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l'entreconnaissance

À qui Daech vend-il son pétrole? Publié le Jeudi 16 Octobre 2014 à 00:26:16

À qui Daech vend-il son pétrole?

par Sara Taleb

http://www.huffingtonpost.fr/2014/10/11/daech-petrole-etat-islamique-marche-petrolier_n_5964614.html

 

INTERNATIONAL - Les offensives de Daech continuent. Depuis plusieurs jours maintenant, le groupe jihadiste qui contrôle une partie de l'Irak et de la Syrie, cherche à prendre la ville de Kobané. Troisième ville kurde de Syrie, située non loin de la Turquie, Kobané est défendue tant bien que mal par les combattants kurdes mais est sur le point de tomber. Et la coalition internationale a beau bombarder les positions de Daech, rien ne semble arrêter les jihadistes.

La possible percée de Daech (appelé aussi "Etat islamique") qui se profile met de nouveau en lumière la puissance militaire et donc financière du groupe. Qualifié depuis les avancées de cet été de groupe terroriste "le plus riche du monde", Daech tire notamment ses ressources des puits de pétrole qu'il contrôle. S'il est difficile de chiffrer précisément cette manne financière, les différentes estimations relayées récemment parlent de 1,2 à 3 millions de dollars engrangés par jour. La rente pétrolière de Daech soulève évidemment une question: à qui les jihadistes vendent-ils leur pétrole? début septembre, une petite phrase de l'ambassadrice de l'Union européenne en Irak Jana Hybaskova a provoqué des remous à Bruxelles. Devant des députés de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, l'ambassadrice a affirmé que "malheureusement, des Etats membres de l'UE achètent ce pétrole". "Je ne peux pas partager avec vous cette information. Ce n'est pas une information publique", a-t-elle ajouté refusant de donner plus de détails aux députés. Qu'en est-il vraiment? Par quel biais ce pétrole aurait pu se retrouver en Europe? Le HuffPost a demandé a des experts du secteur pétrolier leur analyse. Selon Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies, les accusations de Jana Hybaskova sont "exagérées". "Cette sortie avait surtout un but politique. Il s'agissait d'attirer l'attention, créer un choc pour que l'Union européenne se saisissent du problème posé par Daech", estime-t-il. Jean-Pierre Favennec, consultant et co-auteur de L'Atlas de l'Energie souligne de son côté que "des Etats ou de grandes sociétés ne s'amusent pas - et n'ont pas intérêt - à acheter du pétrole à des groupes comme Daech".

Toutefois, le fait que du pétrole de Daech se retrouve en Europe n'est pas impossible. Si le marché des hydrocrabures est censé être transparent et le pétrole traçable, il existe aussi un marché bien plus opaque. "Quand une entreprise achète du pétrole, elle est censée savoir d'où il provient grâce à ce qu'on appelle le certificat d'origination", indique Maïté de Boncourt, chercheuse associée au Centre Energie de l'Ifri. "La traçabilité doit pouvoir se faire", ajoute Jean-Pierre Favennec qui explique que le raffineur qui achète du pétrole a d'ailleurs plutôt intérêt a savoir d'où il vient pour éviter les produits de mauvaise qualité.

Des réseaux clandestins bien en place

Mais, souligne Maïté de Boncourt, maquiller l'origine d'un pétrole est clairement faisable. Pour cela, deux solutions: soit le mélanger avec un pétrole "identifié" soit en détruisant les preuves de son origine c'est-à-dire en falsifiant le certificat d'origination. Et vu que ce dernier est délivré par les chambres de commerce locales, on imagine bien les fraudes qui peuvent exister dans un pays qui souffre de corruption.

