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Sur la route des étoiles

chronique d'une mère endeuillée

. Publié le Mercredi 21 Juillet 2010 à 17:04:44

NOTRE COUPLE MAINTENANT

 

J’ai dix années de plus que mon mari.

Nous avons toujours été un couple en opposition ; nos avis divergent souvent mais nous arrivons cependant à  trouver des consensus ou des statu quo. Nous ne faisons qu’un en cas de gros problèmes. Nous sommes unis.

Curieusement, immédiatement après la mort de Julien, l’incompréhension la plus totale est survenue entre nous.  Les conversations les plus anodines tournaient mal : chaque mot, chaque phrase prononcée par l’un et par l’autre était un début d’incendie qu’il fallait éteindre.

Le  décalage qui jusque-là ne s’était pas fait sentir, est apparu : mon mari étt toujours en activité, il devait se concentrer sur son métier, se contenir ; il avait des périodes de répits. Et moi seule à la maison, moi qui commençais ma nouvelle vie de retraitée, je pleurais toute la journée, je hurlais de douleur devant la photo de mon fils ; alors le soir lorsqu’il rentrait, après douze heures de solitude, je voulais parler, parler, parler, toujours de la même chose. Quand je pleurais devant lui, il ne disait rien ; il partait dans une autre pièce me laissant seule avec ma détresse. Lui aussi pleurait, mais jamais devant moi.

Il n’est pas difficile de comprendre dans cette triste expérience de la vie, que l’homme et la femme sont vraiment deux êtres différents et qu’ils ne vivent pas leurs détresses et leurs angoisses à l’identique. Grâce à l’aide précieuse de ma psychothérapeute, j’ai réussi aujourd’hui, deux ans après, à gérer le décalage dans notre douleur, ma détresse, mes pleurs.

J’ai découvert aussi que mes priorités d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Je passe sur les petits soucis et les petites choses qui ne sont plus pour moi des préoccupations, mais simplement des diverticules, car la vie n’est pas toute droite ; par contre, je ne sais plus me taire face à l’hypocrisie, le mensonge et l’indifférence et je « dis ».

Je respecte le chagrin de mon mari, face à la mort de son seul enfant biologique, cette disparition qui lui a enlevé toute envie de s’élever plus haut, sauf de le rejoindre.

Il y a quelque temps, il m’a dit : « je n’ai plus peur de la mort et lorsque je partirai ce ne sera pour moi que du bonheur car je reverrai mon fils ».

Il est devenu très taciturne et pense beaucoup moins aux gestes tendres, aux petites attentions qui vous mettent du baume au cœur ; les compliments sont devenus rares.  J’ai souffert de cela mais plus maintenant car j’ai compris que sa douleur inhibe tout ; son visage est fermé, il ne sourit plus et lorsque je le regarde, je ne vois que son grand corps courbé par la souffrance.

Il vit par raison et ne supporte plus la solitude.

Moi, j’attends patiemment qu’il avance et qu’un jour l’on se retrouve comme autrefois.

Je ne désespère pas de le réconcilier avec la vie.

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. Publié le Mercredi 21 Juillet 2010 à 17:05:28

NOTRE NOUVELLE VIE

 

Tout a changé.

Mon mari a démissionné de son travail trois mois après la mort de Julien. Il ne pouvait plus assumer sa fonction de manager dans une entreprise américaine. La pression était trop forte pour lui. Il voyageait beaucoup ; il était absent souvent plusieurs jours et aussi bien pour lui que pour moi, cela devenait insupportable ; nous avions besoin l’un de l’autre, encore plus qu’avant.

Je n’ai jamais tenté de l’influencer sur sa carrière parce qu’elle lui appartient d’une part et d’autre part parce que c’est un leader-né qui a toujours atteint les sommets qu’ils s’étaient fixés, en espérant toujours en gravir de plus hauts, mais un jour lorsqu’il m’a dit « Je n’ai plus le feu sacré. Je ne veux pas devenir médiocre aussi je préfère partir. Je ferai autre chose ailleurs. Je dois tout changer. Je ne peux pas continuer de vivre comme si rien ne s’était passé », je n’ai pas essayé d’aller à l’encontre de sa décision parce que j’avais pensé à cette solution sans jamais lui en parler.

