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l'entreconnaissance

Publié le Vendredi 13 Septembre 2013 à 09:06:10

Lettre du Pape François, en anglais, en date du 4 septembre, au président de la Fédération russe Vladimir Poutine à l'occasion du sommet du "Groupe des vingt" (G20) qui s'est ouvert ce jeudi 5 septembre à Saint-Pétersbourg (Russie).

Lettre du Saint-Père

à Son Excellence M. Vladimir Poutine, Président de la Fédération russe

Cette année, vous avez l'honneur et la responsabilité de présider les Groupe des vingt plus grandes économies du monde. Je suis conscient que la Fédération russe a participé à ce groupe dès le moment de son lancement, et qu'elle a toujours eu un rôle positif à jouer pour la promotion d'une bonne gouvernance des finances mondiales, qui ont été profondément affectées par la crise de 2008.

Dans le contexte actuel, de grande interdépendance, un cadre financier mondial qui ait des règles propres, justes et claires, est nécessaire pour arriver à un monde plus équitable et plus fraternel où il soit possible de vaincre la faim, d'assurer à tous un emploi décent et un logement, ainsi que les soins de santé essentiels.

Votre Présidence du G20 cette année s'est engagée à consolider la réforme des organisations financières internationales et d'obtenir un consensus sur des critères financiers adaptés aux circonstances d'aujourd'hui.

Cependant, l'économie mondiale ne se développera que si elle permet un style de vie digne à tous les êtres humains, du plus âgé à l'enfant à naître, pas seulement à des citoyens des Etats membres du G20, mais à chaque habitant de la terre, même ceux qui sont dans des situations sociales extrêmes ou dans les coins les plus reculés.

De ce point de vue, il est clair que, pour les peuples du monde, les conflits armés sont toujours une négation délibérée de l'harmonie internationale, et qu'ils créent des divisions profondes et des plaies ouvertes, qui demandent de nombreuses années avant de guérir.

Les guerres sont un refus concret de poursuivre les grands objectifs économiques et sociaux que la communauté internationale s'est donné, comme on le voit par exemple dans les Objectifs de développement du Millénaire.

Malheureusement, les nombreux conflits armés qui continuent aujourd'hui d'affliger le monde se présente à nous chaque jour avec des images dramatiques de misère, de faim, de maladie, et de mort. Sans la paix, il ne peut y avoir aucune forme de développement économique. La violence n'engendre jamais la paix, condition nécessaire au développement.

La rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt économies les plus puissantes -avec les deux tiers de la population mondiale, et 90 % du produit mondial brut - n'a pas pour but principal la sécurité mondiale. Néanmoins, la rencontre n'oubliera certainement pas la situation au Moyen Orient et en particulier en Syrie. Il est regrettable que, dès le début du conflit en Syrie, des intérêts partisans aient prévalu et qu'ils aient de fait empêché la recherche d'une solution qui aurait évité le massacre insensé qui a lieu maintenant.

Les leaders du G20 ne peuvent pas rester indifférents à la situation dramatique du cher peuple syrien, qui a duré beaucoup trop longtemps et risque même d'apporter des souffrances plus grandes à une région amèrement éprouvée par des conflits et qui a besoin de la paix.

Aux leaders présents, à chacun d'entre eux, je lance un appel sincère pour qu'ils contribuent à trouver des moyens de surmonter les positions en conflit, et à laisser de côté la poursuite futile d'une solution militaire. Qu'il y ait plutôt un engagement à chercher, avec courage et détermination, une solution pacifique à travers le dialogue et la négociation des parties, avec le soutien unanime de la communauté internationale.

Plus encore, tous les gouvernements ont le devoir moral de faire tout leur possible pour assurer une aide humanitaire à ceux qui souffrent du conflit, à la fois à l'intérieur et au-delà des frontières du pays.

Monsieur le Président, dans l'espérance que ces pensées soient une contribution spirituelle valable pour votre réunion, je prie pour le succès des travaux du G20 à cette occasion.

J'invoque des bénédictions abondantes sur le Sommet de Saint-Pétersbourg, sur les participants et sur les citoyens des Etats membres, et sur le travail et les efforts de la Présidence russe 2013 du G20.

