Il y a quelques jours, les génies d’Apple ont présenté la nouvelle version de l’iPhone. Mais pour le reste de l’humanité les prouesses technologiques de ce nouveau bijou de modernité sont l’expression du terrible fossé entre les pays riches et les autres plus pauvres.
Il y a quelques mois le monde découvrait l’iPhone, le nouvel appareil multifonctionnel fascinant et révolutionnaire d’Apple. Il a donné au monde un avant-goût de ce que sera ce siècle naissant : innovant et impressionnant. Et il y a quelques jours, les génies d’Apple ont présenté la nouvelle version de l’iPhone. Mais pour le reste de l’humanité qui n’a pas les moyens de s’offrir un iPhone et qui se contente de suivre péniblement la marche du siècle, les prouesses technologiques de ce nouveau bijou de modernité sont l’expression du terrible fossé entre les pays riches et les autres plus pauvres.
Même si aujourd’hui les efforts pour permettre aux populations les moins nanties d’avoir un accès facile aux nouvelles technologies de l’information et de la communication sont considérables, force est de constater qu’ils sont loin de permettre la réduction significative de cet écart abyssal. Car comme le constate chaque année les principales organisations internationales (Unesco, Onu, Commonwealth), le fossé numérique entre l’Occident et les restes du monde est toujours important. Et la principale victime de cette situation est sans nul doute la jeunesse. Surtout celle de l’Afrique subsaharienne qui a du mal à comprendre le sens de l’expression « nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC) et de saisir du coup toutes les implications de ce concept.
Il n’est pas étonnant, ni guère surprenant, de rencontrer des jeunes en Afrique noire ne sachant pas comment se servir d’un ordinateur, encore moins d’un téléphone mobile. Ils sont souvent les acteurs des conflits armés qui embrasent le continent, comme en République Démocratique du Congo ou au Tchad, enrôlés souvent dans des milices et victimes des plus graves violations du droit international des droits de l’homme et humanitaire. Ou les victimes d’un système qui du mal à se construire sur de véritables piliers. Pour eux, survivre au quotidien de plus en plus difficile est un exploit. Ainsi la survie devient l’unique but de leur existence. Des régions entières plongées dans une sorte de black-out et coupée en partie du monde moderne, où la pauvreté et la misère humaine se sont durablement installées. Car il est vrai que parler de NTIC, c’est supposer un minimum d’infrastructures et de développement, donc plus de stabilité institutionnelle, des avancées dans le processus de démocratisation et de bonne gouvernance. C’est seulement dans ces conditions que la vulgarisation des NTIC, dont le plus célèbre composant est l’Internet, peut atteindre tous ses objectifs, c’est-à-dire une véritable ouverture culturelle, sociale et économique sur le monde, mais aussi un support dans le développement individuel et collectif. Quelquefois il contribue au triomphe de la vérité.
L’iPhone constitue un phénomène important en Occident, l’on parle déjà d’objet culte, tellement il est vrai l’intelligence humaine n’avait pas, depuis des années, atteint une pareille dimension, au point de faire dire à certains spécialistes que la seule limite de l’intelligence humaine à présent, c’est sa propre imagination. Loin de ce tumulte, le petit Berbère du Sahel, conduisant son troupeau à la recherche de verts pâturages et sans GPS, pourrait presque se moquer de cet « événement » en montrant ses pieds nus brûlés par le sable chaud du désert. Seulement avec près d’1 % de taux d’alphabétisation en Afrique subsaharienne en 2007, la majorité des enfants africains est maintenue dans une insupportable ignorance. Pourtant, les NTIC peuvent être un moyen d’apprentissage nouveau alliant l’interactivité et la créativité afin de proposer à ces jeunes esprits un éventail d’options pour leur avenir. Nombreux sont les gouvernements appuyés par les instances internationales, tels le Pnud ou l’Unicef, qui ont mis en place des programmes nationaux qui peuvent renforcer les systèmes de formation et d’éducation de leur jeunesse mais également favoriser l’éclosion de l’initiative individuelle économique et ainsi de lutte contre le sous-emploi des jeunes. De cette volonté de vulgarisation, est née un tout autre phénomène en Afrique noire, celui des cybercentres plus connus sous le nom de « cybercafés », une sorte d’Internet de proximité qui a permis de combattre les discriminations numériques et d’atténuer, du moins en apparence, le sentiment d’injustice sociale.
Mais cet impact des NTIC demeure limité aux zones urbaines ou aux grandes métropoles, faisant de ces espaces abandonnés des territoires où l’on continue à s’accrocher à l’archaïsme et au rudimentaire. C’est dans cette perspective de désenclaver numériquement les zones rurales qu’une équipe de jeunes étudiants de l’université catholique de Yaoundé au Cameroun a proposé, au cours des universiades réunissant la crème du talent académique, la réalisation d’un projet qui pourrait permettre, par un système de connection en ligne, à certaines localités et bourgades retirées de pouvoir vendre directement à d’éventuels acheteurs occidentaux leurs produits agricoles. Un projet qui exige la familiarisation à l’outil informatique entre autres, un moyen judicieux d’inciter les autorités à soutenir l’appropriation par les milieux populaires des nouvelles technologies de la communication et de l’information.
