m’a répondu d’une manière si… dure que je n’ai pas insisté.
_ Je ne suis pas en mesure de vous en parler. répliqua Jason prudemment. Si elle a refusé, moi aussi. Je suis son ami et je refuse de la trahir.
_ Pourquoi entasse-t-elle tous ces livres ? Elle passe ses journées à les ranger dans cette cave. Et, elle n’hésite pas à accueillir des animaux.
_ Valera vit uniquement dans ses livres, elle y trouve un certain apaisement après les tourmentes qu’elle a subi. Et, les animaux, elle les adore, je lui ai dit plusieurs fois qu’elle aurait dû être vétérinaire.
_ Est-elle médecin ou infirmière ?
_ Elle n’a pas répondu ? Comme Walden secouait la tête, il ajouta : je ne peux pas vous répondre ;
_ Jason, tu restes pour la nuit ? demanda Valera en entrant, un panier plein de champignons et d’autres herbes pour la préparation d’infusions, suivie de Warren et Ravel.
_ Je pense qu’oui. Ils annoncent de l’orage pour cette nuit, je crois que c’est préférable.
Les deux animaux se précipitèrent vers lui. Il dût jouer avec eux jusqu’à ce qu’un petit cri aigu les interrompre. Ravel se précipita vers le louveteau.
_ J’en connais qui est tombé amoureux. Sourit Jason.
_ Melchior est un louveteau que sa mère a abandonné ; Je lui ai donné un nom que M. Tyburn proposait.
_ Tu lui donnes quoi ?
_ Du lait, de la viande hachée que Warren chasse et un cocktail de vitamines à base de plantes. Je le mélange à son lait.
_ Apparemment, il a l’air d’apprécier ton mélange, il est superbe.
Après le repas, Jason aida Valera à monter Walden jusqu’à la salle de bain pour le laver un peu. Puis, ils redescendirent, Walden passa sa nuit dans la cave comme d’habitude de même que Valera et Jason. La chaleur qui régnait dans la maison était étouffante. Valera installa un lit de camp dans la grotte pour son ami et elle partit se coucher au milieu de ses étagères.
Le lendemain, les deux hommes la trouvèrent debout, donnant à manger à ses animaux. Warren étant déjà parti chasser son repas du midi.
_ Déjà debout ? s’étonna Jason. Tu as dormi au moins ? ajouta-t-il en la fixant.
Sans répondre, Valera quitta la cave et alla chercher leur petit déjeuner dans la cuisine. Quelques minutes plus tard elle revenait. Jason repartit à la charge.
_ Tu sais, dit-elle, je n’ai pas besoin de sommeil, je vais bien.
_ Non, rétorqua Jason. Non. Viens.
Il l’entraîna laissant Walden seul avec Ravel et Melchior. Des bribes de conversation lui parvenaient.
_ Non, ne te moque pas de moi, tu n’as pas dormi ! Depuis quand tu ne prends plus les calmants que je t’ai prescrit ?
_ Je ne les prends pas ! rétorquait la jeune femme furieuse. Je ne veux pas me droguer ! Tu sais aussi bien que moi ce que ces cachets ont comme effets secondaires !Je n’ai aucune envie de devenir dépendante !
_ Ces cauchemars sont revenus ? demandait Jason.
_ Oui. Depuis le crash de l’avion. Je n’en peux plus Jason, Je pensais que….
_ Va voir Marc. C’est un psychologue.
_ Je ne suis pas folle !
_ Je le sais. Ecoute, je pense que tu devrais revenir avec moi.
_ Non ! criait Valera. Non. Tu as vu comment me regardaient les gens. Non. Je suis un monstre ! Tu as vu le regard de M. Tyburn, il me prend pour une folle ! Non. Jason. Je ne reviendrais pas. Et qui s’occuperait de Warren et de Melchior ? On les mettrait dans un zoo et ils en mourront. Warren est habitué à la liberté, à déambuler librement dans les montagnes. Non !
