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l'entreconnaissance

essai Abraham-Ibrahim Publié le Mardi 2 Septembre 2014 à 08:36:02

André Angsthelm

Grenoble, le 2 septembre 2014.

Madame, Monsieur,

Connaissant votre intérêt pour les relations islamo-chrétiennes, je prends la liberté de

m’adresser à vous comme me l’a suggéré mon ami le Père Vincent Feroldi.

Avec trois autres co-auteurs, nous avons rédigé un essai collectif qui rend compte de

plusieurs années de dialogue entre des chrétiens et des musulmans au sein du groupe

Jasmin. Ce travail s’organise autour de la figure d’Abraham dans la Bible et le Coran.

Nous voulons croire qu’il rencontrera un accueil favorable auprès des milieux qui vous

sont proches.

Nous vous assurons, Madame, Monsieur, de nos respectueuses salutations.

André Angsthelm

 

Le groupe Jasmin Grenoble, le 2 septembre 2014

ou huit années de dialogue islamo-chrétien

André Angsthelm-Bogaert

Leila Bousquet,

Pierre Cabanac

Jacqueline Cabanac-Guillaume

ABRAHAM - IBRAHIM

Madame, Monsieur,

Nous vous présentons notre essai « Abraham-Ibrahim » qui rend compte d’un dialogue islamo-chrétien vécu huit années durant à Grenoble.

Face aux crispations identitaires que connaissent chrétiens et musulmans dans la société française, nous sommes convaincus que notre travail devrait être reçu comme un témoignage de confiance et d’espérance.

Au groupe Jasmin, il a été possible, avec hardiesse et humilité mais aussi cordialité et humour, de se plonger ensemble dans nos Ecritures respectives ! Chacun apprenait ainsi à découvrir les Textes des autres et en retour à mieux goûter ses propres Textes.

Une rencontre fortuite à l’Université de Grenoble fut à l’origine du groupe. Nous étions une quinzaine de musulmans et de chrétiens très divers tant par l’âge que par le niveau de connaissance des Ecritures.

Dans cet essai nous avons alterné exposés et débats en tentant de conserver la spontanéité et la vivacité de ceux-ci. Des nombreuses figures étudiées durant ces huit années, nous avons retenu celles de l’Abraham biblique et de l’Ibrahim coranique.

Nous serions heureux de vous compter parmi les lecteurs de ABRAHAM – IBRAHIM !

Notre quatuor de co-auteurs comprend

Jacqueline et Pierre, protestants, Leïla, musulmane et André, catholique

 

 

Nom, prénom :

Adresse :

Code postal : Commune :

Tél : …………………mail : ………………

commande de …… exemplaire(s) de l’essai Abraham-Ibrahim à 12€ (frais d’envoi inclus)

soit un chèque de ……… €

à adresser à : André ANGSTHELM, 358 chemin de terre rouge. CIDEX 7140. 30250. LECQUES

(tél. 04.66.77.79.23. - andre.lecques@yahoo.fr)

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Publié le Mardi 2 Septembre 2014 à 08:31:46

Ce que l'on trouve dans l'ordinateur portable

d'un membre de l'État islamique

Harald Doornbos et Jenan Moussa

Traduit par Mélissa Bounoua et Jean-Marie Pottier

http://www.slate.fr/story/91569/ordinateur-portable-membre-etat-islamique

30.08.2014

Nos partenaires de Foreign Policy ont réussi à accéder au contenu du disque dur d'un djihadiste: des fatwas, des documents de propagande, des manuels mais aussi des instructions sur la fabrication d'armes biologiques.

Antioche (Turquie)

 

Abu Ali, officier d'un groupe modéré de rebelles du nord de la Syrie, nous montre fièrement un ordinateur portable noir recouvert pour partie de poussière. «Nous l'avons récupéré cette année dans un repaire de l'État islamique», explique-t-il.