Ces procédés sont ceux utilisés par les réseaux clandestins. "Souvent dans des situations d'embargo ou de conflits, des réseaux parallèles se mettent en place. Cela a par exemple été le cas après l'invasion du Koweït par l'Irak et la mise en place du plan 'Pétrole contre nourriture'", rappelle Maïté de Boncourt. Ce plan, supervisé par l'ONU, a été mis en place pour subvenir aux besoins humanitaires des Irakiens après que le pays a été sanctionné économiquement. Entre 1996 et 2003, Bagdad pouvait vendre tous les 6 mois pour 2 milliards de dollars de barils à condition d'allouer les recettes à la population. Sauf que le gouvernement de Saddam Hussein met en place un vaste système de corruption pour détourner le plan. "Du pétrole de contrebande est également vendu aux frontières, rapportant 11 milliards de dollars au régime baasiste", "Daech ne fait qu'utiliser d'anciens canaux parallèles, dont ceux qui existaient a cette époque", poursuit Maïté de Boncourt.

Double jeu turc

Aujourd'hui, ces réseaux parallèles se situent en partie le long de la frontière turque. Et cela s'explique notamment par deux raisons. Premièrement parce qu'en Turquie le prix du pétrole est élevé, précise Pierre Terzian de Pétrostratégies. Selon lui, c'est d'ailleurs ce pays qui est le premier destinataire du pétrole du groupe jihadiste. "Daech a la possibilité d'écouler ses stocks en Turquie, du sud jusqu'au centre du pays. Pourquoi l'organisation s'embêterait-elle à vendre son pétrole en Europe, qui est géographiquement éloignée et qui mets en place des barrières douanières?", s'interroge-t-il. "Si de gros volumes sortent de Syrie, ils sont écoulés en Turquie", affirme-t-il, soulignant que le gouvernement turc avait fermement démenti ce commerce illicite. "En revanche, le pétrole des jihadistes peut effectivement être déguisé sous forme turque", remarque Pierre Terzian. C'est donc éventuellement par ce biais que du pétrole de Daech pourrait être ensuite acheminé en Europe via le port de Ceyhan, "grand hub pétrolier turc par lequel transite également le pétrole des pays du Golfe", rappelle Maïté de Boncourt. "Il y a sans doute des Etats membres qui achètent ce pétrole depuis la Turquie, sans trop savoir d'où ce pétrole provient exactement", commentait ainsi l'eurodéputée portugaise Ana Gomes.

L'autre facteur qui explique que le trafic a lieu dans cette région, c'est la frontière très poreuse entre la Syrie de Bachar al-Assad et la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Au-delà de la corruption qui peut exister, la perméabilité de la frontière a, selon Pierre Terzian, été favorisée par la Turquie dans un but politique. "En ne tenant pas correctement sa frontière, la Turquie a favorisé l'émergence de Daech avec pour objectif l'affaiblissement de Bachar Al-Assad dont Erdogan s'est désolidarisé après le soulèvement de la population", analyse-t-il. Une attitude ambivalente décryptée par Jana Jabbour, doctorante et enseignante en Relations internationales et en sociologie politique à Sciences Po.

Tour de passe-passe en Méditerranée

Par ailleurs, nombreux sont les observateurs à s'interroger sur ce qui se passe au Kurdistan irakien. Toutefois, la situation est très différente de celle à la frontière turque. La rente pétrolière et l'exportation sont en effet depuis longtemps un sujet de discorde entre le gouvernement central irakien et le gouvernement régional du Kurdistan. "Bagdad a toujours interdit l'exportation du pétrole kurde. Or, en juin dernier, le Kurdistan a bravé cet interdit", rappelle Maïté de Boncourt qui précise que cette décision a été prise publiquement et non de manière clandestine. "De fait, plusieurs questions peuvent se poser, ajoute-t-elle. D'abord, vu le contexte actuel, y a-t-il des réseaux illégaux qui se sont développés au Kurdistan?". Une supposition régulièrement relayée comme une affirmation mais qui mérite nuance et précaution. A ce sujet, Pierre Terzian explique que certains intermédiaires peu scrupuleux (et non pas les autorités kurdes) ont pu à un certain moment acheter du pétrole de Daech via des canaux parallèles. Mais selon lui, ces échanges n'ont plus lieu aujourd'hui. Ils se sont arrêtés lorsque l'organisation jihadiste a pris de l'ampleur et s'est montrée menaçante envers les Kurdes. Maïté de Boncourt estime par ailleurs que ce qui se passe au Kurdistan est "une question de fédéralisme et de lutte pour l'indépendance et la mainmise sur les ressources, qui n'a rien a voir avec le terrorisme".

