L’échange de Clint Eastwood
Synopsis : Los Angeles, 1928. Un matin, Christine dit au revoir à son fils Walter et part au travail. Quand elle rentre à la maison, celui-ci a disparu. Une recherche effrénée s'ensuit et, quelques mois plus tard, un garçon de neuf ans affirmant être Walter lui est restitué. Christine le ramène chez elle mais au fond d'elle, elle sait qu'il n'est pas son fils...
L’échange (Changeling dans son titre original, très bien trouvé mais, étrangement, traduit, plutôt maladroitement d’ailleurs. On peut rappeler que le titre original fait référence au folklore européen, dans lequel « un changeling - ou changelin - est un leurre abandonné par les fées en échange de nouveau-nés enlevés à leurs parents »[1]. Un titre très symbolique donc, et tout à fait judicieux) est un drame, tiré d’une histoire vraie, racontant les désagréments d’une femme seule dont le fils a été kidnappé et qui doit se battre contre le système policier, corrompu et incompétent de Los Angeles. Clint Eastwood, qui n’en finit plus de tourner, généralement à notre plus grand plaisir, livre, cette fois-ci, un film maitrisé de bout en bout autour d’une reconstitution historique parfaite et magnifique et d’un drame captivant et bien mené. Tout en sobriété et classicisme, s’adaptant avec classe à l’époque, la mise en scène de Eastwood est convaincante. Elle s’appuie sur une photo très belle mettant en valeur, avec finesse, les costumes et les décors de l’Amérique des années 20 (les scènes dans le ranch sont absolument magnifiques). La musique réussie et appropriée, signée Eastwood lui-même, nous plonge dès le générique dans une ambiance particulière aux tonalités jazzy. Le scénario de Michael Staczynski arrange intelligemment le fil d’une histoire plutôt consistante et rend l’ensemble particulièrement fluide et envoûtant, tout du moins pendant la plus grande partie du film qui possède peut-être quelques minutes de trop. Toujours est-il que Changeling est une véritable réussite dans laquelle les acteurs sont tous brillants à commencer par Angelina Jolie, incarnant à merveille et avec crédibilité (physiquement comme psychologiquement) cette mère affligée mais décidée à se battre qui lui offre probablement son meilleur rôle au cinéma et qu’elle rend en incarnant un portrait de femme admirable, de même que les seconds rôles du plus connu (John Malkovich) aux moins connus (Michael Kelly, Jeffrey Donovan…).
La reconstitution de Los Angeles dans son contexte politique, social et juridique est l’une des grandes réussites de Changeling. La quête du fils disparu sera l’occasion de la remise en question d’un ordre établi, qu’il soit physique ou moral, déficient. Elle dénoncera les injustices mais plus profondément changera l’appréhension d’un système, de son fonctionnement et de son organisation ouvrant ainsi la voie à des questionnements et à des débats essentiels. Clint Eastwood va plus loin que la simple histoire policière en enrichissant thématiquement son film lui donnant ainsi une profondeur supplémentaire tout à fait intéressante.
Selon moi, l’un de ses meilleurs films si ce n’est son meilleur film des années 2000 pour le moment, même si il me faut probablement un peu plus de recul pour m’affirmer définitivement.