Il raconte que les combattants de l'organisation connue auparavant sous le nom d'EIIL s'étaient tous enfuis avant que lui et ses hommes n'attaquent le bâtiment. L'opération a eu lieu en janvier dans un village de la province syrienne d'Idlib, proche de la frontière turco-syrienne, dans le cadre plus large d'une contre-offensive contre l'État islamique:

«Nous avons trouvé l'ordinateur et son cordon d'alimentation dans une pièce. Je l'ai emmené avec moi. Mais je ne sais pas s'il fonctionne toujours ou s'il contient quoi que ce soit d'intéressant.»

Nous avons allumé l'ordinateur, de marque Dell, et effectivement, il marchait. Il n'y avait pas besoin d'un mot de passe. Mais s'est produit alors une grosse déception: quand nous avons cliqué sur «Mon ordinateur», tous les dossiers se sont affichés comme vides.

Les apparences peuvent se révéler trompeuses. En y regardant de plus près, l'ordinateur de l'État islamique n'était pas vide du tout: bien cachés dans les «fichiers masqués», on trouvait 146 GB de données, soit un total de 35.347 fichiers dans 2.367 dossiers. Abu Ali nous a autorisés à copier tous ces fichiers, rédigés en français, anglais et arabe, sur un disque dur externe.

Le contenu de l'ordinateur se révèle être une mine de documents fournissant des justifications idéologiques aux organisations djihadistes, ainsi que de conseils pratiques sur la façon de mener des actions meurtrières. On y trouve des vidéos d'Oussama ben Laden, des manuels de fabrication de bombes, des instructions sur la façon de voler une voiture ou de se déguiser pour éviter d'être arrêté en voyageant d'un bastion djihadiste à un autre.

«Des armes pas chères, pour un bilan humain énorme»

Mais après plusieurs heures passées à faire défiler ces documents, il s'est avéré que cet ordinateur contenait autre chose que la propagande et les manuels pratiques classiquement utilisés par les djihadistes. Les documents suggèrent en effet que son propriétaire, un Tunisien nommé Mohammed S., se formait sur le tas à l'utilisation d'armes biologiques, dans l'idée de planifier une attaque qui choquerait la planète.

Il a rejoint l'État islamique en Syrie après avoir étudié la physique et la chimie dans deux universités du nord-est de la Tunisie, une formation dont il entendait se servir dans un but inhabituel: l'ordinateur contient un document de 19 pages sur la manière de développer des armes biologiques, et notamment de convertir en arme la peste bubonique qui frappe les animaux. «L'avantage des armes biologiques est qu'elles ne coûtent pas cher, pour un bilan humain qui peut être énorme en terme de victimes», explique le document, qui inclut également des instructions permettant de tester l'arme de manière sécurisée avant de l'utiliser dans le cadre d'une attaque terroriste. «Quand le microbe est injecté à une petite souris, les symptômes de la maladie doivent apparaître dans les 24 heures.»

L’ordinateur inclut aussi 26 pages de fatwa –ou règle islamique– sur l’usage des armes de destruction massive. «Si les musulmans ne peuvent venir à bout des kafir [les non-croyants] d’aucune autre manière, il est permis d’utiliser les armes de destruction massive», dit la fatwa de l’imam saoudien Nasir al-Fahd, actuellement emprisonné en Arabie Saoudite. «Même si cela les tue et les fait disparaître, eux et leur descendance, de la surface de la Terre.»

Contactée par téléphone, une représentante d’une université tunisienne listée sur les copies d’examen de Mohammed confirme qu’il a bien étudié la chimie et la physique là-bas. Elle affirme que l’université a perdu sa trace après 2011.

Puis, sans qu’on s’y attende, elle demande: «Est-ce que vous avez trouvé ses copies en Syrie?» Lorsqu’on lui demande pourquoi elle penserait que les affaires de Mohammed auraient atterri en Syrie, elle répond: «Si vous avez plus de questions le concernant, vous devriez demander aux services de sécurité tunisiens.»

Un nombre impressionnant de Tunisiens ont afflué sur les champs de bataille syriens depuis que la révolte a commencé. En juin, le ministre de l’Intérieur tunisien a estimé qu’au moins 2.400 combattaient dans le pays, la plupart au sein de l’EIIL.