Quelques heures plus tard, les deux hommes partirent. De nouveau Valera avait enveloppé son visage avec un voile cette fois-ci ; Walden ne distinguait pas son visage. Ses longs cheveux auburn retombant en mèches indisciplinées de chaque côté de son visage.
_ Pourquoi se cache-t-elle derrière un voile ou une cagoule ?
_ Pour la même raison qu’elle n’a pas voulu vous montrer son visage. Une chose M. Tyburn, dit soudain Jason en se tournant vers son passager, Ne parlez à personne de Warren, personne mais absolument personne ne doit savoir qu’elle possède un tigre.
_ Pas de problème.
Il leur fallut trois heures de route pour arriver à l’hôpital. Peu avant, Jason descendit de voiture pour appeler. Et lorsqu’ils arrivèrent deux médecins en blouse blanche les attendaient.
_ M. Tyburn, je vous présente Eric Stern et Samantha Lyrics. Se sont mes collègues du service d’orthopédie. C’est là que vous allez être hospitalisé. Le Docteur Gilly n’est pas là ?
_ Il est dans son bureau, répondit l’homme. Un coup de téléphone d’une de ses ex-femmes. Il a demandé qu’on monte M. Tyburn directement dans une chambre et qu’on ne laisse personne entrer pour le moment. Ah, et il veut te voir. Montons-le par l’entrée de service.
Après avoir fait le tour de l’hôpital et monté par ascenseur, ils arrivèrent dans une chambre, ils installèrent Walden dans le lit et se rendirent après avoir fermé la porte à clé. Walden soupira de joie ; Il avait enfin rejoins la civilisation. Il songea à tout ce qu’il allait devoir faire : appeler Jim Elfe, son imprésario, les journaux télévisés et les radios locales et internationales. Peu de temps après, les trois amis entrèrent suivi d’un homme d’une soixantaine d’année, les cheveux gris-blancs, vêtus d’une blouse blanche par-dessus un complet noir.
_ Je suis le Dr Gilly, se présenta-t-il. Le Dr Drew m’a expliqué votre situation. Mme Saad vous a soigné. Nous allons vous faire un bilan complet, prise de sang, radio, bref, la totale. Mais, je voulais vous parler avant. Que vous a donné Mme Saad ?
_ Je ne sais trop, des calmants qu’elle faisait avec des plantes, du paracétamol. C’est tout. Elle disait que la morphine pouvait entrainer l’accoutumance.
_ OK ; Demain nous ferons le bilan complet. Nous allons juste faire la prise de sang pour savoir si vous avez une infection qu’elle n’aurait pas vu.
Il appela une infirmière.
_ Ah et, M. Tyburn, je vous demanderais une chose, pour le moment, vous n’appelez personne. Juste le temps que je prévienne le Directeur de l’hôpital pour que nous nous organisons. Il faut que vous sachiez que depuis le crash il y a presque un mois et demi, Pour certains vous êtes mort.
_ D’accord je comprends.
_ Nous allons vous administrer un calmant et un antalgique pour la nuit.
Deux jours plus tard, Walden reçut la visite de son imprésario et amis : Jim Elfe. Ce dernier le serra dans ses bras.
_ J’étais mort d’inquiétude. Dit-il. On n’a pas retrouvé la carcasse de l’avion, tout le monde disait que tu étais mort.
_ Eh non, répondit Walden, je suis bien vivant.
_ Depuis quand es-tu ici ? Le directeur de l’hôpital m’a téléphoné pour me dire que tu étais là. Racontes-moi tout.
_ Cela ne fait que deux ou trois jours que je suis là. J’ai passé un mois peut-être deux chez une femme qui m’a trouvé dans les décombres de l’avion, elle devait être médecin parce qu’elle m’a soigné comme l’aurait fait un médecin. Elle était d’ailleurs assez étrange… Mais aimable. Elle a des animaux deux chiens et elle a recueillit un louveteau… Franchement, elle est… Je ne sais pas. Un ami à elle est passé la voir et m’a ramené vers le monde civilisé. Tu pourrais me faire des recherches sur elle.
