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Léo fait son cinéma

Au revoir les enfants (Louis Malle, 1987) Publié le Dimanche 3 Mai 2009 à 18:58:40

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Au revoir les enfants
de Louis Malle

 

 

Synopsis : En janvier 1944, au collège catholique Sainte-Croix où Julien Quentin est pensionnaire, débarquent trois nouveaux élèves. L'un d'entre eux, Jean Bonnet, le voisin de dortoir de Julien, va peu à peu devenir son ami. C'est un jeune juif réservé, inscrit sous une fausse identité.

 

 

Pour son retour en France, après quelques années passées aux Etats-Unis, Louis Malle décide de mettre en scène un épisode tragique de son enfance qui eut lieu sous l’occupation lorsqu’il était élève dans un collège catholique. En partie autobiographique, en partie romancé, Au revoir les enfants raconte l’expérience d’un jeune collégien, Julien, précoce mais encore naïf, aux prises avec la triste réalité de son époque lorsque celui-ci se liera d’amitié avec un jeune camarade juif. C’est avec beaucoup de sobriété que Louis Malle décrit le milieu scolaire dans lequel Julien apprendra à connaître son camarade mais par lequel il découvrira aussi les affres du monde adulte. La direction d’acteur, en particulier celle des enfants, indéniablement consciencieuse, porte ses fruits ; Gaspard Manesse (Julien) est troublant de vérité et de naturel (en plus d’attirer irrésistiblement la sympathie), de même que Raphaël Fejtö et cela était plus que nécessaire pour convaincre et toucher le spectateur tant le film se nourrit de leur relation. La photographie est volontairement terne et grisâtre, filtrant toutes couleurs vives pour mieux nous immerger dans cet environnement froid et triste. La mise en scène et même la musique se font relativement oubliées ; Louis Malle, à la manière du documentaire, insiste davantage sur le fond de son histoire qu’il traite avec intelligence. Le résultat est finalement très soigné, presque académique dans sa portée civique. Il n’est guère étonnant que le film soit donné en exemple par l’Education Nationale. Cela n’est pas un reproche en soi, seulement l’ensemble m’a paru très, voire trop, mesuré et réservé, ce qui est toujours mieux que de tomber dans l’excès en abusant d’effets en tout genre. Le final est assez révélateur ; on applaudit la retenue et la simplicité dont fait preuve Louis Malle, mais on est aussi peu touché (forcément un peu mais pas profondément) par ces adieux inévitables.

Il n’en reste pas moins qu’Au revoir les enfants est un film magnifique qui grâce à son regard simple et intelligent est justement une bonne façon d’éduquer son enfant à cette période noire de notre histoire.

 

 

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Titre : Au revoir les enfants
Titre original : Au revoir les enfants
Réalisateur : Louis Malle
Scénario : Louis Malle
Photographie : Renato Berta
Musique : Camille Saint-Saëns et Franz Schubert
Format : Couleur
Genre : Drame
Durée : 103 min
Pays d'origine : France
Date de sortie : 1987
Distribution : Gaspard Manesse, Raphaël Fejtö, Francine Racette, Philippe Morier-Genoud, François Berléand, François Négret

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Zazie dans le métro (Louis Malle, 1960) Publié le Mardi 5 Mai 2009 à 14:59:02

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Zazie dans le métro
de Louis Malle

 

 

Synopsis : Le séjour mouvementé à Paris de Zazie, une provinciale de dix ans pleine de malice et de vie.

 

 

Adaptation du célèbre roman de Raymond Queneau, Zazie dans le métro est un film un peu à part dans la filmographie de Louis Malle, par son style complètement déjanté peu commun pour l’époque ainsi que pour son auteur qui ne livrera rien de similaire sur la forme par la suite. Véritable exercice de style respectant assez fidèlement le récit loufoque et l’écriture atypique de Queneau, Zazie dans le métro n’en est pas pour autant dénué de personnalité et de liberté, le langage cinématographique exprimant, grâce à la mise en scène très imaginative de Louis Malle, une grande richesse visuelle. Le matériau de base était effectivement propice à une/un déconstruction/dépassement des procédés narratifs, sonores et visuels classiques, ce que Louis Malle n’a pas manqué de faire, en livrant une comédie désinvolte, pétillante et inventive qui fut évidement appréciée et saluée par les tenants de la Nouvelle vague.