En vous demandant vos prières, je saisis cette occasion pour vous assurer, Monsieur le Président, de ma très haute considération.

Du Vatican, le 4 septembre 2013

François

POUR UNE SOLUTION JUSTE DU CONFLIT SYRIEN

Cité du Vatican, 6 septembre 2013 (VIS). Hier, Mgr.Dominique Mamberti, Secrétaire pour les relations avec les états, s'est adressé aux Ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège pour expliciter la position vaticane face à l'instabilité mondiale et plus particulièrement à la crise syrienne. Après avoir évoqué les interventions répétées du Saint-Père, il a rappelé que ce conflit a déjà faits 110.000 morts, quatre millions de déplacés internes et plus de deux de réfugiés hors frontières. Ne pouvant rester silencieux face à cela, le Saint-Siège attend des états comme des institutions responsables une prise de responsabilité claire: Si "faire cesser la violence se révèle prioritaire", l'appel aux "parties en cause ne doit pas se limiter aux intérêts particuliers. Il faut au contraire s'engager décisivement dans la voie de la négociation en dépassant toute opposition aveugle. Quant à la communauté internationale, elle doit tout faire pour promouvoir sans nouvelles hésitations une claire initiative en faveur de la paix en Syrie, d'une paix qui soit fondée sur le dialogue et la négociation. Il est tout autant important de rappeler l'absolue nécessité de respecter les droits de l'homme et l'urgence de porter secours à une grande partie de la population".

Puis Mgr.Mamberti a rappelé que l'Eglise catholique, qui déploie elle aussi en première ligne tous ses moyens, et pas uniquement en faveur des chrétiens, remercie les nombreux pays qui apportent une aide humanitaire à la population syrienne. Il a alors repris certains des recommandations contenues dans un document remis à chaque représentation diplomatique. L'avenir de la Syrie passe par la réconciliation nationale, ce qui nécessite l'établissement du dialogue entre les diverses composantes de la société, la préservation de l'unité du pays et de son intégrité territoriale en évitant la constitution de zones ethniques. Il est fondamental de réclamer de toutes les parties en cause, et notamment de qui tend à occuper la direction de la Syrie de demain, une garantie pour les minorités et en particulier pour les communautés chrétiennes, le respect des droits de l'homme et de la liberté religieuse notamment. La citoyenneté devra être indépendante de toute appartenance ethnique et religieuse et les citoyens jouiront tous de la même dignité, de la même liberté, des mêmes droits et devoirs. En conclusion de son intervention, le Secrétaire pour les relations avec les états, a mis en évidence le problème préoccupant qu'est la présence croissante en Syrie de mouvements extrémistes, le plus souvent étrangers. "C'est pourquoi il est capital d'encourager la population comme l'opposition à prendre leurs distances de ces gens, de les isoler en s'opposant nettement au terrorisme".

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Publié le Vendredi 13 Septembre 2013 à 09:03:24

Les pasteurs C. Baty et F. Clavairoly écrivent au président de la République à propos de la Syrie

Au nom de la Fédération protestante de France, les pasteurs Claude Baty et François Clavairoly, qui prendra ses fonctions le 1er octobre à la tête de la FPF, ont adressé une lettre, le 6 septembre, au président François Hollande. Ils font part de leur inquiétude pour la Syrie et mettent en garde contre une initiative militaire "punitive".

Les pasteurs François Clavairoly et Claude Baty. Photo : Gérard Boniface / FPF
Les pasteurs François Clavairoly et Claude Baty. Photo : Gérard Boniface / FPF

Monsieur le Président, 

La situation en Syrie préoccupe depuis plusieurs mois l’ensemble des nations et interpelle douloureusement les Eglises chrétiennes. 

L’utilisation d’armes chimiques dans le conflit qui déchire le pays signe un franchissement inacceptable selon le droit international. Nous attirons cependant l’attention sur le fait que cette barbarie chimique ne doit pas banaliser la violence guerrière et terroriste constante. 