A partir de cet instant, il a fallu agir :

En premier lieu, quel serait le nouveau métier de mon mari ? Tout y est passé, en partant du petit commerce jusqu’au rachat d’une société. Au final, mon mari est devenu diagnostiqueur immobilier après être retourné à « l’école » pendant plus de 6 mois et passé ses certifications.

En juin 2008, son activité a commencé avec la crise. Aujourd’hui, c’est d’être loin d’être facile car tout est bloqué et actuellement, en parallèle, il doit exercer un second métier qui lui permet d’avoir un salaire.

Nos ressources ne sont plus les mêmes. Nous vivons simplement et à l’opposé de notre vie d’ «avant », sans regrets, car nous avons gagné en qualité de vie. Le stress a disparu. Nous sommes devenus calmes, presque sereins, mais ce ne sera jamais pleinement, car Julien n’est plus là.

Où ? :

Devenus propriétaires indivis du terrain de notre fils en Bourgogne, nous avons décidé de faire construire sur celui-ci lorsque notre maison de la région parisienne sera vendue ; là aussi la crise a son effet et nous attendons des jours meilleurs dans ce domaine.

En attendant, Nathalie et son mari Noël, nous ont trouvés une petite maison en location dans laquelle nous nous sentons bien, dans leur village, près d’eux et de Julien. Lorsque le besoin se fait sentir, je vais sur sa tombe et souvent, en fonction du temps, je m’assois sur la pierre et je reste là, immobile, les yeux fermés, à humer l’air et prendre le soleil. Il y a toujours un papillon qui tourbillonne autour de moi. Il se pose sur les fleurs, part, revient pour aller ensuite visiter une autre tombe. Je me dis : « C’est lui ; il sait que je suis là. » Je lui parle et pleure aussi quelquefois. Lorsque je le quitte, je me sens apaisée. C’est bientôt l’hiver, je ne pourrai plus rester longtemps car il fera trop froid.

Dans ma vie de tous les jours, je n’ai plus certaines commodités « des temps modernes » par manque de place mais je me suis bien faite à ce retour en arrière qui quelquefois me faire rire mais me fait grogner aussi car je suis devenue tributaire du temps pour étendre le linge et plongeuse trois fois par jour pour la vaisselle.

Nous avons d’excellentes relations de voisinage et, dans le village, nous croisons souvent des personnes qui nous sourient et d’autres qui nous saluent sans que nous les connaissions ; souvent je me dis que ce sont des patients de Julien. Tout le monde connaît notre histoire et nous nous devons d’être agréables à leur égard car ils nous apportent beaucoup de chaleur.

Mon mari, dans son nouveau métier, a beaucoup de contacts dans le département ou ceux limitrophes et bien souvent notre nom de famille provoque des réactions telles que : « vous êtes de la famille du kiné qui s’est tué en moto ?» ou bien « nous connaissions votre fils »…

Je ne suis absolument pas prisonnière de mon passé ; je m’adapte sans acidité, sans rancœur et je me dis toujours que Julien, de là-haut, nous envoie l’air frais venu de l’ailleurs qui nous encourage dans notre nouvelle vie.


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. Publié le Mercredi 21 Juillet 2010 à 17:05:54

LA PSYCHOTHERAPIE


Un mois environ avant la mort de Julien, un grand mal être s’est installé dans mon corps et mon esprit. C’était une sensation étrange et inexplicable que je n’avais jamais ressentie de ma vie.
J’ai donc consulté mon médecin. Tout allait cliniquement bien par contre le moral était au plus bas.
Un anti dépresseur léger m’a été prescrit. Etait-ce le fait de ne plus travailler et de réorganiser ma nouvelle vie qui m’avait rendue dans cet état ? Je ne sais pas. En tout cas, j’avais décidé de consulter une psychothérapeute à la rentrée de septembre pour extirper mes émotions et les dénis que j’avais en moi depuis plusieurs années.
Le destin a fait que j’ai eu un premier rendez-vous bien plus tôt que prévu grâce à ma fille Nathalie qui, devant le désastre qui venait de s’abattre sur notre famille,  a contacté une grande spécialiste du deuil.