L’exercice décontenança, probablement trop radical et novateur en son temps. Il étonne et surprend toujours autant aujourd’hui mais l’expérience de la Nouvelle vague d’abord, puis de nombreux auteurs encore plus extravagants ensuite, nous font désormais sérieusement relativiser les excentricités de Louis Malle. Cela ne nous empêche pas d’apprécier les facéties auxquelles il se prête ; Zazie dans le métro étant un condensé d’humour déluré et de loufoqueries en tout genre cachant sous son apparente (et bien présente) légèreté un contenu plus sérieux. Catherine Demongeot mène tout son beau monde à la baguette avec une vivacité, une gaieté et un humour plutôt réjouissants et communicatifs avant que la fête ne devienne plus qu’un chahut passablement lassant qui nous laisse sur une note malheureusement décevante. À noter le rôle déjà remarquable de Philippe Noiret, l’oncle fantaisiste de Zazie.

On retiendra les bons moments et l’inventivité de la première partie du film à défaut d’être entièrement convaincu par cette expérience de Louis Malle.

 

 

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Titre : Zazie dans le métro
Titre original : Zazie dans le métro
Réalisateur : Louis Malle
Scénario : Louis Malle et Jean-Paul Rappeneau d'après le roman de Raymond Queneau
Photographie : Henri Raichi
Musique : André Pontin et Fiorenzo Carpi
Format : Couleur
Genre : Comédie
Durée : 89 min
Pays d'origine : France, Italie
Date de sortie : 1960
Distribution : Catherine Demongeot, Philippe Noiret, Vittorio Caprioli, Hubert Deschamps, Antoine Roblot, Annie Fratellini, Carla Marlier

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La soif du mal (Orson Welles, 1958) Publié le Jeudi 7 Mai 2009 à 18:26:35

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La soif du mal
de Orson Welles

 

 

Synopsis : Deux policiers rivaux, l'américain Quinlan et le mexicain Vargas enquêtent sur l'explosion d'une bombe ayant fait deux morts à la frontière mexicaine. Quinlan suspecte un certain Sanchez, chez qui sont retrouvés des bâtons de dynamite. Mais Vargas soupçonne Quinlan d'avoir caché la dynamite chez Sanchez et tente de le confondre.

 

 

Dernier film américain de Orson Welles, La soif du mal scellera définitivement les relations entre les studios et le réalisateur, las de voir ses films dépouillés de leur essence après les multiples découpages et remontages consternant des producteurs. Il parviendra malgré tout à transcender cette œuvre de commande, comme il est toujours parvenu à le faire, pour livrer ce qui me paraît être son film le plus magistral et le plus grandiose, jouissant d’une mise en scène divine et d’une atmosphère fascinante.

Le talent d’Orson Welles, à défaut de reconnaissance, n’était plus à faire dès son premier film ; La soif du mal confirme aisément cette affirmation malgré des contraintes évidentes de budget et de temps. Le célèbre et formidable plan-séquence introductif, probablement l’une des plus impressionnantes entrée en matière de l’histoire du cinéma, décrit à lui tout seul l’ambition du film et le génie de son réalisateur. Mais il serait absurde de le considérer comme un simple exercice de style réussi.

Film noir absolu, La soif du mal est un immense film sur les antagonismes, visuellement très riche et se nourrissant d’une ambiance sombre et suffocante des plus envoutantes. Orson Welles, s’évertue avant tout à dépeindre des personnages remarquables et désormais inoubliables dans des lieux et des espaces qui ne le sont pas moins, plutôt qu’à développer une intrigue finalement anecdotique. Il livre ainsi un magnifique affrontement entre deux policiers, l’un mexicain – brillante performance de Charlton Heston – intègre et juste que ses idéaux vont entrainer, lui et ses proches, dans une spirale de violence ; l’autre américain – admirable Orson Welles, totalement méconnaissable, qui démontre une nouvelle fois son grand talent d’acteur – manipulateur raciste sans morale et dépravé que l’opiniâtreté de son comparse finira de faire sombrer. Leur duel, marqué par une opposition symbolique mais profondément palpable entre le Bien et le Mal, est soutenu par une mise en scène virtuose, mettant toujours en valeur les personnages par des cadrages particuliers, un travail sur les plongées et les contre-plongées et divers effets de caméra parfaitement maîtrisés, mais aussi en usant de décors très riches et fournis, foisonnant de détails (on pense à la séquence finale) ; en exploitant à merveille les possibilités du noir et blanc et les contrastes offerts par le jeu sur les ombres et les lumières ou encore en s’appuyant sur une musique et des sons qui créent une atmosphère adaptée et magnétique, participant à sublimer un ensemble déjà extraordinaire. Il serait injuste, dans ce concert de louanges, d’oublier les seconds rôles, tous très bons, du rôle précurseur de Janet Leigh à celui plus modeste de Marlène Dietrich.