L'autre interrogation qui concerne le Kurdistan, c'est comment et à qui est vendu ce pétrole, observe également la chercheuse associée de l'Ifri. Cette dernière question a justement été au cœur d'une polémique lors de la première exportation du pétrole kurde. Bagdad ayant menacé de sanctions quiconque achèterait ce pétrole, un drôle de manège a eu lieu dans les eaux de la Méditerranée. Un des tankers transportant le pétrole kurde, le United Emblem, a transféré au large de Malte sa cargaison dans un autre tanker, l'Altaï, qui lui a accosté en Israël. L'agence Reuters, , précise qu'elle n'est pas en mesure de dire si Israël en est l'acheteur ou si un autre acquéreur s'est manifesté. "Les cargaisons de pétrole changent souvent plusieurs fois de main avant d'atteindre leur destination finale", peut-on lire. Une opération de transfert du même type s'est déroulée fin juillet en mer de Chine méridionale cette fois-ci. Ce système qui multiplie les intermédiaires rend ainsi plus compliquée l'identification du maillon en bout de chaîne.

 

Dans l'hypothèse où du pétrole de Daech arriverait à passer par cette voie là, difficile donc de savoir qui en serait l'acquéreur. Jana Hybaskova faisait-elle allusion à ce genre de stratagème en disant que des membres de l'UE achetaient ce pétrole? Pour le moment, elle est la seule à connaître la réponse

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Ma réponse à la violence menée au nom d'Allah Publié le Jeudi 16 Octobre 2014 à 00:25:14

 

Malek Chebel

Anthropologue des religions, spécialiste de l'islam, directeur de la revue Noor

Ma réponse à la violence menée au nom d'Allah

Publication: 15/10/2014

 

http://www.huffingtonpost.fr/malek-chebel/ma-reponse-aux-fondamentalistes-arabes_b_5983108.html?utm_hp_ref=france

L'état lamentable dans lequel se trouve le droit personnel dans les régions sous la coupe des fondamentalistes et des ignorants au sens large est en soi un motif d'exaspération, d'étonnement et de tristesse. D'autant que le paradoxe est terrible, puisque c'est grâce au Coran et à la civilisation de l'islam que nous avons obtenu une interprétation de ce texte par les théologiens des Lumières. Dès le Moyen-Age, le travail d'Al Ghazali laisse penser qu'il y avait un potentiel spectaculaire de tolérance et de respect du partenaire dans la religion musulmane. Me fondant sur ce patrimoine fabuleux, je dis aujourd'hui que nous sommes en train de détruire, massacrer, annihiler, méconnaître toute cette civilisation. Telle est ma réponse à ces fondamentalistes sans foi ni loi, qui osent se réclamer de l'islam.

L'exemple le plus flagrant de l'ouverture de cette religion, je le cite dans mon dernier livre, L'Erotisme arabe : il s'agit de la part à 100 % équitable et respectueuse de la dualité amoureuse, qui fait qu'une femme dans l'intimité amoureuse est une part absolument entière et égale à celle de l'homme. Ainsi, cette égalité totale et absolue dans l'intimité est prescrite par le Coran et l'islam. Cet exemple montre que l'islam est capable de porter du respect. On ne voit pas la transposition de cette prescription à l'extérieur du champ de l'intime. En effet, la capacité à porter une parole individuelle autonome est inscrite dans les textes et piétinée dans les faits.

Mon travail sur l'érotisme et la sensualité du corps vient contrecarrer l'optique obscurantiste, qui gomme tout désir de liberté et de lumière.