- La Fédération protestante de France veut exprimer son horreur devant ces violences et devant de tels actes dont les auteurs devront un jour faire l’objet de poursuites devant la justice internationale. 

L’impuissance actuelle des Nations Unies, qui peinent à régler ce conflit, et la gravité de la situation vous ont amené à envisager que la France prenne l’initiative, aux côtés des Etats-Unis, d’une frappe « punitive ». 

- Les Eglises et communautés chrétiennes de la région avec lesquelles la Fédération protestante de France est en relation, nous alertent sur le fait qu’une telle initiative qui, à l’heure actuelle, semblerait ne pas disposer de justification dans le cadre du droit international, non seulement ne résoudrait pas la crise, mais ne manquerait pas de faire courir le risque de radicalisations politiques et religieuses et de violences supplémentaires dont les populations civiles y compris chrétiennes seraient encore les victimes en Syrie et peut-être aussi dans la toute la région.

- L’engagement vis-à-vis du peuple syrien pourrait se manifester par l’accueil de réfugiés, 4 millions sont déplacés à l’intérieur de leur pays et 1,7 dans les pays voisins. 

- La Fédération protestante de France, dans le même sens que le Conseil œcuménique des Eglises etla Fédération luthérienne mondiale (voir références ci-dessous*), considère de son devoir de donner tous ces éléments d’information. Elle vous encourage à œuvrer inlassablement, dans le cadre des engagements internationaux de la France, pour la paix et la réconciliation. Elle encourage ses membres comme elle l’a fait lors de son AG en janvier, à soutenir en particulier les chrétiens syriens et à prier pour la paix. 

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre considération distinguée.

 

Le pasteur Claude Baty, président sortant de la Fédération protestante de France

Le pasteur François Clavairoly, nouveau président de la Fédération protestante de France

*www.oikoumone.org : lettre du pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du Conseil oecuménique des Eglises, du 4 septembre 2013.

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Publié le Vendredi 13 Septembre 2013 à 08:52:32

Ni intervention ni passivité, parions sur la voie du compromis

C'est peut-être la seule chance de trouver une issue pacifique

Décider c'est parier. Décider l'intervention en Syrie, plus de deux ans après le début d'une protestation pacifique dont la répression a provoqué une horrible guerre civile, est un pari risqué. Une telle intervention dès le début pour soutenir des résistants en majorité démocrates aurait été risquée, mais elle aurait couru des risques moindres qu'aujourd'hui.

L'utilisation du gaz sarin sur une population civile est avérée. Reste à prouver que ces gaz ont été employés par l'armée régulière, et non par un éventuel groupe rebelle " al-qaïdiste " ou autre. Haute probabilité ne signifie pas certitude. Le mensonge américain sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein crée un doute qui pèse sur les esprits.

Même s'il était enfin prouvé que M. Al-Assad a employé ce gaz contre son propre peuple, même si le gaz est une arme prohibée depuis la première guerre mondiale et n'a pas été utilisé même au cours de la seconde, cette arme immonde ne massacre pas plus les civils que les bombardements massifs à gros calibres et bien entendu la plus petite bombe atomique. Toutefois, c'est un pas de plus dans l'horreur d'une guerre. Que cette tuerie déclenche une réaction morale tardive qui se traduit en intervention militaire, cela se comprend. Mais nous sommes devant une contradiction énorme : intervenir, c'est parier dangereusement, mais ne pas intervenir c'est parier non moins dangereusement, et nous payons déjà les conséquences de ce pari passif, comme l'a été le pari passif de la non-intervention pendant la guerre d'Espagne en 1937. Les ennemis de l'intervention ont montré ses dangers. Les ennemis de la non-intervention ont montré ses dangers. Ajoutons que dans l'un et l'autre cas, il est impossible de prédire la chaîne des interactions et rétroactions qui vont suivre.

Le pari d'intervention est un pari limité à des frappes de " punition ". Il n'est prévu aucune intervention au sol, et il semble difficile de penser que ces frappes puissent atteindre des objectifs capables de renverser la situation en Syrie. La guerre civile est déjà en fait une guerre internationale : l'Iran, la Russie, le Hezbollah y participent du côté du régime ; des aides limitées parviennent aux rebelles de la part de pays arabes et occidentaux, des volontaires islamistes de multiples pays participent aux combats. Une intervention accroît les débordements du conflit hors Syrie, notamment au Liban, ce qui risque de transformer une guerre internationale limitée en un embrasement plus large : elle serait une aventure dont les effets sont inconnus.