Titre : L’échange
Titre original : Changeling
Réalisateur : Clint Eastwood
Scénario : J. Michael Staczynski
Photographie : Tom Stern
Musique : Clint Eastwood
Format : Couleur
Genre : Drame
Durée : 141 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 2008
Distribution : Angelina Jolie, John Malkovich, Michael Kelly, Jeffrey Donovan, Jason Butler Harner
Le Liseur de Stephen Daldry
Synopsis : L'histoire d'un jeune étudiant en droit allemand découvrant, au lendemain de
6 ans après The Hours, Stephen Daldry s’attaque une nouvelle fois à l’adaptation d’un roman, cette fois-ci de Bernhard Schlink, intitulé The Reader (le titre français est extrêmement moche, j’ai peur qu’il ne soit pas très attrayant). Il relate, semble t’il avec fidélité (je ne l’ai pas lu), l’expérience amoureuse (et sexuelle) d’un adolescent allemand avec une femme bien plus âgée que lui à qui il fera la lecture d’œuvres littéraires tout à fait hétéroclites le temps d’un été, et qui s’avérera traumatisante lorsque ce dernier apprendra quelques années plus tard que cette même femme fut gardienne à Auschwitz durant la seconde guerre mondiale et participa plus ou moins directement aux crimes qui y furent perpétrés. Le film se décompose en 3 parties bien distinctes, autant de moments de la vie de cet homme dont l’aventure vécue durant quelques mois le marquera profondément. Les deux premières parties sont admirables, la liaison amoureuse qui lance le film est traitée avec brio, respirant de sincérité et de crédibilité et imposant intelligemment son cheminement. Elle est portée par un couple magnifique troublant de vérité avec d’un côté Kate Winslet – Hanna Schmitz – (en route vers l’oscar) incarnant une femme d’âge mûr, ordinaire, lucide mais insaisissable, et de l’autre David Kross – Michael Berg –, jeune adolescent, innocent, inexpérimenté mais enthousiaste. Une opposition qui offre un contraste saisissant et tout à fait passionnant. Leur performance est irréprochable et leur relation, ou plus précisément l’intensité de leur relation nous secoue particulièrement dans la deuxième partie du film, probablement la plus intéressante. Après une séparation brutale et inexpliquée, le jeune homme désormais étudiant en droit, retrouve Hanna lors d’un procès où celle-ci est accusée d’avoir participée à certains crimes nazis. A travers le regard de Michael, le réalisateur porte un regard atypique et sans compassion sur ces collaborateurs lambda plus ou moins actifs et conscients de leurs actes, nous interrogeant par là même aussi bien sur la responsabilité individuelle que sur la notion de justice. Mais il livre aussi un portrait d’homme profondément rongé et tourmenté par cette expérience qu’il n’assume pas et dont il n’arrivera pas à se défaire. La troisième partie fait un bond dans le temps et nous montre Michael adulte, incarné par Ralph Fiennes, à qui il incombe de mettre un terme à cette histoire jusque là presque parfaite. Malheureusement, elle s’éternise beaucoup trop, achevant lourdement son propos lors de nombreuses scènes et bien qu’émouvante demeure terriblement décevante. Je ne sais pas si la faute incombe au roman ou bien à ce qu’en a tiré Stephen Daldry, toujours est-il que cette fin laisse très sceptique. Un brin dommage tant les 2/3 tiers du film semblait préfigurer un très grand film, dans lequel la mise en scène s’efface habilement au profit de son histoire et de ses acteurs.
Titre : Le Liseur
Titre original : The Reader
Réalisateur : Stephen Daldry
Scénario : David Hare d’après le roman Bernhard Schlink
Photographie : Chris Menges, Roger Deakins
Musique : Alberto Iglesias
Format : Couleur
Genre : Drame
Durée : 124 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 2008
Distribution : Kate Winslet, Ralph Fiennes, David Kross
Nous, les vivants de Roy Andersson
Synopsis : Nous, les vivants parle de l'Homme, de sa grandeur et sa misère, sa joie et sa tristesse, sa confiance en soi et son anxiété. Un Homme dont nous voulons rire et pleurer à la fois. C'est tout simplement une comédie tragique ou une tragédie comique à notre sujet.
