Pauvre Lune !
A force de tours dans l'espace,
En des séjours trop nébuleux,
Nul ne peut se voiler la face :
En vérité, c'est
Un soir de gala sur Pluton,
Ivre, qui lui rasa la tête
Pour se faire un joli chignon.
Depuis ce temps, la malheureuse
Ne sort plus que de temps en temps.
Plus les étoiles sont moqueuses,
Et plus ses soucis vont … croissant.
Mais Lune, nous, sur Terre, on t'aime
Car de ta faucille d'argent,
Tu nous cueilles mille poèmes,
Aux prés fleuris du firmament.
Alain Gautron
L'important, c'est …
Il se nommait
En possédait le teint, la candeur et le charme.
Aimable de surcroît, toujours de bonne humeur,
Pourtant, le croirez-vous,
En le voyant passer, surtout les demoiselles,
Chacun se retournait, ravi, comme envoûté.
« Quel garçon merveilleux ! me confia l'une d'elles,
Fasse le ciel qu'un jour il me vienne arrêter ! »
Je dus la détromper : il n'arrêtait personne.
Et d'ailleurs, à quoi bon ? Pour lui faire plaisir,
On respectait la loi. Je sais, cela étonne,
Mais lorsque tout va bien, rien ne sert de sévir.
Les conducteurs pressés réduisaient leur vitesse
En le saluant bas, et les truands locaux
Pour ne pas le froisser, se rendaient à la messe,
Jurant de s'amender, repentants et penauds.
Lui récitait des vers, juché sur son vélo,
Allant de-ci de-là par les champs et la ville,
Prodiguant à chacun gentillesse et bon mot.
Ainsi vivait-on là bienheureux et tranquille.
Quand cet état de fait s'étala dans la presse,
Lors d'une grande fête on le félicita,
Mais son ministre lui souffla que ses prouesses
Ne remplissaient en rien les caisses de l'Etat :
« Vous n'êtes point payé pour être philanthrope ! »
Mais lui n'écoutait pas : une belle aux yeux verts
Fendait vers lui la foule. Il sourit : « Calliope ! »*
Ils se prirent la main, il y eut un éclair.
A la seconde même ils avaient disparu.
On ne les revit pas, mais depuis cette affaire,
Il court une rumeur que, d'un air entendu,
On évite les roses en certains ministères !
*Muse de la poésie
Alain Gautron
Vive
Prosterne-toi, ô cœur fidèle !
Il est venu, l'instant sacré,
Celui de
Voici
Selon le rite et en musique,
Le Grand Maître va révéler
En paraboles cathodiques,
Comment tu dois vivre et penser.
Finis le doute, les errances.
Sur lui tu peux te reposer.
Dès le matin de ta naissance,
Le Maître est là pour te guider.
Il sait le Bien, il sait le Beau.
Point de salut hors son modèle,
Mais s'il cajole son troupeau,
Sache qu'il pourfend l'infidèle !
Garde-toi de désobéir,
Suis la foule, calme et docile.
Il exaucera tes désirs,
Avec lui, tout sera facile.
A toi l'éternelle jeunesse,
Le pouvoir sans effort demain,
La séduction, la richesse,
Grâce au dernier … rasoir à main !
Lumineuse philosophie !
Amour sacré du verbe AVOIR
Et toujours PLUS, à la folie,
Notre seul guide et notre espoir !
Aussi, bon Maître, dors tranquille,
Nous serons de bons citoyens,
Consommateurs zélés, serviles,
Mais surtout, reviens-nous demain !
Alain Gautron
Petit bonheur
Désireux de t'offrir, sachant ton coeur morose,
Quelque présent d'amour délicat mais concret,
J'optai pour un écrit fleurant bon un secret
Aussi doux que zéphyr quand il berce la rose.
Heureux, je déposai près de ta porte close
Mon cher petit bonheur, tel un parfum discret,
Mais l'autan, ce fripon, par un soudain décret,
D'un tourbillon sournois subtilisa ma prose.
Je la vis tournoyer tout là-haut dans les cieux
Et le coquin brandir mon cadeau précieux
Puis, tombant à genoux, le tendre à son amie.
Interdit, médusé, le souffle suspendu,
Alors que je pestais, fustigeais l'infamie ...
Ton sourire au balcon d'un coup m'a tout rendu !
AG