En réussissant à sublimer chacun des aspects de son film et à les faire vivre intensément ensemble, Orson Welles livre une œuvre forte et rare qui mérite sa place au panthéon des plus belles réalisations du septième art. Et puis ce n’est pas tous les jours que l’on a le plaisir de savourer des leçons de mise en scène de ce niveau.

 

 

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Titre : La soif du mal
Titre original : Touch of Evil
Réalisateur : Orson Welles
Scénario : Orson Welles, adapté de Badge of Evil de Whit Masterson et du scénario original de Paul Monash.
Photographie : Russell Metty
Musique : Henry Mancini et Joseph Gershenson
Format : Noir et blanc
Genre : Policier
Durée : 108 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 1958
Distribution : Charlton Heston, Janet Leigh, Orson Welles, Akim Tamiroff, Joseph Calleia, Valentin De Vargas, Marlene Dietrich

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Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock, 1954) Publié le Dimanche 10 Mai 2009 à 16:41:50

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Fenêtre sur cour
de Alfred Hitchcock

 

 

Synopsis : À cause d'une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d'action et amateur d'aventure, il s'aperçoit qu'il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l'immeuble qu'il occupe dans Greenwich Village. Et ses observations l'amènent à la conviction que Lars Thorwald, son voisin d'en face, a assassiné sa femme. Sa fiancée, Lisa Fremont, ne le prend tout d'abord pas au sérieux, ironisant sur l'excitation que lui procure sa surveillance, mais finit par se prendre au jeu...

 

 

Peu de réalisateurs, si ce n'est aucun, peuvent se vanter d'avoir une filmographie aussi riche et exceptionnelle que celle d'Alfred Hitchcock. Fenêtre sur cour, parmi tant d'autres, est là pour nous le rappeler, inaugurant une décennie de films particulièrement remarquables (Mais qui a tué Harry ? (1955), La main au collet (1955), L'homme qui en savait trop (1956), Sueurs froides (1958), La mort aux trousses (1959), Psychose (1960), Les oiseaux (1963)) qui finiront d'assurer sa notoriété. Avec Fenêtre sur cour, Hitchcock livre un film que l'on peut volontiers considérer comme un chef d'œuvre et comme l'un de ses plus réussis, ne se contentant pas seulement de disséminer avec parcimonie des touches de son talent de mise en scène et de traitement du suspense mais offrant une œuvre complète qui associe subtilement une intrigue policière captivante, une comédie romantique intelligente et une réflexion des plus intéressantes sur notre regard de spectateur.

En décidant de restreindre son intrigue à un espace clos – celui d'un appartement – dont les fenêtres donnent sur un voisinage pour le moins intriguant, Hitchcock s'impose des contraintes particulières de mise en scène et de décors mais s'ouvre aussi à de nombreuses possibilités dont il saura tirer parti avec une ingéniosité remarquable. Les décors, très travaillés et particulièrement réussis, laissent deviner un sens du détail admirable tout en utilisant très habilement un espace essentiellement vertical qui répond au besoin de l'histoire. La très belle photographie couleur participe à fortifier cette impression en révélant un décor éclatant et expressif, ce que le noir et blanc n'aurait pu faire. De son côté, la caméra adopte le point de vue du personnage principal – joué par James Stewart –, idée simple mais géniale, à partir duquel chaque spectateur s'identifiera et suivra l'évolution de l'histoire. Cela permet à Hitchcock de donner un sens plus important aux images et à ce qu'elles montrent plutôt qu'à ce que racontent les personnages. La caméra, en suivant simplement le regard de James Stewart, permet au spectateur de comprendre très exactement ce à quoi il pense sans même qu'il ne le dise. Le procédé est brillamment utilisé, la mise en scène et le montage faisant preuve de beaucoup d'astuce et de maîtrise, à l'image des premières images dévoilant en un seul plan toutes les informations nécessaires à la compréhension de la situation et évitant ainsi plusieurs minutes d'explications laborieuses et superflues.