Ce n’est pas la première fois que des djihadistes essaient d’obtenir des armes de destruction massive. Même avant les attaques du 11-Septembre, al-Qaida avait fait des expériences avec un programme d’armes chimiques en Afghanistan. En 2002, CNN s’était procuré une vidéo montrant des membres d’al-Qaida testant du gaz empoisonné sur trois chiens. Tous sont morts.

«Produire ces armes est tout à fait possible»

Rien sur l’ordinateur d’EIIL, bien sûr, ne laisse penser que les djihadistes possèdent déjà ces armes dangereuses. Et toute organisation djihadiste qui envisagerait une attaque terroriste avec des armes chimiques devrait faire face à plusieurs difficultés: al-Qaida essaie depuis des années de mettre la main sur ce type d’armes, sans succès; les Etats-Unis consacrent d’importants moyens à empêcher les terroristes d’y arriver. Les documents trouvés sur cet ordinateur rappellent cependant que les djihadistes travaillent dur à se procurer ces armes qui leur permettraient de tuer des milliers de personnes d’un seul coup.

«La vraie difficulté pour toutes ces armes [...] est d’avoir un système de distribution qui fonctionne et tuera de nombreuses personnes», souligne Magnus Ranstorp, directeur du centre de recherches sur les menaces asymétriques du National Defence College en Suède. «Mais produire ces armes inquiétantes est tout à fait possible au sein de l’EIIL.»

Les progrès de l’État islamique ces derniers mois lui ont fourni la capacité à développer de telles armes, dangereuses et à la pointe de la technologie. Les membres du djihad ne combattent plus seulement en première ligne, ils contrôlent aussi des zones importantes en Syrie et en Irak.

La crainte est désormais que les hommes comme Mohammed puissent travailler dans l’ombre, loin des lignes de front, à développer des armes chimiques ou biologiques –à l’université de Mossoul, contrôlée par l’EIIL, par exemple, ou dans un laboratoire de la ville de Racca en Syrie, devenue de facto la capitale du groupe.

 

Pour résumer, plus longtemps le califat existera, plus il y aura de chances que ses membres ayant une éducation scientifique mettent au point quelque chose d’horrible. Les documents trouvés sur l’ordinateur de ce djihadiste tunisien ne laissent aucun doute sur les ambitions mortifères du groupe. «Utilisez des petites grenades contenant un virus et jetez-les dans des endroits clos comme les métros, les stades de football ou les salles de concert», indique un document de 19 pages sur les armes chimiques. «Le mieux est de le faire près de l’air conditionné. Vous pouvez aussi l’utiliser lors d'opérations suicides.»

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Publié le Mardi 2 Septembre 2014 à 08:28:29
En Algérie, du 27 au 29 octobre prochain, un congrès international féminin, "Parole aux femmes", organisé par AISA ONG internationale, de la voie soufie Alawiyya, dont le maître spirituel est le cheikh Khaled Bentounès.



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Publié le Mardi 2 Septembre 2014 à 08:25:08

Gilles Kepel : « L'Iran pourrait redevenir

le gendarme du Moyen-Orient »

LE MONDE | 01.09.2014

| Propos recueillis par Gaidz Minassian et Nicolas Weill

 

Gaza, Irak, Syrie, l'été a été meurtrier au Moyen-Orient. Pourquoi ?

Gilles Kepel : Nous assistons à la remise en cause du Moyen-Orient, tel qu'il est sorti des accords Sykes-Picot à l'issue de la première guerre mondiale. Les frontières tracées par les Anglais et les Français après le démembrement de l'Empire ottoman ont été un facteur de stabilité. Ces frontières, contestées par les nationalistes arabes, n'en ont pas moins favorisé des systèmes d'équilibre, le maintien de dictatures et l'absence de démocratisation. Mais elles avaient aussi empêché le chaos qui règne aujourd'hui. La naissance encore fragile d'un Kurdistan est un signe patent de la rupture de l'équilibre né des accords Sykes-Picot, puisqu'ils l'avaient exclu.

