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Aristote - la vertu - EC1 n°10 Publié le Samedi 26 Septembre 2009 à 11:48:26

Aristote, Ethique à Nicomaque


La vertu

 

Ainsi donc, la vertu est une disposition à agir d'une façon délibérée consistant en un juste milieu relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l'homme prudent Mais c'est un juste milieu entre deux vices, l'un par excès et l'autre par défaut; et: c'est encore un juste milieu en ce que certains vices sont au-dessous, et d'autres au-dessus du "ce qu'il faut" dans le domaine des affections aussi bien que des actions, tandis que la s vertu, elle, découvre et choisit la position moyenne.

C'est pourquoi dans l'ordre de la substance et de la définition exprimant la quiddité la vertu est un juste milieu, tandis que dans l'ordre de l'excellence et du parfait, c'est un sommet.

Mais toute action n'admet pas le juste milieu, ni non plus toute affection, car pour certaines d'entre elles leur seule dénomination implique immédiatement la perversité, par exemple la malveillance, l'impudence, l'envie, et, dans le domaine des actions, l'adultère, le vol, l'homicide ces affections et ces actions, et les autres de même genre, sont toutes, en effet, objets de blême parce qu'elles sont perverses en elles-mêmes, et ce n'est pas seulement leur excès ou leur défaut que l'on condamne. Il n'est donc jamais possible de se tenir à leur sujet dans la voie droite, mais elles constituent toujours des fautes. On ne peut pas non plus, è l'égard de telles choses, dire que le bien ou le mal dépend des circonstances, du fait, par exemple, que l'adultère est commis avec la femme qu'il faut, à l'époque et de la manière qui conviennent, mais le simple fait d'en commettre un, quel qu'il soit, est une faute. Il est également absurde de supposer que commettre une action injuste ou lâche ou déréglée, comporte un juste milieu, un excès et un défaut, car il y aurait à ce compte-là un juste milieu d'excès et de défaut, un excès d'excès et un défaut de défaut Mais de même que pour la modération et le courage il n'existe pas d'excès et de défaut du fait que le moyen est en un sens un extrême ainsi pour les actions dont nous parlons il n'y a non plus ni juste milieu, ni excès, ni défaut, mais, quelle que soit la façon dont on les accomplit, elles constituent des fautes: car, d'une manière générale, il n'existe ni juste milieu d'excès et de défaut, ni excès et défaut de juste milieu.

 

 

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Platon - l'âme - EC1 n°9 Publié le Vendredi 11 Septembre 2009 à 09:53:05
Platon - l'âme
Phédon

XXVII. — Ne disions-nous pas aussi tantôt que, lorsque l'âme se sert du corps pour considérer quelque objet, soit par la vue, soit par l'ouïe, soit par quelque autre sens, car c'est se servir du corps que d'examiner quelque chose avec un sens, elle est alors attirée par le corps vers ce qui change ; elle s'égare elle-même, se trouble, est en proie au vertige, comme si elle était ivre, parce qu'elle est en contact avec des choses qui sont en cet état ?

— Certainement.

— Mais lorsqu'elle examine quelque chose seule et par elle-même, elle se porte là-bas vers les choses pures, éternelles, immortelles, immuables, et, comme elle est apparentée avec elles, elle se tient toujours avec elles, tant qu'elle est seule avec elle-même et qu'elle n'en est pas empêchée ; dès lors elle cesse de s'égarer et, en relation avec ces choses, elle reste toujours immuablement la même, à cause de son contact avec elles, et cet état de l'âme est ce qu'on appelle pensée.

— C'est parfaitement bien dit, et très vrai, Socrate, repartit Cébès.

— Maintenant, d'après ce que nous avons dit précédemment et ce que nous disons à présent, à laquelle des deux espèces te semble-t-il que l'âme est le plus ressemblante et plus proche parente ?

— Il me semble, Socrate, répondit-il, que personne, eût-il la tête la plus dure, ne pourrait disconvenir, après ton argumentation, que l'âme ne soit de toute façon plus semblable à ce qui est toujours le même qu'à ce qui ne l'est pas.

— Et le corps ?

— Il ressemble plus à l'autre espèce.

XXVIII. — Considère encore la question de cette façon. Quand l'âme et le corps sont ensemble, la nature prescrit à l'un d'être esclave et d'obéir, à l'autre de commander et d'être maîtresse. D'après cela aussi, lequel des deux te paraît ressembler à ce qui est divin et lequel à ce qui est mortel ? Mais peut-être ne crois-tu pas que ce qui est divin est naturellement fait pour commander et pour diriger, et ce qui est mortel pour obéir et pour être esclave ?