Nous, les vivants est un petit film suédois complètement atypique, rare, d’une originalité déroutante il faut bien le dire, tant par ce qu’il raconte que par sa mise en scène. Nous, les vivants ne raconte pas une histoire linéaire avec un début et une fin, mais « parle de ». C’est un film à saynètes (que l’on préfèrera à sketches) qui enchaîne, sans véritable lien entre elles, des scènes absurdes, grotesques, déroutantes mettant en scène des individus, des hommes dans tout ce que leur condition a de plus tragique. Si l’humour est omniprésent, par le ton décalé et déjanté, le fond du film est profondément sombre. Les décors dépeignent une misère et une pauvreté effarante, un milieu glauque, triste, apathique et déprimé. On se croirait en Union Soviétique il y a 50 ans, alors qu’il s’agit de
Si le parti pris absurde et l’humour décalé font leur effet, Nous, les vivants souffre assez considérablement de l’inégalité de ses saynètes. Il est difficile de réussir entièrement un film de ce genre tant il paraît ardu de captiver et de faire rire le spectateur sur l’ensemble de sa durée. Sa lenteur (1h30 de film que l’on sent bien passer) est par moment rédhibitoire, l’humour est trop souvent désamorcé par l’immobilité ou la passivité de certains passages. Le caractère humoristique du film qui doit captiver le spectateur s’efface progressivement au profit de sa tonalité tragique, ce n’est pas fondamentalement une mauvaise chose, seulement dans l’état cela ne sert pas le film.
Nous, les vivants est malgré tout un film audacieux, que l’on n’a pas l’habitude de voir sur nos écrans. Sa réussite, ne serait-ce que partielle, est déjà une bonne chose.
Titre : Nous, les vivants
Titre original : Du Levande
Réalisateur : Roy Andersson
Scénario : Roy Andersson
Photographie : Gustav Danielsson
Musique : Benny Andersson
Format : Couleur
Genre : Comédie dramatique
Durée : 94 min
Pays d'origine : Suède, Allemagne, France, Danemark, Norvège
Date de sortie : 2007
Distribution : Jessica Lundberg, Elisabet Helander, Björn Englund, Leif Larsson, Ollie Olsson, Eric Bäckman…
Synopsis : Boss Spearman, Charley Waite, Mose Harrison et Button mènent leurs troupeaux à travers les vastes plaines de l'Ouest. Les quatre hommes partagent une amitié basée sur un solide code d'honneur. Leur migration les conduit à Harmonville, un patelin sous la férule d'un shérif corrompu et d'un rancher tyrannique.
Boss et Charley se trouvent irrémédiablement entraînés vers une confrontation avec les dirigeants de la petite ville pour protéger la liberté et les valeurs rattachées à leur style de vie d'une autre époque. Dans la tourmente, la vie de Charley est bouleversée par sa rencontre avec Sue Barlow, une femme superbe et chaleureuse qui séduit à la fois son cœur et son esprit...
Acclamé par beaucoup comme le film réhabilitant le western, Open Range renoue avec les westerns d’antan quelque peu délaissés depuis un certain Impitoyable, et par la même, permet à Kevin Costner de nous livrer pour son troisième film son troisième western (si l’on considère le navet The Postman comme un western moderne ou post apocalyptique). Si Open Range est, heureusement pour nous, bien meilleur que ce dernier, ce n’est pas le chef d’œuvre, ou tout du moins l’excellent film, tant décrié. Sans renouveler le genre, Costner nous livre un film plein de sincérité et d’enthousiasme (peut-être trop d’ailleurs) dans lequel il s’applique le plus proprement possible à dépeindre une histoire, des hommes, des paysages (et des chiens…). Si son histoire tient sur deux lignes et ne révolutionne rien du tout, elle a au moins le mérite de brosser des portraits d’hommes, attachant et approfondis, notamment dans les relations qu’ils entretiennent entre eux. Costner prend soin de sa photographie, de ses plans, qu’il cadre très posément, surtout lorsqu’ils doivent mettre en valeur la beauté des paysages ou des animaux. On sent véritablement que Costner veut bien faire, comme toujours, mais cela lui fait franchir, par moment, un seuil dans le « mauvais goût » (seuil qu’il transgresse régulièrement dans The Postman). Il ne nous épargne donc pas quelques scènes au ralenti d’une rare subtilité, accentuées par une musique grandiloquente peu inspirée et une photo un peu trop rutilante, quelques dialogues un peu légers, une surdose de bon sentiments et surtout une admiration hallucinante pour les chiens qui devient assez ridicule. Cela dit, ces quelques défauts ne sont pas rédhibitoires, car ne sont finalement pas systématiques et s’effacent dans la seconde partie du film. Cette seconde partie gagne en profondeur, s’assombrit à l’image du climat et prépare un final attendu depuis les premières minutes. Et quel final ! C’est vraiment à ce moment là que le film balaie tous ses défauts tant l’ultime gun fight est sidérant. Maîtrise parfaite de la mise en scène, qui fait preuve d’inventivité et traite l’action avec virtuosité. La fusillade est à la fois très réaliste et crédible et dure et violente. Bref, une immense réussite. Si l’on peut être sceptique à propos du film ce n’est surement pas pour ce gun fight anthologique.