Quelle pourrait être la nouvelle puissance qui émergerait de ce chaos ?

Ce qui se passe en Irak, à Gaza ou en Syrie s'inscrit dans le processus de réintégration ou non de l'Iran dans la stratégie moyen-orientale. Aussi bien l'attaque israélienne contre Gaza que l'offensive de l'Etat islamique en Irak se comprennent à partir de ce contexte. Si l'Iran, une fois aboutie la négociation sur le nucléaire et du moins conduit par une direction fréquentable, se voit réintroduit dans le concert des nations, cela veut dire que Téhéran pourra redevenir le gendarme de la région qu'il était avant 1979. Ce pays de 80 millions d'habitants dispose de la bureaucratie étatique nécessaire et surtout de la classe moyenne qui a résisté aux tribulations du régime. S'il rentre dans le jeu, l'équilibre régional en sera modifié – en premier lieu la relation privilégiée que les Etats du Golfe ont construite avec les Etats-Unis, mise à mal depuis le 11-Septembre. Si l'Iran revient, l'osmose américano-israélienne n'aura plus la même qualité.

Mais le Moyen-Orient aura-t-il la même importance ?

Non. Il faut tenir compte de la perte de sa centralité dans la production énergétique mondiale. Désormais, les Etats-Unis sont exportateurs de gaz de schiste et n'ont plus besoin de l'énergie en provenance du Moyen-Orient. Israël est producteur de gaz en Méditerranée et devrait devenir lui aussi exportateur. Pour les Etats-Unis, dans une stratégie à long terme où la part du Moyen-Orient dans la production d'énergie mondiale va décliner, la question se pose de savoir si leur forte présence militaire vaut toujours la peine.

Ne serait-il pas plus opportun de s'en remettre à une politique de sous-traitance à des gendarmes ? D'autant plus que, en Irak comme à Gaza, la domination occidentale a été mise à mal en termes militaires. En Israël non plus on n'a pas réussi à détruire significativement l'arsenal du Hamas et, surtout, ce dernier a réussi, comme naguère le Hezbollah, à trouver le défaut de la cuirasse : creuser des tunnels, tuer les soldats, envoyer des missiles. La solution du tout-technologique qui assurait la supériorité de l'Occident a fait apparaître des fissures dont se servent ses adversaires.

« Bordure protectrice » menée par Israël contre Gaza s'insère-t-elle dans ce nouveau paysage ?

Bien sûr. Des gens proches des cercles militaires israéliens m'ont assuré qu'ils avaient poussé M. Nétanyahou à accepter le gouvernement de coalition palestinien (Fatah/Hamas), estimant qu'il représentait un interlocuteur valable. Le premier ministre israélien l'a refusé pour des raisons électorales. Les opposants à cette reconnaissance faisaient observer que le Hamas, comme le Hezbollah, conserverait son armée et que le mouvement islamique au pouvoir à Gaza gagnerait sur tous les tableaux. Le Hamas comme le Hezbollah sont considérés comme les deux bras armés de l'Iran dans la région. Il fallait donc au préalable détruire l'arsenal du Hamas et affaiblir du même coup l'axe iranien. Le résultat n'a pas été à la hauteur de ses attentes.

En quoi l'offensive de l'Etat islamique en Irak entre-t-elle dans le cadre de l'antagonisme entre l'Iran et les autres puissances de la région ?

Pour les Arabes du Golfe, l'hégémonie de Téhéran est un scénario de cauchemar. Turcs, Qatariens, Saoudiens ont vu dans l'Etat islamique le levier qui allait leur permettre d'en finir avec Bachar Al-Assad, allié de l'Iran. Le monstre qu'ils ont enfanté leur fait peur désormais.

Plus inquiétant, ce phénomène est devenu une sorte de grand récit dominant dans le monde sunnite. L'immense majorité des sunnites contre l'Etat islamique est bien en peine de lui opposer un autre grand récit aussi mobilisateur.

