Le Tartuffe (extrait)
L’amour qui nous attache aux beautés éternelles
N’étouffe pas en nous l’amour des temporelles ;
Nos sens facilement peuvent être charmés
Des ouvrages parfaits que le ciel a formés
Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles ;
Mais il étale en vous ses plus rares merveilles
Il a sur votre face épanchée des beautés
Dont les yeux sont surpris, et les cœurs transportés,
Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature,
Sans admirer en vous l’auteur de la nature,
Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint,
Au plus beau des portraits ou lui même il s’est peint
D’abord j’appréhendai que cette ardeur secrète
Ne fut du noir esprit une surprise adroite ;
Et même à fuir vos yeux mon cœur se résolut,
Vous croyant un obstacle à faire mon salut
Mais enfin je connus, o beauté toute aimable,
Que cette passion ne peut n’être point coupable,
Que je puis l’ajuster avec la pudeur,
Et c’est ce qui m’y fait abandonner mon coeur
Jean Baptiste Poclain
De Molière
Le poulain Balthazar (extrait)
- Ca allait très mal, expliqua-t-il. C’est Knipperdoli qui m’a tiré d’affaire. Juste comme on allait me condamner, la porte de la salle s’ouvre pour laisser entrer qui ? Knipperdoli et Balthazar. Tous ces messieurs étaient joliment étonnés ! Le juge agite sa sonnette et dit : « Je réclame un peu de silence !- et moi, s’écrie Knipperdoli, je réclame que, l’un après l’autre, vous regardiez ce cheval dans les yeux. » et il amène Balthazar à la ronde : d’abord au juge, puis au greffier, au garde forestier, au garde-chasse, au gendarme et à tous les spectateurs. « Celui qui est d’avis de liquider Balthazar, de le tuer, de mettre un terme à la vie de ce petit poulain, qu’il lève le bras ! » s’exclame Knipperdoli. Je vous le dis, personne n’a levé le bras, pas même le garde forestier, je suis obligé de le reconnaître. Le juge n’avait plus qu’à annoncer : « La cause est jugée, Messieurs » Il ferma les dossiers et dit : « Si personne n’y voit d’objection, le poulain Balthazar appartient au valet Natz et au petit Jeannot ». Le boucher n’était pas d’accord. Car, enfin, il avait payé trois cents marks pour le poulain, à ce qu’il disait. Mais Knipperdoli est généreux. Il tira son portefeuille et allongea cinq cents marks au boucher. « Et le retour gratuit, par-dessus le marché » ajouta Knipperdoli.
Heinrich Maria Denneborg
Le Pèlerin de Compostelle (extrait)
· Ce n’est pas un péché que d’être heureux. Une demi douzaine d’exercices et une écoute attentive suffisent à un homme pour qu’il parvienne à réaliser ses rêves impossibles. Parce que j’étais orgueilleux de ma sagesse, tu m’as fait parcourir le chemin que tous peuvent parcourir, découvrir ce que tout le monde saurait s’il prêtait un peu d’attention à la vie. Tu m’a fait voir qu la quête du bonheur est personnelle, et qu’il n’y a pas de modèle qu’on puisse transmettre aux autres. Avant de découvrir mon épée, j’ai du découvrir son secret – et il était tellement simple : il suffisait de savoir qu’en faire. Que faire d’elle et du bonheur qu’elle allait représenter pour moi.
· J’ai parcouru tous ces kilomètres pour découvrir des choses que je savais déjà, que nous savons tous, mais qu’il est difficile d’accepter. Quoi de plus difficile pour l’homme, Seigneur, que de découvrir qu’il peut atteindre le pouvoir ? Cette douleur que je sens maintenant dans ma poitrine, qui me ait sangloter et effrayer l’agneau, se produit depuis que l’homme existe. Peu nombreux sont eux qui ont accepter le fardeau de la victoire : la plupart ont renoncé à leurs rêves lorsque ceux-ci devenaient possibles. Le bon combat parce qu’ils ne savaient pas quoi faire de leurs propre bonheur, ils étaient prisonniers des choses du monde. Comme moi, qui voulais trouver mon épée sans savoir qu’en faire.
Paulo Coelho
Le Minotaure (extrait)
Oh ! vous qui m’êtes si chère, venez, oh ! Venez avec nous. Vous êtes trop généreuse et trop tendre pour que je vous laisse auprès d’un père dont l’âme est aussi impitoyable. Il ne tient pas plus à vous posséder qu’un rocher de granit ne se soucie de conserver la fleur délicate qui pousse dans ces crevasses. Mon père, le roi Egée, ma mère bien-aimée, Ethra tous les pères et toutes les mères d’Athènes, tous leurs fils et toutes leurs filles vous aimeront et vous honereront comme une bienfaitrice. Hâtez-vous, suivez-nous ; car rien ne calmera le courroux du roi Minos quand il appendra ce que vous avez fait…
« Non, Thésée ! je ne peux suivre vos pas ! Mon père est vieux, il n’a personne d’autre que moi pour l’aimer. Quelque dur que vous e croyiez, ce cœur se briserait en me perdant… ».
Nathaniel Hawthorne
Le Mari,
Un mari fort amoureux,
Fort amoureux de sa femme,
Bien qu’il fût jouissant, se croyait malheureux,
Jamais œillade de la dame,
Propos flatteurs et gracieux,
Mot d’amitié, ni doux sourire,
Déifiant le pauvre sire,
N’avaient soupçonner qu’il fut vraiment chéri
Je le crois, c’était un mari
Il ne tint point à l’hyménée
Que content de sa destinée
Il n’en remercia les dieux ;
Mais quoi ? si l’amour n’assaisonne
Les plaisirs que l’hymen nous donne,
Je ne vois pas qu’on soit mieux
Notre épouse étant de la sorte bâtie,
Et n’ayant caressé son mari de sa vie,
Il en faisait sa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance
La pauvre femme eut si grand’ peur
Qu’elle chercha quelque assurance
Entre les bras de son époux
Ami voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux
Me serait inconnu. Prends donc en récompense
Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance ;
Prends le logis aussi. Les voleurs ne sont pas
Gens honteux, ni forts délicats :
Celui-ci fit sa main
J’infère de ce conte
Que la plus forte passion
C’est la peur : elle fait vaincre l’aversion
Et l’amour quelquefois ; quelquefois il la dompte ;
J’en ai pour preuve cet amant
Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame
L’empotant à travers a flamme
J’aime assez cet emportement ;
Le conte m’en a plu toujours infiniment ;
I est bien d’une âme espagnole,
Et plus grande encore que folle
Jean de