Open Range est un western tout à fait sympathique mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable, souffrant, à mon goût, de quelques défauts un peu trop gênant. Reste tout de même ce final extraordinaire.
Titre : Open Range
Titre original : Open Range
Réalisateur : Kevin Costner
Scénario : Craig Storper d’après une œuvre de Lauran Pain
Photographie : James Muro
Musique : Michael Kamen
Format : Couleur
Genre : Western
Durée : 140 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 2003
Distribution : Kevin Costner, Robert Duvall, Annette Bening, Diego Luna, Abraham Benrubi
Et au milieu coule une rivière de Robert Redford
Synopsis : L'histoire de deux frères, Norman et Paul Maclean, élevés au début du siècle sous le signe de la religion presbytérienne et de la pêche à la mouche, deux disciplines d'une égale rigueur qui façonneront leur vision du monde.
Le hasard a voulu que je regarde Et au milieu coule une rivière juste après Open Range et il est assez amusant de voir que leurs deux réalisateurs ont en commun ce même désir de sublimer leur pays pour nous en révéler l'immense beauté naturelle, au travers de ses paysages, des ses plaines ou de ses rivières, et ce même enthousiasme et cette même sincérité pour le dire et le montrer.
Robert Redford adapte une nouvelle autobiographique de Norman Maclean (joué par Craig Sheffer dans le film) qui lui tenait particulièrement à cœur et pour laquelle il s'efforce de nous montrer le plus fidèlement possible les décors sublimes du Montana. Sans déprécier le reste du film, sa plus grande qualité réside tout de même dans la beauté de sa photographie et la simplicité de sa mise en scène qui magnifie chaque décor et purifie son histoire.
L'histoire de la famille Maclean est une belle histoire tragique qui retrace la relation de deux frères que les choix de vie ont séparé mais qui se retrouvent le temps d'un été, et qui, malgré leur séparation, entretiennent des liens et une admiration réciproque encore très forts. Leur enfance et leur adolescence communes bercées par la religion et la pêche à la mouche (que l'un des frères pratique toujours avec talent) se rappellent à leurs bons souvenirs mais les choses ont aussi changé. Le scénario, plutôt conventionnel, a le mérite d'être très bien écrit et traité et surtout de rendre la pêche à la mouche véritablement attrayante. Les acteurs y sont tous très bons que ce soit Craig Sheffer (probablement son meilleur rôle au cinéma et le plus ambitieux), Brad Pitt ou Tom Skerritt.
Un beau film donc, à défaut d'être un chef d'œuvre. Mais c'est de toute évidence un beau film sans prétentions qu'a voulu réaliser Robert Redford. Si de mon côté j'ai apprécié cette mise en scène très classique, la photographie magnifique mettant en évidence des décors fabuleux et cette belle histoire fraternelle, je n'ai pas été ému ou emporté par le film qui pâtit un peu de son classicisme et de son manque d'audace.
Titre : Et au milieu coule une rivière
Titre original : A River runs through it
Réalisateur : Robert Redford
Scénario : Richard Friedenberg, d'après une nouvelle semi-autobiographique de Norman Maclean
Photographie : Philippe Rousselot
Musique : Mark Isham
Format : Couleur
Genre : Drame
Durée : 123 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 1992
Distribution : Brad Pitt, Craig Sheffer, Tom Skerritt, Brenda Blethyn, Emily Lloyd