Effets négatifs probables

Toute action en situation incertaine risque d'aller à l'encontre de l'intention qui l'a provoquée. C'est ce qui est arrivé au " printemps arabe " de Tunisie et d'Egypte. En Libye, la conséquence de l'élimination de Kadhafi a été le développement d'Al-Qaida au Sahel. On ne peut donc éliminer l'idée que l'intervention éventuelle ait des effets positifs très limités et des effets négatifs très grands. On ne peut éliminer qu'elle ajoute de l'huile sur un brasier et provoque son extension. On ne peut éliminer l'idée que la " punition " dégénère en punissant les punisseurs. Elle est de plus mal partie : pas de légitimité de l'ONU, pas de soutien affirmé des pays arabes, défection anglaise. Un vote négatif du Congrès américain conduirait à l'inaction, car la France ne saurait intervenir seule.

Mais l'inaction est elle-même un pari très dangereux, car la logique aboutit soit à une victoire implacable et épouvantable de M. Al-Assad, soit, en cas de défaite du président syrien, à une nouvelle guerre civile entre rebelles laïques et démocrates, sunnites, alaouites, kurdes, djihadistes, et à une décomposition de la Syrie en fragments ennemis, ce qui est le chemin que prend l'Irak, stimulé par les conflits interreligieux et interethniques de Syrie.

On ne peut donc échapper à la contradiction qu'en essayant la seule voie qui arrêterait la spirale des pires périls de l'intervention et de la non-intervention. C'est le compromis. Un tel compromis doit commencer par être un compromis entre les puissances. Un accord pourrait se faire sur le compromis entre la Russie, l'Iran, les nations arabes, les nations occidentales, peut-être sous l'égide de l'ONU, et proposé, voire imposé aux combattants. Il peut sembler inconcevable à beaucoup que Bachar Al-Assad ne soit pas éliminé. Mais la démocratie n'a été rétablie au Chili qu'avec un compromis qui a laissé le bourreau Pinochet deux ans à la tête de l'Etat et six ans à la tête de l'armée. L'irrésistible processus pacifique a abouti à la condamnation de Pinochet. Si une paix avait été conclue en Algérie en 1956 sur un compromis temporaire, la France n'aurait pas couru le risque d'une dictature militaire qu'a pu éviter le " coup de judo " de De Gaulle, l'Algérie n'aurait pas sombré dans la dictature du Front de libération nationale (FLN), on aurait évité tant de massacres ultimes provoqués par l'Organisation armée secrète (OAS) et le FLN.

Le compromis devrait se faire sous garantie internationale, voire avec la présence de forces de l'ONU. Il arrêterait les massacres et le processus de décomposition de la Syrie. Il arrêterait - avec la radicalisation actuelle - l'irrésistible progression d'Al-Qaida. Il inhiberait les puissances déchaînées de mort et de folie. Entre des impératifs éthico-politiques contradictoires, il constitue le plus prudent pour la Syrie, le Moyen-Orient, la planète. Ce n'est pas la solution, mais c'est le vrai moindre mal et c'est la possibilité d'une évolution pacifique. C'est donc le troisième pari qu'il faut tenter, incertain et risqué, mais moins que les deux autres, et, lui, humain et humanitaire pour un peuple martyr.

Edgar Morin

Sociologue

 

© Le Monde 6 septembre 2013

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Publié le Vendredi 13 Septembre 2013 à 08:50:43

Dans notre LETTRE D'INFORMATION DE LA COMMUNAUTE MISSION DE FRANCE 

N° 358   SEPTEMBRE   2013          

 

• L'éditorial de Christophe ROUCOU, prêtre de la Mission de France,

Directeur du Service national pour les Relations avec l'islam (SRI)

Ci-dessous et sur notre site   www.mission-de-france.com

 

Proche-Orient : réveillons-nous !