Qu'est-ce qui distingue l'Etat islamique d'Al-Qaida ?

Al-Qaida fonctionne selon un modèle pyramidal où les exécutants sont sacrifiés sans réfléchir, le tout étant financé par Ben Laden et ses successeurs.

L'Etat islamique préfère responsabiliser et substituer à la pyramide, que l'ennemi peut détruire, un modèle en réseau. On endoctrine et on forme militairement les individus. Avec une priorité sur l'Europe occidentale où l'on cherche à fomenter des situations de guerre civile.

Mais ce terrorisme non structuré est poreux à la manipulation par les services secrets. Très tôt, l'Etat islamique a été infiltré par les services syriens, selon un modèle tout droit sorti des manuels de contre-insurrection russes qui consiste à inoculer le djihad à l'intérieur de la rébellion pour le faire exploser.

L'Etat islamique a ainsi bénéficié de la mansuétude du régime de Damas, qui ne s'en est jamais pris à ses positions. Cela permettait à Bachar Al-Assad de montrer que, si le bilan du régime syrien n'était pas brillant, en face de lui, il y avait des monstres. En somme, l'Etat islamique est le rejeton de l'alliance hybride entre deux camps ennemis.

Ne s'est-il pas autonomisé par rapport à ses parrains « apprentis sorciers » ?

On ne connaît pas bien le fonctionnement de l'Etat islamique. Parfois les considérations idéologiques paraissent l'emporter, comme dans le cas des persécutions de chrétiens et des yézidis – qui risquaient de mobiliser l'Occident, alors que ces minorités ne représentent aucun danger sérieux. Cela a obligé en tout cas les Qatariens et les Saoudiens à se dissocier de l'Etat islamique, sans être crédibles.

Quelles sont les répercussions que cette recomposition chaotique peut avoir en Europe ?

Il me paraît impossible de penser les problèmes sociaux qui agitent la société française indépendamment de ces bouleversements. Il faut compter avec le phénomène nouveau et inquiétant des jeunes djihadistes français qui partent sur les fronts irakien et syrien et reviennent en Europe. Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche en sont des illustrations françaises. Mais le jeune rappeur anglais qui aurait décapité le journaliste James Foley en serait aussi une vision effrayante.

L'histoire de l'empire colonial fait partie de la nôtre comme de celle du Maghreb. Les élites maghrébines qui ont pris le pouvoir après les indépendances, tout comme les élites issues du gaullisme, ont vécu sur l'illusion que chacun pouvait vivre de son côté. C'est faux ! Nous continuons d'être interpénétrés. Il faut arriver à penser cette interpénétration, faute de quoi elle reviendra sous la forme du « retour du refoulé » salafiste et magique.

Dans « Passion arabe », puis dans « Passion française », vous avez tourné votre regard d'orientaliste sur les banlieues et la population originaire des pays arabes. Quelle est votre lecture des manifestations de cet été en solidarité avec Gaza et des débordements qui les ont accompagnées ?

Ces manifestations ont été marquées par la confusion des genres. Traditionnellement, ces manifestations étaient l'apanage de l'extrême gauche. Pour la première fois, elles ont été débordées par des groupes islamistes dont certains étaient djihadophiles. Dans la manifestation du 9 août à Paris, on a entendu des slogans qui allaient de « Jean Moulin, résistance » à « Hamas résistance », jusqu'à « Djihad résistance ».

Il y a des risques que cette évolution prenne une dimension sociale. L'expression de la solidarité avec les Palestiniens est légitime – tout comme il est légitime que d'autres en démocratie expriment leur solidarité avec Israël. Mais ce qui est nouveau, c'est qu'on a vu des associations islamistes locales marcher à côté des groupes issus de la filière d'extrême droite Soral-Dieudonné : à preuve, ces missiles Kassam en carton brandis dans les manifestations par des gens qui faisaient la quenelle.

On voit bien comment cette nouvelle idéologie d'extrême droite mêle à la fois l'antisémitisme traditionnel et une judéophobie issue de la vision salafiste du monde. Ce mélange, cette confusion populiste, qui est aussi l'expression d'une souffrance sociale, constitue aujourd'hui un problème majeur.