L’on peut alors s’étonner de voir l’immense succès de l’iPhone ébranler la vie des gens quand en face une certaine catégorie de la jeunesse mondiale n’a jamais vu un ordinateur et ignore tout de ce que c’est qu’un téléphone mobile. Une étude belge menée par le Centre de recherche et d’information des organisations des consommateurs (CRIOC) en 2006 a montré que plus de 80% des jeunes belges âgés de 9 à 18 ans possède un GSM. En Afrique, le GSM est encore un luxe que ne peut s’offrir la plupart des jeunes, et même quand ils y arrivent c’est plus dans un certain conformisme étranger, un besoin de s’assimiler quelquefois au-delà de leurs moyens financiers que dans un esprit d’enrichissement personnel.
Ceci pour dire que la jeunesse africaine a du mal à s’approprier les NTIC et à participer par ricochet à la construction du « village global ». Il en va de même pour le « web 2.0 », une expression à la mode que l’on accroche à chaque propos pour faire chic, intelligent et branché. Cette jeunesse africaine est aujourd’hui spectatrice d’un monde qui est en train de bouger, et elle ne parvient pas à s’arrimer au train de la modernité à cause du gaspillage et de l’irresponsabilité des gouvernements. Et malgré la profusion des « blogs » qui montrent la soif des jeunes Africains à plus de démocratie participative, de libéralisation de l’opinion, d’exposition culturelle et de reconnaissance artistique, ils sont très peu à réellement tirer, en Afrique noire, avantage de cette révolution. Les atouts des NTIC ne sont finalement que modestement exploités. Tandis que dans certains pays à l’instar du Congo Brazzaville, du Gabon et du Cameroun, l’on a réduit considérablement la taxe sur les produits en rapport avec les NTIC (matériel informatique), on constate paradoxalement que ceux qui profitent des efforts gouvernementaux ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin. Le business des NTIC est devenu tellement juteux qu’il constitue, dramatiquement, l’une des sources de corruption des pays africains.
Dans les années 1990, bien avant l’hystérie que suscite l’iPhone, sous « l’impulsion des ONG internationales, l’Internet a été introduit en Afrique, ce qui concordait avec la concrétisation du processus de démocratisation dans la majeure partie des pays d’Afrique noire ». Il fallait absolument « pallier les difficultés des moyens de communication traditionnels tels que la route, la poste, le téléphone, etc. mais aussi ouvrir les cultures, les civilisations et les économies africaines à la mondialisation en soutenant le développement social ». Près de vingt ans après, le bilan est fortement mitigé, et la jeunesse de ces pays semble être au ban de son temps. Il est vrai que d’une part, il convient de se réjouir de la profusion des cybercentres, de la multiplication des instituts de formation professionnelle liés à l’innovation technologique, de la création des filières techniques, et de la vulgarisation - timide - de l’outil informatique dans les écoles primaires et secondaires. Mais également, d’autre part, l’on peut s’interroger sur les effets pervers de ces NTIC sur l’ensemble des jeunes Africains. Ces derniers ont tendance à l’acculturation au contact de ces nouveaux outils, à la déviance en voulant imposer à leur société des « acceptations » d’ailleurs, à l’usage plus immoral de ces armes, à trouver des moyens - fuyant l’oppression politique ou l’insupportable pauvreté - pour s’évader plus ou moins clandestinement vers l’Occident au travers des réseaux de prostitution. L’une des conséquences majeures de cet abus chez les jeunes est la recrudescence ces dernières années de l’adoption de comportements dangereux et criminels comme l’escroquerie ou l’arnaque sur le web.
L’iPhone porte la vision de ce siècle naissant, une vision de renouvellement incessant, de dépassement des limites et de refoulement de toutes les complexités. Un monde sans frontières, plein de créativité et d’audace. Un monde où la jeunesse africaine se doit de trouver sa place en mettant pleinement à profit les opportunités qu’offrent les NTIC. C’est de cette manière aussi qu’elle pourra peut-être atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement et relever le défi du millénaire.
En célébrant la journée mondiale de l’environnement, la communauté internationale confrontée à de multiples attentes de la part des populations de plus en plus alertes sur les questions environnementales, doit s’interroger aujourd’hui sur les moyens à apporter pour le renforcement des dispositions et des politiques de protection de l’environnement.