Trois jours après les obsèques de notre fils, je me suis retrouvée avec mon mari devant Nadine BEAUTHEAC.

J’ai raconté notre histoire. Mon mari ne parlait pas, tétanisé par sa souffrance. Moi c’était le contraire. Un seul mot de la part de Nadine et je partais dans une très longue discussion. Elle était obligée de m’arrêter. Elle regardait souvent mon mari qui ne réagissait pas. Elle lui posait quelques questions auxquelles il avait bien du mal à répondre et puis, soudain, vers la fin de l’entretien, il s’est mis  à parler. Elle l’avait sorti de sa torpeur.

Je pensais qu’il continuerait mais sa thérapie s’est arrêtée à la fin de cette première consultation.

Assidûment, depuis fin août 2007, je rencontre Nadine. Chaque séance est un pas pour moi vers le « mieux ». Je lui livre mon âme sans détours. Je vais jusqu’au bout de moi-même. Il m’arrive d’être en colère contre l’injustice qui a frappé notre fils et contre ceux que je pense être les instigateurs, sans le vouloir, de sa mort. Par ses mots, je me recadre toute seule : ma colère tombe et le négatif disparaît. Elle m’a appris à  analyser tout ce que je ressens. Je dépèce mes sentiments.

Dans mon malheur, j’ai la chance d’être suivie par cette grande dame, reconnue en tant que telle dans l’accompagnement du deuil en France. Elle a écrit plusieurs ouvrages dans ce domaine et a été bénévole dans plusieurs associations dont « VIVRE SON DEUIL » à la suite de la perte de son enfant et de son mari quelques années plus tard, bouleversant sa vie ; je pense que c’est la raison pour laquelle elle apporte tant aux endeuillés, car elle sait.

Un jour, je mettrai le mot STOP à ma thérapie sans employer celui de FIN car je ne sais pas comment je réagirai lorsque je ne la rencontrerai plus.

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. Publié le Mercredi 21 Juillet 2010 à 17:06:21

 

LES GROUPES D’ENTRAIDES

 

En plus de mes séances de psychothérapie, quelques mois après, j’ai intégré un groupe d’entraide à « APPRIVOISER L’ABSENCE » animé par des parents endeuillés et des psychothérapeutes.

C’est un moment d’écoute et d’échanges qui permet à chaque personne présente du groupe de briser sa solitude dans le deuil.

Nous ne sommes pas obligés de parler mais curieusement chacun arrive à raconter son histoire.

Je m’étais engagée moralement à assister à toutes les séances car c’est important pour le groupe qui doit rester soudé ; je n’ai pas tenu cet engagement parce que j’ai déménagé à 200 kilomètres de la région parisienne. Je pensais vraiment que la distance ne serait pas un handicap. Hélas si. Et je le regrette car par mon absence, je n’ai pas pu bénéficier de l’intérêt  du groupe jusqu’au bout et j’ai fragilisé le cercle.

Les campagnes et les petites villes ont une grande méconnaissance de ces associations qui apportent un grand soutien aux endeuillés. J’aimerais en créer une dans la région ou bien être le porte parole d’une existante.

Faut-il encore vouloir s’épancher ? Je rencontre des personnes que je sais endeuillées et qui ne parlent jamais de leur détresse. Bien sûr, il y a la religion qui est, pour certaines personnes, un refuge.

Je suis devenue amie avec une religieuse depuis le décès de Julien ; celle-ci a préparé avec d’autres personnes la cérémonie des obsèques de notre fils et un lien s’est tissé entre nous. Nous nous voyons souvent et parlons à cœur ouvert de nos ressentis : elle, est habitée par la foi, et moi, je suis croyante un peu pratiquante mais je m’aperçois que dans ce drame, j’ai perdu certaines convictions parce que je suis devenue plus curieuse et que les réponses que l’on me donne à la suite de questions bien précises ne me satisfont pas.