Pourquoi, à votre avis, la souffrance sociale se traduit-elle par un raidissement communautaire ?

Les groupes salafistes dans les quartiers se renforcent en miroir aux mouvements juifs les plus rigoristes. La rupture communautaire s'affiche avec l'ultraorthodoxie juive et, dans la tête des salafistes, on s'imagine que c'est cela qui permet aux juifs d'être puissants et respectés. Ils estiment que « les Arabes » ayant joué le jeu de l'assimilation en sont les grands perdants. L'exacerbation du halal se construit selon le mode du casher.

Comment faire pour déminer le mélange explosif que vous décrivez ?

On peut penser qu'il est au moins possible d'éviter la balkanisation de la société française. Dès que des incidents se produisent, on fait venir les représentants des cultes musulman, juif. C'est une erreur. Car nous disposons dans les assemblées de la République de milliers d'élus de confession musulmane. Des élus qui certes ont les rapports les plus divers à leur foi – du plus grand rigorisme à l'indifférence. De même y a-t-il des élus d'origine juive.

Même si ceux-ci n'ont pas été élus sur cette base-là, ils n'en sont pas moins issus de cette diversité. Pourquoi n'avons-nous pas recours à eux ? Tous les conseils municipaux des villes populaires comportent des personnalités représentatives de la diversité, à la fois assez sensibles aux aspirations du milieu dont elles proviennent mais parties prenantes du pacte républicain et de la machine politique française. Certes, le culte a le droit de s'exprimer. Mais la représentation nationale donne une image plus fidèle du « pays réel ».

N'y aurait-il pas également des modèles alternatifs au salafisme émanant du monde arabe lui-même ?

L'enjeu principal pour la France se trouve au Maghreb. Un dixième de la population tunisienne vit en France (600 000 à 1 million, clandestins compris). On compte au Parlement tunisien dix députés élus par les Tunisiens de France.

Or, pour la première fois dans un pays du Maghreb, un gouvernement n'a pas construit sa légitimité sur la lutte contre le colonialisme français mais sur la lutte contre un dictateur issu de l'indépendance. Cela permet à la Tunisie d'avoir une relation beaucoup plus décontractée avec la France, car celle-ci prend mieux en compte la réalité des flux économiques, migratoires. Elle est donc plus porteuse d'avenir. Cela explique aussi pourquoi, de tous les Etats secoués par les révolutions arabes, la Tunisie est le seul à ne pas se retrouver dans un état catastrophique. Une classe moyenne à cheval sur les deux rives de la Méditerranée a réussi à y prendre en main le destin du pays, y compris dans une formation islamiste comme Ennahda.

 

Puisqu'on est en peine de contre-modèle, l'évolution de la Tunisie, toutes proportions gardées, est suffisamment rare et positive pour qu'on l'encourage.

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Publié le Samedi 30 Août 2014 à 10:54:37

L’Etat islamique ou les chevaliers de l’apocalypse djihadiste

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Jean-Pierre Filiu
Universitaire

Publié le 29/08/2014

La violence extrême du monstre djihadiste tient largement aux convictions apocalyptiques de nombre de ses recrues. Ce monstre a réussi à imposer au monde entier l’appellation qu’il s’est choisi d’Etat islamique (EI), alors qu’il n’est pas un Etat, mais une machine de guerre, et que sa doctrine totalitaire menace avant tout les musulmans.

A la différence d’Al Qaeda, la base de l’EI, à défaut de sa hiérarchie, est portée par des croyances millénaristes à l’impact dévastateur.

On a désormais des dizaines de témoignages de « volontaires » étrangers de l’EI qui révèlent leur angoisse, mais aussi leur exaltation à l’approche de la fin des temps. Le « pays de Cham », cette Grande Syrie des géographes, est en effet, tout comme l’Irak, la terre privilégiée de l’accomplissement de ce type de prophéties.