Mais il permet surtout de placer le spectateur dans une position inhabituelle de voyeur qu'il ne peut éviter mais à laquelle il prend un plaisir certain. Le spectateur épie, grâce au regard indiscret de James Stewart, les moments de vies intimes du voisinage représentant chacun avec humour un état amoureux (le jeune couple marié à la sexualité débordante, la femme seule en manque d'amour, le couple marié sans enfant qui le substitue à un chien, la jeune femme aux multiples amants...) qui fait directement écho à la relation amoureuse complexe qu'entretient James Stewart avec Grace Kelly. Il projette dans son voisinage ses peurs et ses craintes de l'engagement et voit dans chacun de ses voisins une raison de ne pas s'y soustraire. L'obstination de Grace Kelly pour lui faire changer d'avis s'intègre très bien à l'intrigue et l'enrichit immensément, lui conférant une dimension supplémentaire que l'on ne renie pas. De nombreuses analyses très intéressantes ont été faites sur la position particulière de James Stewart dans le film, relevant l'ambigüité de son voyeurisme (que la méthode Koulechov[1] sur le montage, dont Hitchcock affirme s'être ouvertement inspiré, participe à créer), sa posture très proche de celle de la création cinématographique (en inventant des histoires à partir de ce qu'il voit) ou encore l'évolution du regard qu'il porte envers Grace Kelly (très sommairement car les pistes de lecture sont infinies, il commence à l'aimer une fois que celle-ci passe de l'autre côté du décor).

Tout cela illustre très succinctement toute la richesse thématique de l'œuvre qu'a réalisé Hitchcock mais démontre également tout son talent car Fenêtre sur cour est aussi une intrigue policière mêlée d'une comédie romantique extrêmement plaisante et réussie si on la prend au premier degré. Le scénario de John Michael Hayes est brillant, enchaînant avec une simplicité exceptionnelle les péripéties du récit que la mise en scène et le montage participent à mettre en valeur tout au long du film (cela ne fait pas de mal de le répéter, d'autant plus qu'ici plus que jamais la virtuosité de la mise en scène, associé à l'art du montage, ne relève pas du simple exercice de style mais se justifie et s'intègre dans un ensemble cohérent et ambitieux comme nous l'avons vu précédemment).

Du côté des acteurs, James Stewart est excellent (il fallait un acteur « tout le monde », sans qu'il n'ai pour autant aucun talent, pour que le spectateur s'identifie à lui instantanément, il l'incarne mieux que quiconque) et Grace Kelly tout simplement sublime (même si son rôle ne se résume pas seulement à être belle) ; son apparition à l'écran est d'ailleurs probablement l'une des plus belles de l'histoire du cinéma, tout comme le baiser qui s'en suit. Comme quoi Hitchcock prouve qu'il est aussi un réalisateur sensible en sachant magnifiquement mettre en valeur ses égéries. Et le personnage de Thelma Ritter apporte une touche d'humour des plus appréciables. L'humour est d'ailleurs omniprésent et très bien exploité dans Fenêtre sur cour, c'est aussi cet aspect qui lui a valu sa réussite.

Fenêtre sur cour est à juste titre reconnu à la fois par le public et la critique comme un immense chef d'œuvre. C'est aussi l'un de mes préférés du réalisateur dans lequel il réussit un véritable tour de force en livrant un film aux multiples pistes de lectures tout en conservant la force et l'efficacité de son histoire d'origine.  

 

 

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Titre : Fenêtre sur cour
Titre original : Rear Window
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Scénario : John Michael Hayes, adapté de la nouvelle éponyme de Cornell Woolrich
Photographie : Robert Burks
Musique : Franz Waxman
Format : Couleur
Genre : Policier
Durée : 110 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 1954
Distribution : James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter



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Sueurs froides (Alfred Hitchcock, 1958) Publié le Lundi 11 Mai 2009 à 15:05:59

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Sueurs froides
de Alfred Hitchcock

 

 

Synopsis : Scottie est sujet au vertige, ce qui lui porte préjudice dans son métier de policier. Rendu responsable de la mort d'un de ses collègues, il décide de quitter la police. Une ancienne relation le contacte afin qu'il suive sa femme, possédée selon lui par l'esprit de son aïeule. Scottie s'éprend de la jeune femme et se trouve ballotté par des évènements qu'il ne peut contrôler.

 

 

Vertigo (le titre français – Sueurs froides – sans être mauvais ne traduit pas exactement les sentiments qui ressortent du film) fait partie des films les plus célèbres du maître, malgré une reconnaissance qui a légèrement tardé à se faire. Avec ce film, Hitchcock transcende son histoire pour livrer une œuvre maîtresse

Les longues scènes de filatures, presque entièrement muettes, qui animent et illuminent le début du film, sont esthétiquement superbes et cinématographiquement parfaites, tout en révélant une dimension onirique et symbolique grandioses. C'est à partir de celles-ci, que l'intrigue va se lancer, mais aussi grâce à elles que les personnages vont prendre forme dans toute leur complexité. La fascination de Scottie, ainsi que la notre, pour Madeleine se construit dans ses moments magiques où la photographie, la musique et la mise en scène ne font plus qu'un au service d'une histoire d'amour passionnelle à l'intensité jamais égalée. Hitchcock nous emmène dans un voyage infernal au plus profond de la psyché de ses personnages et si son intrigue demeure l'un des points fort du film, son éclaircissement inhabituellement précoce (30 minutes avant la fin) dénote de la volonté du réalisateur de proposer une œuvre profondément novatrice, dans laquelle il traite la psychologie de ses personnages avec une efficacité et une modernité qui aujourd'hui encore forcent l'admiration.