Pourquoi tous ces drames sur cette terre qui frappent toujours les innocents, les pays les plus pauvres et les enfants ?

Pourquoi tant d’injustices ?

Je n’engage que moi dans cette réflexion.

Je constate aussi que « l’impersonnel » est de mise également dans la religion catholique que je pratique, ne serait-ce que dans le déroulement des offices à l’égard de nos défunts que nous demandons pour chacun d’eux ? Une multitude de personnes décédées sont citées au cours de ces messes sans laisser vraiment le choix aux familles et aux amis venus tout spécialement, de s’exprimer. J’ai donc bousculé le protocole et quelque temps avant la messe du premier anniversaire de sa mort, j’ai fait part que je ferai lors de celle-ci, la lecture d’un message que j’avais préparé. J’ai été questionnée parce que cela ne se fait pas vraiment ; j’ai pu le lire. Il y a eu beaucoup d’émotion dans l’assistance. Mais je sais que je ne changerai pas les choses.

Ma foi serait elle amputée ?

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. Publié le Mercredi 21 Juillet 2010 à 17:06:46

L’IRRATIONNEL

 

Je ressens Julien souvent. Est-ce le fruit de mon imagination ? Je ne me pose pas la question.

Il m’arrive de dialoguer avec lui ; je lui parle souvent à voix haute lorsque je suis seule, sinon par la pensée. Je pense entendre sa voix qui est autre que celle qu’il avait lorsqu’il était vivant. Quelquefois je lui demande de m’envoyer un souffle sur mon visage : je tends ma joue… j’attends….  Je navigue avec l’irrationnel.

Je fais partie de ces endeuillés qui essaient de retrouver un contact avec l’être cher disparu ; cela  permet de vaincre la tristesse et le vide qui est en nous.

J’essaie l’écriture automatique qui est, semble t’il, une pratique très ancienne. C’est très troublant, ce crayon dans ma main qui se déplace sans que je le commande et transcrit une drôle d’écriture attachée qui me donne des messages de Julien. J’y crois. Le contact avec mon fils est immédiat. Il me dit qu’il veille sur ceux qu’il aime, qu’il est près de nous à chaque instant et qu’il ne faut pas être triste car cela l’empêche de s’élever ; que là haut, tout est bonheur et douceur.

Non ! Le malheur ne me fait pas divaguer car je suis très claire dans mes idées.

Cela peut faire sourire. Chacun a ses croyances et ses idées reçues.

C’est un moyen dont je n’abuse pas car je ne veux pas perdre contact avec le monde qui m’entoure et tout contrôle avec la réalité. C’est pourquoi je reste lucide, j’analyse et je prends du recul. Je ne veux en aucune façon devenir dépendante.

Mon mari ne fait rien de tout cela ; il veut avancer seul, comme toujours. Alors je n’en parle pas.

Depuis sa mort, nous avons reçu des signes de notre fils :

Un soir, mon mari, seul dans le salon, assis dans le canapé à regarder la télévision, m’appelle et me dit :

« Il n’y a aucune fenêtre d’ouverte, aucun courant d’air et je viens de recevoir un souffle sur mon visage ; ce ne peut être que Julien ». Pourtant très cartésien de nature, il n’a pas cherché une seule seconde une autre explication.

Quant à moi, j’ai eu souvent l’impression qu’une main frôlait mes épaules ou qu’une ombre apparaissait dans l’embrasure d’une porte…. et bien d’autres choses encore. La première perception m’a fait frémir.  

Et puis, ce drôle d’air que j’ai entendu souvent et qui ne ressemble à aucune musique….

Le temps passe et les manifestations s’espacent. Cela veut-il dire que notre fils s’élève et qu’il  atteindra bientôt le firmament ? Peut être que dans quelque temps nous nous recevrons plus rien et que je n’arriverai plus à le joindre par le biais de l’écriture automatique ?

On me dit toujours qu’il faut laisser les morts tranquilles : je le pense et je souhaite respecter leur repos éternel. Je n’irai donc plus très loin dans ce domaine pour lui et pour ne pas me perdre.

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