Apocalypse de la terreur

L’Ultime Bataille, celle qui verra dans un effroyable bain de sang la victoire des Fidèles, y sera menée. Une telle apocalypse de la terreur est évoquée comme imminente sur les réseaux sociaux. C’est même un argument martelé pour inciter à rejoindre sans tarder les troupes du « calife » Baghdadi, car la participation à cette Bataille vaudra mille combats moins auréolés de gloire eschatologique.

Cette redoutable collusion entre la technologie moderne et les superstitions les plus obscurantistes est encore mieux illustrée par le titre même du magazine de l’EI en langue anglaise. Cet organe de propagande s’appelle en effet Dabiq. Il a vite supplanté dans les rédactions occidentales la publication Inspire d’Al Qaeda pour la péninsule arabique (AQPA), la branche yéménite d’Al Qaeda.

»

Dabiq comme Inspire avant lui offrent en effet l’avantage de fournir sans filtre linguistique des éléments que l’on croit précieux pour la compréhension de la mouvance djihadiste. Tout en mettant en garde contre le danger de telles publications, les journalistes qui leur consacrent des articles assurent ainsi le relais des thèses djihadistes.

Le même phénomène d’écho s’est produit avec les vidéos de massacres diffusées par l’EI, et reprises dans le monde entier avec les avertissements d’usage.

Tradition prophétique

 

Mais revenons à Dabiq qui, à la différence de Inspire, est un titre un peu obscur. Dabiq est physiquement une localité du nord de la Syrie, enjeu de combats acharnés entre les révolutionnaires anti-Assad et les djihadistes de l’EI.

Les partisans de Baghdadi, qui en avaient été expulsés au début de cette année, ont repris à la mi-août le contrôle de cette localité stratégique sur la route entre Alep et la Turquie, alors que l’attention du monde entier était concentrée sur le nord de l’Irak.

Au-delà de cet enjeu militaire, Dabiq est mentionnée dans une tradition prophétique particulièrement populaire chez les djihadistes comme le théâtre de la bataille décisive entre les musulmans et les « Roum », littéralement les Romains, en fait les Byzantins (au temps de Mohammed). Les « Roum » sont aujourd’hui dans la propagande djihadiste les « Croisés » et les Occidentaux en général.

En attendant l’« Heure dernière »

Voici la traduction libre que je vous propose de ce « hadith » (tradition) de Dabiq, tirée de la compilation dite « authentique » (Sahih) d’Abou al-Hussein Muslim, un des traditionnistes les plus respectés au IXe siècle. Je précise que ce « hadith » a été cité fréquemment dans les discours djihadistes, y compris par Abou Moussab al-Zarqaoui, le mentor de Baghdadi, tué dans un bombardement américain en Irak en 2006.

« L’Heure dernière n’arrivera pas avant que les Byzantins n’attaquent Dabiq. Une armée musulmane regroupant des hommes parmi les meilleurs sur terre à cette époque sera dépêchée de Médine pour les contrecarrer. Une fois les deux armées face à face, les Byzantins s’écrieront : “Laissez-nous combattre nos semblables convertis à l’islam.”

Les Musulmans répondront : “Par Allah, nous n’abandonnerons jamais nos frères.”

Puis la bataille s’engagera. Un tiers s’avouera vaincu ; plus jamais Allah ne leur pardonnera. Un tiers mourra ; ils seront les meilleurs martyrs aux yeux d’Allah. Et un tiers vaincra ; ils ne seront plus jamais éprouvés et ils conquerront Constantinople. »

Les Byzantins sont donc les Infidèles au sens large et Constantinople la ville qui sera la cible de la terreur des Fidèles (je vous laisse choisir une cité européenne).

Les Byzantins modernes viendront traquer les volontaires djihadistes, que Baghdadi refusera de livrer, d’où l’affrontement. La Médine de 2014 est Mossoul où le « califat » de l’EI a été proclamé en juin dernier.

 

Je crains d’être malheureusement obligé de revenir bientôt sur les dérives apocalyptiques du monstre djihadiste.

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