_ Pas de problème. Elle s’appelle ?
_ Valera Saad. Avec deux « a ». Fais-çà discrètement parce qu’il y a trois médecins dans le service qui sont amis avec elle.
_ OK. Tu veux que j’appelle la chaîne de télé, pour une interview ? Cela pourrait relancer ta carrière… Après le flop de ton dernier film… Et comme ils ont du trouver un remplaçant pour le film de Strasky…
_ OK. On a qu’à dire jeudi ? Ca te laisse du temps pour organiser et surtout pour terminer les examens. Tous les matins, j’ai droit à une prise de sang…
Jason passa le voir accompagné du chef de service le Dr Gilly. En voyant leur visage, Walden se dit qu’il allait passer un mauvais quart d’heure.
_ M. Tyburn commença Gilly, je crois vous avoir dit de ne prévenir personne et j’apprends par une aide-soins que vous allez donner une conférence dans votre chambre dans deux jours ? Etes-vous fou ?
_ Ce n’est pas moi qui l’est ! rétorqua le patient en se redressant. Je vous fait de la pub pour votre service et voilà ce que vous me dites.
_ Nous n’avons nullement besoin de publicité !
_ Je vous demande une chose, dit Jason d’une voix lente mais le regard dur, SI jamais vous dites un seul mot de travers sur Valera, je vous tue !
_ Dr Drew ! s’exclama Gilly, pas de menace! Sortez et attendez-moi dans mon bureau.
Jason obtempéra. Quelques minutes plus tard, le chef de service quitta son patient pour regagner son bureau où le jeune médecin l’attendait.
Laissons donc, Walden seul dans sa chambre, regardant les informations télévisées. Pensant et repensant à ce qu’il pourrait dire aux journalistes. Après avoir fini sa ronde, le Dr Gilly regagna son bureau.
_ Vous n’auriez pas dû vous énerver autant devant lui. Dit doucement le vieux médecin en regardant Jason. Il pourrait utiliser ses armes contre vous…
_ Je ne supporte pas que l’on insulte Valera, elle ne le mérite pas. Elle l’a sauvé, il ne faudrait pas qu’il l’oublie, sans elle, il serait mort !
_ Je sais Jason, je le sais bien. Murmura son supérieur. En attendant, peut-être ne dira-t-il rien contre elle. Au fait, vous lui avez parlé ?
_ Oui. Soupira Jason, mais elle refuse de revenir, je lui ai dit que nous avions de besoin d’un autre médecin puisque Daniel part en retraite mais elle refuse, elle a peur du regard des gens, c’est cela qui l’a poussée à s’exiler. Elle se dit heureuse.
_ Vous l’aimez toujours autant ; remarqua Gilly.
_ Je la considère comme ma sœur. Répondit doucement le jeune médecin, je l’ai aidé pendant ses études, j’étais dans tout les moments de sa vie heureux ou malheureux… Elle a trop souffert docteur c’est tout, Val’ ne veut plus souffrir, elle a eut comme vous le savez aussi bien que moi du mal à se remettre de… enfin vous voyez quoi.
_ Allez, retourner travailler.
_ Tu as bonne mine, remarqua Jim en entrant dans la chambre de son ami. C’est bien. Et tes jambes ?
_ D’après le Dr Gilly, je vais devoir être opéré de la gauche, la droite est plâtrée, Valera m’avait mis une attelle mais ce n’était pas suffisant. Quant aux cicatrices diverses, je crois que je vais utiliser la chirurgie plastique, tu me vois tourner une scène d’amour avec Glenn Dawson avec çà ? Non, franchement…
_ J’ai tes renseignements, Commença Jim. Y a pas grand-chose. Mon contact n’a pu me donner que çà, en un temps aussi court et surtout discrètement.
_ Fais toujours voir.
Walden se plongea dans les feuilles que lui tendait son imprésario.