Or après le cinglant échec de la Conférence de Bali sur le changement climatique tenue en décembre 2007 et visant à élaborer une suite au Protocole de Kyoto qui prendra fin en 2012, l’on voit mal comment elle pourra dans les prochains mois donner un nouveau souffle à ce processus quasiment au point mort. Pendant près d’une semaine, toutes les attentions ont été emprisonnées à Rome où s’est tenu le sommet du FAO, les dirigeants du monde ont tenté de trouver des solutions à la crise alimentaire mondiale qui menace de déstabiliser des régions entières et de provoquer l’une des plus grandes famines de ce début de siècle. Ils ont tenté. Sans plus, sans moins. Cette journée mondiale aura été l’occasion de rappeler aux principaux acteurs – pollueurs - de la planète, leur responsabilité quant à la nécessité de parvenir à des accords sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la préservation des ressources naturelles et leur gestion rationnelle.
Il faut se souvenir que les changements climatiques sont l’un des facteurs déterminants dans la désertification, l’affaiblissement des agricultures dans les pays pauvres, la régularité des cyclones et la virulence des ouragans touchant principalement les régions d’Asie, d’Océanie et d’Amérique comme le récent cyclone Nargis en Birmanie dont le bilan ne cesse de s’alourdir. En effet, en gérant l’urgence à Rome les leaders mondiaux ont choisi de soigner les effets et non les causes. Le changement climatique est un problème de fond qui devrait constituer l’une des priorités de la communauté internationale. D’après le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), on estime que le changement climatique pourrait être à l’origine des bouleversements environnementaux, économiques et politiques majeurs au 21e siècle. Des inondations de plus en plus importantes, une sécheresse accrue et des incendies extrêmes, qui pousseront les populations à la migration. Ce qui aura un effet désastreux sur l’agriculture et la gestion des forets.
Avec le « petit » incident « nucléaire » survenu en Slovénie, l’Europe a montré que les craintes d’un accident nucléaire grave à la Tchernobyl ne sont pas totalement disproportionnées. Quand l’on sait les conséquences dramatiques dans le court comme dans le long terme, d’un tel accident sur les hommes et sur les écosystèmes, trouver une alternative au nucléaire est une question de survie pour l’ensemble de l’humanité. On pourrait en dire de même pour le pétrole qui atteint des sommets, encore inimaginables il y a peu de temps. Provoquant les angoisses que l’on connaît sur un avenir définitivement pris en otage par la préservation d’intérêts inavoués. La grogne des pêcheurs européens se joignant aux cris de détresse des paysans kenyans, thaïlandais et mexicains illustre le ras-le-bol général qui règne au sein de cette catégorie de personnes qui ne demande qu’à vivre décemment de leur travail.
La mode actuelle c’est de parler et de revendiquer « bio » et chacun de faire son « grenelle de l’environnement ». Si l’on peut se réjouir des progrès constatés dans l’éducation des masses aux questions environnementales : la nécessité d’appliquer au quotidien les règles de base pour réduire par exemple la consommation d’énergie et de l’eau, ou bien encore la pratique régulière du recyclage, l’utilisation des transports en commun pour les déplacements etc. Il convient de souligner que ces efforts aussi louables qu’ils puissent être, sans une révision des politiques énergétiques et une vulgarisation de nouvelles sources d’énergie dites propres, le monde ne vit que les débuts du pire. Et comme toute mode, la conscience verte vit son temps et finira un jour ou l’autre par lasser les populations qui en auront assez d’être les seules à payer l’ardoise lourde de l’immobilisme de la communauté internationale.
Ainsi, la journée mondiale de l’environnement montre que même si l’environnement hante l’actualité au point de faire croire aux gens que cette journée se fête tous les jours, il n’est pas encore pleinement incorporé dans l’élaboration des politiques nationales et régionales. Seule l’Union Européenne a lancé il y a quelques mois un plan historique sur la réduction des émissions de Co2. Un signe encourageant et significatif mais pour le moment incroyablement isolé.
Gérer la crise alimentaire en distribuant, honteusement, plus de 6 milliard de dollar, c’est faire semblant de croire que le problème se règlera aussi facilement. L’urgence ne devrait être qu’un prétexte pour pouvoir mettre sur la table les vraies questions et discuter des problématiques fondamentales pour notre planète.
La célébration de cette journée mondiale de l’environnement est intervenue à un moment crucial dans la prise de responsabilité des leaders mondiaux. D’un coté le baril de pétrole s’envole avec le pouvoir d’achat des populations et de l’autre on rend responsable les biocarburants de l’envolée des prix des matières premières agricoles, de plus en plus de personnes s’interrogent sur la place que l’on devrait accorder à la protection de l’environnement, devrait-elle se faire au détriment de l’autosuffisance alimentaire ? Une belle bataille qui a commencé à Rome et qui risque de durer longtemps. En attendant, des millions de personnes et des générations entières risquent d’être les prochaines victimes de l’inaction et des tergiversations de nos leaders.