La photographie, probablement l'une des plus belles de la filmographie d'Hitchcock et dans laquelle les couleurs prennent une importance toute particulière, épouse à merveille l'objectif fixé par Hitchcock à savoir dépeindre une ambiance à la fois fantasmagorique et romantique au travers de laquelle les passions et les angoisses des personnages prendront tout leur sens avec un naturel remarquable. Le personnage de Madeleine/Judy est toujours accompagné d'une sorte de voile nébuleux qui lui confère un caractère imaginé et fantomatique, renvoyant à l'impossibilité pour Scottie de l'atteindre et de l'aimer, celle-ci n'étant qu'une apparence sans âme destinée à lui échapper fatalement. C'est par exemple très marquant lorsque Judy, une fois sa transformation achevée apparaît aux yeux de Scottie dans une brume verdâtre quasi fantastique.

Côté musique, Bernard Herrmann livre un score fabuleux, à la fois d'une beauté éblouissante dans les scènes intimes et passionnelles entre James Stewart et Kim Novak et stressante lors des moments plus tourmentés.

La mise en scène est elle aussi particulièrement audacieuse et inventive, mettant au point de nombreuses astuces pour représenter visuellement les divers sentiments qui obsèdent les personnages (je citerai simplement l'invention géniale et très efficace de ce que l'on appelle désormais « travelling compensé », combinaison d'un travelling arrière et d'un zoom avant pour représenter la sensation de vertige), tout en délivrant d'inoubliables scènes (la première apparition de Kim Novak dans le restaurant, la première scène au musée, la scène du Golden Gate Bridge et tellement d'autres que finalement le film entier n'est qu'une succession de scènes remarquables).

Après avoir perdu tragiquement l'image idéalisée et aimée de Madeleine, l'unique but de Scottie sera de la recréer, seul espoir pour lui de surpasser la double culpabilité (personnelle et professionnelle) qu'il ressent pour ne pas avoir réussi à la sauver. Sa rencontre avec Judy, qu'il ne sait pas être la Madeleine qu'il a aimé, lui permettra d'assouvir ce désir nécrophilique, mais la quête aveugle et narcissique dans laquelle il va se lancer conduira une nouvelle fois et inévitablement au drame, car Judy, malgré et à cause de l'amour qu'elle lui porte ne saura lui avouer l'effroyable vérité. En se laissant modeler par les souvenirs de Scottie, elle accepte que l'image qu'il crée ne soit pas la sienne mais celle d'une vulgaire imitation sans essence qu'elle ne veut évidement plus incarner, celle-ci réveillant un souvenir douloureux et insupportable. Pourtant, elle s'y soumet, pensant que cela suffirait à réactiver leur amour sans qu'elle n'ait à en assumer l'abominable origine. Le passé surgira inévitablement au travers d'une ultime apparition métaphorique scellant définitivement le sort de cette histoire d'amour impossible.

Pour cette dernière collaboration entre James Stewart et Alfred Hitchcock, l'acteur livre une performance mémorable, possédé par son personnage comme ce dernier l'est par Madeleine. Kim Novak, qui n'est en réalité qu'un second choix (après le refus de Vera Miles), se révèle pourtant à la hauteur de son rôle, incarnant ce double rôle assez complexe avec une maturité étonnante malgré son jeune âge (25 ans) et il faut aussi l'avouer, avec un charme enivrant.

À noter le formidable générique de Saul Bass, qui est aussi à l'origine de ceux presque tout autant remarquables de La Mort aux trousses et Psychose.

Film parfait pour certains, simple chef-d'œuvre pour les autres, Vertigo est une œuvre majeure du cinéma moderne, d'une richesse thématique immense et source d'inspiration infinie qui n'a pas fini d'envouter tous ceux et toutes celles qui le (re)découvrent. C'est aussi jusqu'à présent mon préféré du réalisateur.

 

 

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Titre : Sueurs froides
Titre original : Vertigo
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Scénario : Alec Coppel et Samuel Taylor, d'après le roman D'entre les morts de Pierre Boileau et Thomas Narcejac
Photographie : Robert Burks
Musique : Bernard Herrmann
Format : Couleur
Genre : Drame, Policier
Durée : 128 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 1958
Distribution : James Stewart, Kim Novak, Barbara Bel Geddes, Tom Helmore

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