« Valera Saad est une jeune femme de trente-cinq ans, Elle a étudié la médecine et a exercé pendant quelques temps, dans l’hôpital local. Suite à un problème dont j’ignore la source, elle est partie sans laisser de trace, je sais juste qu’elle est amis avec trois médecins de l’hôpital, les Dr Drew, Lyrics et Stern. »
_ Mesdames, Messieurs les journalistes, commença Jim. M. Walden Tyburn a accepté de faire cette interview pour montrer à ceux qui le croient morts qu’il est bel et bien vivant et entier.
L’interview tant attendue et tant annoncée commença. Jason et ses amis y assistaient ainsi que le Dr Gilly, installés près de la porte, ils observaient et écoutaient.
_ DE quoi vous souvenez-vous de l’accident ?
_ Pour être honnête, répondit Walden, rien, j’étais assis à ma place et d’un seul coup, il a fait noir, il y a eut un grand bruit assourdissant et une chaleur intense, j’avais mal. Des cris aussi, des hurlements et puis soudain le silence. Quand je me suis éveillé après trois ou quatre jours de sommeil comateux, j’étais allongé dans un lit, le bras gauche et les deux jambes maintenues, un bandage sur la main droite et sur la tête.
_ Que savez-vous de la personne qui vous a sauvé ?
_ Rien, elle se nomme Valera Saad. C’est tout, je sais qu’elle a été médecin mais c’est absolument tout. Je n’ai jamais vu son visage.
_ Où dormiez-vous ?
_ Dans une cave, enfin, une grotte souterraine aménagée, il y avait des livres sur des étagères.
_ A quoi passait-elle ses journées ?
_ Elle recueillait les animaux errants et les soignait, elle a ainsi récupéré, deux chiens et un louveteau. Elle rangeait ses livres. Tous les matins, elle me refaisait mes pansements, A chaque fois que je me réveillais, elle était là, à croire qu’elle ne dormait pas.
_ Vous a-t-elle dit la raison de son isolement ?
_ Non. Elle parlait assez peu d’elle. Je sais juste qu’elle a beaucoup voyagé avant de s’établir dans les Monts Septentrionaux.
_ Que faisiez-vous de vos journées ?
_ Rien, je dormais, parfois, nous parlions, il m’est arrivé de jouer avec son deuxième chien, de donner à manger à son louveteau.
_ Est-elle folle ? Rester si longtemps dans les montagnes sans rien… Isolée de tout avec pour seule compagnie des animaux sauvages…
_ Je ne sais pas. Mais, Je suis d’accord avec vous.
Jason lui jeta un regard assassin mais la main de son supérieur sur son épaule l’empêchait de bouger.
_ Elle aurait paraît-il beaucoup souffert et c’est cela qui l’a poussée à s’isoler…
_ Avez-vous vu son visage ? demanda un journaliste.
_ Non. Quand je lui demandé si je pouvais voir son visage, elle m’a envoyé promené…
_ Elle est folle ! conclut un journaliste. Vous a-t-elle enlevé ? L’ami qui est venu vous chercher était peut-être un policier qui voulait vous sauver et devait venir vous chercher en échange d’une rançon ?
Jason, Sam, Eric et même Gilly bouillaient intérieurement.
_ Non, répondit en souriant Walden, non. Valera avait ses raisons de ne pas me montrer son visage, elle disait qu’elle avait peur. Mais de quoi, je ne le saurais jamais.
_ Vous aviez dit qu’elle se nommait Valera Saad ? demanda une jeune femme.
_ Oui.
_ Je sais qui elle est ! s’exclama la journaliste et avant que Jason ait pu l’intercepter, elle raconta : Vous vous souvenez de l’incendie il y a environ huit ans ? Une famille, la mère, le père tout deux médecins et leur bébé de un an à peine, le père et l’enfant dont morts brûlés vifs et la mère qui rentrait de son travail a fini brûlée aux urgences… Défigurée… Depuis, on a plus entendu parler d’elle.
_ Ah oui c’est vrai !
_ On n’a jamais su les causes de l’incendie…