L'islamisme n'est pas le seul phénomène qui salit l'islam. L'un des premiers signes de malversation à l'égard des textes sacrés est d'extraire un verset coranique de son contexte lexical immédiat. C'est une malhonnêteté à l'égard de ce beau texte. Et c'est ce qui est souvent fait à la fois par les extrémistes mais également par ceux qui veulent critiquer l'islam sans le connaître. Ainsi, priver un verset coranique de son contexte revient à volontairement et sciemment dire le contraire de ce qu'il dit. Les gens à l'extérieur de l'islam manipulent parfois des concepts qu'ils ne maîtrisent pas et les détournent sciemment. Et ceux qui sont à l'intérieur de cette religion et qui s'inspirent d'interprétations contraires à l'islam des lumières se trompent. Ils sont parfois de bonne fois, mais ils se trompent tout de même car il est inclus dans le texte qu'une démarche compréhensive est nécessaire à toute personne qui approche le Coran.

Comment alors faire comprendre à tous que l'islam est une religion de paix? Peut-être en ouvrant son esprit et son cœur, en ne considérant pas que ce que nous savons est définitif, en écoutant les autres, en comprenant les anciens.

Le vrai procès qu'on fait à l'islam c'est de faire croire qu'il manque de connaissance et de savoir, qu'il empêche d'ouvrir son cœur à la modernité, de ne pas être assez souple et subtil, de ne pas accepter la diversité de l'être humain.

Mon combat personnel depuis des années est d'affirmer que l'islam a plus que jamais besoin de se redéfinir sur des bases concrètes et modernes, de refaire son point de vue sur l'individu, et d'accepter qu'il n'est pas mauvais en soi. Je prêche pour l'émergence d'un sujet responsable, qui doit assumer sa modernité, sans référer au passé ou à l'extérieur ou à une cause déclenchante qui ne lui appartient pas.

 

Aujourd'hui, ce qui prévaut dans la religion musulmane -comme dans d'autres- c'est de dire que l'individu seul ne vaut rien, alors même qu'il faut envisager l'individu comme le moteur de la nation. Cette révolution copernicienne que j'essaie d'introduire est la possibilité de réévaluer la place de l'individu, par rapport à des concepts qui relèvent de la tradition.

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Opinion  : Alain Bentolila, linguiste, professeur à l’université Paris-Descartes.

 

«  Il est urgent d’imposer dans le débat public une distinction fondamentale entre « appartenance » et « identité »

LA CROIX.FR 13/10/14

Dans une période où les musulmans français, parce qu’ils sont musulmans, sont sommés de clamer haut et fort qu’ils n’approuvent pas les actes de barbarie, dans un temps où les juifs français, parce que juifs, sont tenus de se positionner par rapport aux exactions du gouvernement israélien, il est urgent d’imposer dans le débat public une distinction fondamentale entre « appartenance » et « identité ». On n’est pas un juif, un musulman ou un catholique, on appartient seulement, par un hasard heureux ou non, à un groupe qui partage certaines croyances, certaines habitudes culturelles, certains rituels. Cette appartenance ne doit en aucune façon effacer la singularité intellectuelle de chacun. Elle ne définit pas notre identité. La distinction entre appartenance et identité est aujourd’hui absolument essentielle, car c’est elle qui permet de comprendre nos différences, nos divergences et d’en « disputer » sans pour autant trahir sa communauté ou avoir honte de ses racines. Une appartenance ne se nie pas mais elle ne nous définit pas. J’appartiens à la communauté juive, mais je revendique le droit de ne pas être sioniste ; tu appartiens à la communauté musulmane, mais tu reconnais le droit à l’existence de l’État d’Israël. Tout citoyen doit avoir la capacité d’analyser avec objectivité, profondeur historique et humanisme une situation dans toute sa complexité en refusant que quiconque, au nom d’une appartenance commune, vienne lui imposer une vision tronquée et stéréotypée. En bref la laïcité française n’interdit pas une appartenance religieuse, mais elle garantit à chacun sa liberté de penser en forgeant, par l’éducation qu’elle dispense, sa probité intellectuelle.