 

L’été ensoleillé a permis la détente pour les vacanciers. Il est resté sous tension au Proche Orient ! 

En Irak, les attentats n’ont pas cessé, victimes sunnites succédant aux victimes chiites. 

En Egypte, la majorité du peuple ne supportait plus l’incompétence des Frères musulmans au pouvoir. L’armée a destitué le président Morsi, au prix fort payé de morts, d’emprisonnements et du rétablissement de l’état d’urgence. Sans oublier les déchaînements contre les chrétiens accusés de soutenir le coup d’Etat, au prix d’églises incendiées ou détruites. Plusieurs d’entre nous ont vécu des années dans ce pays. Aujourd’hui encore nous y gardons des liens. Nos amis Égyptiens ont vibré à la sortie de la peur, aux revendications de dignité, de justice et de démocratie. Ils sont, ces jours-ci, désemparés, inquiets de l’insécurité, ne comprenant plus les réactions de l’Occident. 

Plus de 2 millions de réfugiés syriens, dont un million d’enfants. Plus de 110 000 morts dont les victimes des attaques chimiques, des milliers de blessés sans soins, des familles sans nouvelles des leurs, et parmi eux notre ami jésuite Paolo Dall’Oglio. 

Nos amis sur place refusent l’option d’une attaque militaire de la Syrie mais ils demandent notre solidarité. Serons-nous spectateurs impuissants, acteurs d’une escalade des armes, médiateurs d’une résolution non-violente du conflit, solidaires d’une mobilisation internationale pour venir en aide aux réfugiés ? La France est au dernier rang pour leur accueil. 
L’expression « printemps arabes » a fait long feu. Nous appelons à un « automne de la solidarité » avec les peuples du Proche-Orient. 

Aujourd’hui, le pape François a lancé un appel : « Qu’une chaîne d’engagement pour la paix unisse tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté ! » Nous nous associons à sa proposition d’une journée de prière et de jeûne pour la paix en Syrie et au Moyen-Orient, le samedi 7 septembre. 

Puisse ce geste être le début d’un réveil des citoyens européens, des croyants chrétiens, musulmans, des femmes et hommes de bonne volonté… le début d’un « automne de la solidarité » ! 

Christophe ROUCOU, Prêtre de la Mission de France 
Directeur du Service national pour les Relations avec l’Islam, SRI

 

 

Marie-Christine SER

Chargée de communication

LA MISSION DE FRANCE

T : 01 43 24 79 54 - 06 67 07 73 29

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Publié le Vendredi 13 Septembre 2013 à 08:48:29

Paru dans le bulletin interne d'information des jésuites.

Interview avec le Père Général sur la Syrie et la paix

Q. Le Saint Père est sorti du protocole habituel pour parler en faveur de la paix en Syrie. Que pensez-vous de ce sujet ?

R. Je n'ai pas l'habitude de commenter les situations internationales ou les affaires politiques. Mais, dans le cas présent, nous sommes devant une situation humanitaire qui déborde les limites normales pouvant justifier le silence. J'avoue, je dois le dire, ne pas comprendre qui a donné l'autorisation aux Etats-Unis ou à la France d'agir contre un pays d'une manière qui, sans nul doute, ajoutera aux souffrances d'une population qui a déjà souffert plus qu'il n'est imaginable. La violence ou les interventions violentes comme celles qui se préparent ne sont justifiables que comme des moyens ultimes utilisés d'une manière telle qu'ils n'atteignent que les seuls coupables. Dans le cas d'un pays, cela est totalement impossible, et c'est pourquoi ce recours à la force m'est totalement inacceptable. Nous jésuites, nous appuyons l'action du Saint Père à 100% et désirons du fond de notre cœur que l'action punitive annoncée n'ait pas lieu.

Q. Mais le monde n'a-t-il pas la responsabilité de faire quelque chose contre ceux qui abusent de leur pouvoir par des actions contre leur propre peuple, comme dans le cas d'un gouvernement qui utilise les armes chimiques dans un conflit ?