L’appartenance à une communauté confessionnelle et/ou culturelle contribue bien sûr à colorer notre identité d’une façon particulière ; elle la place au sein d’un réseau où l’on partage des comportements, des croyances et des goûts communs qui sont autant de signes de reconnaissance ; mais en aucun cas cette appartenance assumée ne doit nous dicter nos analyses politiques, scientifiques ou sociales. En aucun cas elle ne doit aliéner notre liberté de penser et de juger. Rabbins, imams, quand, dans une synagogue ou une mosquée, vous dénoncez avec partialité et haine parfois l’ennemi arabe ou juif, vous offensez Celui-là même que vous prétendez honorer. Et vous ajoutez le blasphème à la bêtise. Vous les premiers devriez repousser la tentation d’imposer à vos fidèles une pensée grégaire, partiale et dangereuse. Car ce qui distingue une religion d’une secte, c’est la reconnaissance de la complexité, l’acceptation de l’incertitude et du doute.

La médiocrité grandissante de médias complices, la baisse progressive des exigences scolaires ont laissé s’installer une terrible inculture historique, littéraire et scientifique. Pire encore, se généralise une forme de méfiance envers tout ce qui ressemble de près ou de loin à une réflexion intellectuelle. Et nous avons ainsi renoncé à l’ambition du « nourrissage culturel », seul rempart contre la dictature de l’appartenance. Oubliés le questionnement ferme, le raisonnement rigoureux, la réfutation exigeante, toutes activités tenues aujourd’hui pour ringardes et terriblement ennuyeuses, remplacées par le plaisir immédiat, l’imprécision et la passivité. Les valeurs culturelles, sociales et morales qui fondent notre intelligence collective ont cédé la place aux apparences identitaires, filles de l’entre-soi. Nous nous trompons d’ennemi ! Ce n’est certainement pas la diversité culturelle et confessionnelle qui nous menace. Le danger que nous avons aujourd’hui à affronter, c’est une véritable « consomption intellectuelle » : celle qui verra bientôt nos mémoires vides errer sans but dans un désert aride, attirées par le premier appel à la haine, obéissant au premier mot d’ordre de meurtre. La mère des batailles ne se livrera pas contre d’autres groupes, contre d’autres communautés, mais avec tous ceux qui, sans se renier, accepteront de chercher ensemble le sens de nos vies. Le risque c’est d’oublier la valeur de la Vie tout en braillant chacun dans son coin le nom de Celui qui est censé l’avoir créée. S’il existe, qu’il soit sourd à ces invocations ; car si nous n’y prenons pas garde, nous finirons en son nom par nous entre-tuer ici même dans notre République : l’insulte appelant l’insulte, la vengeance appelant la vengeance, le sang appelant le sang.

(1) Dernier livre paru, chez First :

 

Comment sommes-nous devenus si cons ?

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FORUM. Quelle confiance nous est faite ! Mgr Vincent LANDEL scj, archevêque de Rabat

 

Le 20 septembre 2014, nous inaugurions officiellement, à Rabat, l'Institut Al Mowafaqa, institut œcuménique de théologie, enraciné dans le contexte marocain, ouvert sur l'œcuménisme et le dialogue avec la culture et l'islam.Pour toute cette journée je ne peux que rendre grâce. Elle n'est pas un point de départ, ni un point final, mais elle est une porte ouverte sur l'avenir. En effet, le point de départ est l'estime et la confiance que nous avons vécue, le pasteur Samuel Amedro, président de l'Église évangélique au Maroc, et moi-même, Archevêque catholique de Rabat. Cette confiance réciproque ...

 

 

http://www.la-croix.com/Archives/2014-10-11/FORUM.-Quelle-confiance-nous-est-faite-!-Mgr-Vincent-LANDEL-scj-archeveque-de-Rabat-2014-10-11-1247433

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Hommage à la non-violence devant la statue de Gandhi Publié le Jeudi 16 Octobre 2014 à 00:08:05

Hommage à la non-violence devant la statue de Gandhi

En présence de Mr. l’Ambassadeur de l’Inde

Le 2 octobre 2014

Allocution de Jean-Marie MULLER*

 

 Nous célébrons donc aujourd’hui l’anniversaire de la naissance du Mahatma Gandhi, qui est né le 2 octobre 1869. C’est sans nul doute pour commémorer cet anniversaire que l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé qu’à cette date du 2 octobre serait dorénavant célébrée La Journée internationale de la non-violence. Dans la résolution

adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies il est affirmé, je cite, « la pertinence universelle du principe de non-violence ». La formule est remarquable par sa concision, sa rigueur et sa clarté. Affirmer « la pertinence universelle du principe de non-violence », c’est par là même affirmer la non-pertinence universelle de la violence, c’est-à-dire à son incapacité totale apporter une solution humaine aux inévitables conflits humains qui divisent et opposent les personnes, les communautés, les peuples, les nations et les États.

Jamais nulle part, la violence ne conjugue l’espérance au présent. Toujours et partout, elle la conjugue au futur. Un futur toujours repoussé. Pendant ce temps, elle ne cesse de malmener le présent.

Jamais, nulle part, la violence ne tient sa promesse d’offrir des lendemains qui chantent. Toujours et partout, la violence apporte des aujourd’hui qui pleurent. 

Nous sommes donc invités, en cette journée, à avancer sur le chemin de la non-violence que le Mahatma Gandhi a défriché à travers le maquis des injustices et des violences de ce monde.

Gandhi s'est toujours présenté comme un "chercheur de vérité". C'est en cherchant la vérité qu'il s'est convaincu que seul le chemin de la non-violence pouvait conduire à sa découverte. Il en vint à affirmer que la non-violence est l'expression de la vérité de l'homme. Selon lui, c'est en réalisant dans son existence l'exigence de non-violence que l'homme accomplit son humanité en tant qu'être raisonnable, en tant qu'être spirituel. Ainsi, la non-violence est une requête de l'esprit qui ouvre à la transcendance et à l'universel.

L'histoire est là pour attester - et l'expérience le confirme tous les jours - que "la vérité" devient un vecteur de violence dès lors qu'elle n'est pas ancrée dans l'exigence de non-violence. Si la vérité n'implique pas par elle-même le refus de justifier la violence, alors il viendra toujours un moment où la violence apparaîtra naturellement comme un moyen légitime pour défendre la vérité. Seule, la reconnaissance de l'exigence de non-violence permet de récuser une fois pour toutes l'illusion, véhiculée par toutes les idéologies, qu'il est nécessaire et juste de recourir à la violence pour défendre la vérité. Recourir à la violence pour défendre la vérité, c'est déjà avoir renié la vérité.

  Dès lors que l'on considère que toute violence, quelle que puisse être la justesse de la cause pour laquelle elle est mise en œuvre, blesse et meurtrit l'humanité aussi bien de celui qui la subit que de celui qui l'exerce, comment justifier de recourir à la violence dans la recherche de la vérité ? La violence est bien réelle, actuelle, concrète, objective en de multiples situations, elle peut parfois apparaître nécessaire, mais elle n'est jamais vraie, car elle fausse toujours la relation de l'homme avec l'autre homme, car elle est toujours porteuse de mort.

Certes, Gandhi le reconnaissait lui-même : la violence peut apparaître nécessaire. Mais nécessité ne vaut pas légitimité. La nécessité de la violence ne supprime pas l'exigence de non-violence. La nécessité de tuer est un désordre, elle n'est pas un contre-ordre ; elle n'innocente pas le meurtrier. Justifier la violence sous le couvert de la nécessité, c'est rendre la violence sûrement nécessaire. C'est déjà justifier toutes les violences à venir, et enfermer l'à-venir dans la nécessité de la violence.

 L'humanité ne parviendra certainement pas à relever les défis auxquels elle se trouve confrontée aujourd'hui si elle ne rejoint pas les intuitions de Gandhi. Il nous invite à revisiter les héritages de nos traditions historiques - aussi bien philosophiques, religieuses que politiques -, et à prendre conscience de toutes les complicités que nos cultures ont entretenues avec l'empire de la violence. Nous pourrons alors mesurer l'urgence qu'il y a à développer une véritable culture de la non-violence. Ce qui menace la paix, partout dans le monde et dans chacune de nos sociétés, ce sont les idéologies fondées sur la discrimination et l'exclusion - qu'il s'agisse du nationalisme, du racisme, de la xénophobie, de l'intégrisme religieux ou de toute doctrine économique fondée sur la seule recherche du profit - et qui toutes ont partie liée avec l'idéologie de la violence. Ce qui menace la paix, en définitive, ce ne sont pas les conflits, mais l'idéologie qui fait croire aux hommes que la violence est le seul moyen de résoudre les conflits. C'est cette idéologie qui enseigne le mépris de l'autre, la haine de l'ennemi; c'est elle qui arme les sentiments, les désirs, les intelligences et les bras. C'est elle qui instrumentalise l'homme en faisant de lui l'instrument du meurtre. C'est donc elle qu'il faut combattre.