R. Cette demande recouvre trois questions, qu'il convient de séparer clairement.

La première porte sur le fait que tout abus de pouvoir doit être condamné et rejeté. Avec tout le respect que j'ai pour le peuple des Etats-Unis, je crois que l'usage précis de la force qui se prépare actuellement est en lui-même un abus de pouvoir. Les Etats-Unis d'Amérique doivent cesser d'agir et de réagir comme s'ils étaient le « grand frère » d'un quartier qui s'appellerait le monde. Une telle attitude conduit inévitablement à des abus, à des chocs violents et à des démonstrations de force devant les membres les plus faibles de la communauté.

La deuxième est que, si des armes chimiques ont été utilisées, il faut encore satisfaire à l'obligation de montrer au monde, de manière claire, que cet usage est le fait d'un côté du conflit, et non pas de l'autre. Il ne suffit pas qu'un membre du gouvernement du pays qui désire attaquer dise qu'il en a la conviction. Il faut démontrer au monde qu'il en est ainsi, sans laisser quelque doute que ce soit, afin que le monde puisse faire confiance à ce pays. Cette confiance n'existe pas actuellement, et les spéculations ont déjà commencé sur les visées ultérieures que les Etats-Unis pourraient avoir dans ce projet d'intervention.

La troisième est que les moyens considérés comme appropriés pour punir l'abus commis à l'origine (une fois que l'on a montré que tel est bien ce qui s'est passé) ne blessent pas à nouveau les mêmes personnes, déjà victimes. L'expérience du passé nous apprend que cela est impossible (quand bien même on désignerait les victimes par l'euphémisme « dommages collatéraux »). Le résultat est qu'augmente la souffrance des citoyens ordinaires innocents et étrangers au conflit. Nous savons tous que le grand souci des sages et des fondateurs religieux de toutes les traditions et cultures est : « comment alléger la souffrance humaine ? » Il est très préoccupant que, au nom de la justice, nous planifiions une attaque qui va augmenter la souffrance des victimes.

Q. Vous n'êtes pas particulièrement dur contre les Etats-Unis ?

R. Je ne le crois pas. Je n'ai aucun préjugé contre ce grand pays et, en ce moment même, je travaille avec des jésuites de ce pays dont j'estime beaucoup les avis et l'aide. Je n'ai jamais eu de sentiments négatifs à l'égard des Etats-Unis, un pays que j'admire énormément pour beaucoup de raisons, parmi lesquelles son ardeur au travail, sa spiritualité et sa pensée. Ce qui me soucie le plus est que précisément ce pays, que j'admire sincèrement, soit proche de commettre une grande erreur. Et je pourrais dire quelque chose de semblable à propos de la France : un pays qui a été un véritable guide pour l'esprit et l'intelligence, qui a contribué de grande manière à la civilisation et la culture, et qui est maintenant tenté de conduire l'humanité à faire marche arrière vers la barbarie, et cela en contradiction ouverte avec tout ce qu'il a représenté durant bien des générations. Que ce soit ces deux pays qui s'unissent aujourd'hui pour une aventure aussi horrible est l'un des éléments de la colère éprouvée en bien des pays du monde. Ce n'est pas le fait d'attaquer que nous craignons ; ce qui nous atterre, c'est la barbarie vers laquelle nous sommes conduits.

Q. Et pourquoi parler ainsi maintenant ?

R. Parce que le problème se pose maintenant. Parce que le Saint Père prend des mesures extraordinaires pour nous rendre conscients de l'urgence du moment. Avoir déclaré la journée du 7 septembre comme temps de jeûne pour la paix en Syrie est une mesure extraordinaire, et nous voulons nous unir à cette initiative. Nous pouvons nous rappeler que, dans un passage de l'Evangile, les disciples n'étaient pas parvenus à libérer un jeune du mauvais esprit, et Jésus leur dit : « Ce type d'esprit ne peut sortir que par la prière et le jeûne ». Il m'est très difficile d'accepter qu'un pays qui se considère chrétien - ou en tout cas qui fait référence à ce nom - ne puisse envisager que l'action militaire lorsqu'il se trouve face à une situation de conflit, au risque de conduire le monde, à nouveau, vers la loi de la jungle.

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