Gandhi ne nous offre pas des réponses à répéter, mais il nous invite à poser les questions essentielles dont l'enjeu concerne le sens même de notre existence et de notre histoire. Comme lui-même a tenté de le faire en son temps, il nous appartient d'inventer ici et maintenant les meilleures réponses possibles.

 Les images de fer, de feu, de sang et de mort qui constituent la matière première de l’actualité nous apportent chaque jour la preuve que la violence est incapable de construire l’histoire, mais qu’elle ne peut que la détruire.

Face à la tragédie de la violence, face à son inhumanité, face à son absurdité, face à son inefficacité, le moment n’est-il pas venu, par réalisme sinon par  sagesse, de prendre conscience de l’évidence de la non-violence ?

Dans les conflits qui divisent et opposent les hommes et les communautés, la violence ne fait pas partie de la solution, elle fait partie du problème. Non, la violence n’est pas la solution, elle est le problème. Comment dès lors, résoudre le problème de la violence ? Ce que Gandhi nous a montré c’est que la non-violence est certainement la meilleure solution au problème de la violence.

Le « non » de la non-violence n’est pas un non de négation : il ne s’agit pas de nier la réalité de la violence. Le « non » de la non-violence n’est pas un non de résignation : il ne s’agit pas de se  résigner à l’injustice de la violence. Le « non » de la non-violence est un non de résistance : il s’agit de résister à la violence.

La violence ne peut que détruire des ponts et construire des murs. La non-violence nous invite à déconstruire les murs et à construire des ponts. Malheureusement, il est plus difficile de construire des ponts que des murs. L’architecture des murs ne demande aucune imagination : il suffit de suivre la loi de la pesanteur. L’architecture des ponts demande infiniment plus d’intelligence : il faut vaincre la force de la pesanteur.

Les murs les plus visibles qui séparent les hommes sont les murs de béton qui martyrisent la géographie et divisent la terre qu’il faudrait partager. 

Mais il existe aussi des murs dans le cœur et dans l’esprit des hommes. Ce sont les murs des idéologies, des préjugés, des mépris, des stigmatisations, des rancœurs, des ressentiments, des peurs. La conséquence la plus dramatique de la violence, c’est qu’elle construit des murs de haine. Seuls ceux qui, dans quelque camp qu’ils se trouvent, auront la lucidité, l’intelligence et le courage de déconstruire ces murs et de construire des ponts qui permettent aux hommes, aux communautés et aux peuples de se rencontrer, de se reconnaître, de se parler et de commencer à se comprendre, seuls ceux-là sauvegardent l’espérance qui donne sens à l’à-venir de l’humanité.

Mes amis, nos sociétés sont malades de la violence, le monde est malade de la violence, l’humanité est malade de la violence. Mais Gandhi nous l’a montré : la violence n’est pas une fatalité. Aux jours de lassitude, la violence peut apparaître comme une fatalité. En réalité, c’est une fatalité tout entière construite de mains d’homme. Cela signifie que tous ensemble, avec nos mains nues, avec nos mains désarmées, nous pouvons la déconstruire. Si nous le voulons, la non-violence peut guérir l’humanité de la maladie de la violence. Nous pourrons alors donner en héritage à nos enfants l’espérance de la non-violence afin qu’ils puissent vivre enfin tous ensemble sur une terre fraternelle. Sur une terre fraternelle, enfin !

Je vous remercie de votre attention.

 

* Philosophe et écrivain. Membre fondateur du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN).

Lauréat 2013 du Prix international de la fondation indienne Jamnalal Bajaj pour la promotion des valeurs gandhiennes.

 

www.jean-marie-muller.fr

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