— Si, je le crois.

— Alors auquel des deux ressemble l'âme ?

— Il est évident, Socrate, que l'âme ressemble à ce qui est divin et le corps à ce qui est mortel.

— Examine à présent, Cébès, reprit Socrate, si, de tout ce que nous avons dit, il ne résulte pas que l'âme ressemble de très près à ce qui est divin, immortel, intelligible, simple, indissoluble, toujours le même et toujours semblable à lui-même, et que le corps ressemble parfaitement à ce qui est humain, mortel, non intelligible, multiforme, dissoluble et jamais pareil à soi-même. Pouvons-nous alléguer quelque chose contre ces raisons et prouver qu'il n'en est pas ainsi ?

— Non.

XXIX. — Alors, s'il en est ainsi, n'est-il pas naturel que le corps se dissolve rapidement et que l'âme au contraire soit absolument indissoluble ou à peu près ?

— Sans contredit.

— Or, tu peux observer, continua-t-il, que lorsque l'homme meurt, la partie de lui qui est visible, le corps, qui gît dans un lieu visible et que nous appelons cadavre, bien qu'il soit naturellement sujet à se dissoudre, à se désagréger et à s'évaporer, n'éprouve d'abord rien de tout cela et reste comme il est assez longtemps, très longtemps même, si l'on meurt avec un corps en bon état et dans une saison également favorable ; car, quand le corps est décharné et embaumé, comme on fait en Égypte, il demeure presque entier durant un temps infini, et même quand il est pourri, certaines de ses parties, les os, les tendons et tout ce qui est du même genre, sont néanmoins presque immortels. N'est-ce pas vrai ?

— Si.

— Peut-on dès lors soutenir que l'âme, qui s'en va dans un lieu qui est, comme elle, noble, pur, invisible, chez celui qui est vraiment l'Invisible, auprès d'un dieu sage et bon, lieu où tout à l'heure, s'il plaît à Dieu, mon âme doit se rendre aussi, que l'âme, dis-je, pourvue de telles qualités et d'une telle nature, se dissipe à tous les vents et périsse en sortant du corps, comme le disent la plupart des hommes ? Il s'en faut de beaucoup, chers Cébès et Simmias ; voici plutôt ce qui arrive. Si, en quittant le corps, elle est pure et n'entraîne rien du corps avec elle, parce que pendant la vie elle n'avait avec lui aucune communication volontaire et qu'au contraire elle le fuyait et se recueillait en elle-même, par un continuel exercice ; et l'âme qui s'exerce ainsi ne fait pas autre chose que philosopher au vrai sens du mot et s'entraîner réellement à mourir aisément, ou bien crois-tu que ce ne soit pas s'entraîner à la mort ?

— C'est exactement cela.

— Si donc elle est en cet état, l'âme s'en va vers ce qui est semblable à elle, vers ce qui est invisible, divin, immortel et sage, et quand elle y est arrivée, elle est heureuse, délivrée de l'erreur, de la folie, des craintes, des amours sauvages et de tous les autres maux de l'humanité, et, comme on le dit des initiés, elle passe véritablement avec les dieux le reste de son existence. Est-ce là ce que nous devons croire, Cébès, ou autre chose ?

— C'est cela, par Zeus, dit Cébès.

 

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S. Thomas - création - EC1 n°8 Publié le Vendredi 11 Septembre 2009 à 09:11:45
S. Thomas - création
Somme théologique I
 

QUESTION 44: LA CAUSE PREMIÈRE DES ÊTRES

1. Dieu est-il la cause efficiente de tous les êtres? 2. La matière première est-elle créée par Dieu, ou bien est-elle un principe en liaison et à égalité avec lui? 3. Dieu est-il la cause exemplaire des choses, ou y a-t-il d'autres exemplaires que lui? 4. Est-ce lui qui est la cause finale des choses?

 

 

 

ARTICLE 1: Dieu est-il la cause efficiente de tous les êtres?

Objections:

1. Il ne semble pas nécessaire que tout être ait été créé par Dieu. Car rien n'empêche qu'une chose se rencontre sans qu'elle ait en elle ce qui n'appartient pas à sa définition, comme un homme qui n'aurait pas la blancheur. Mais le rapport d'effet à cause ne semble pas appartenir à la définition des êtres, puisque certains êtres peuvent se comprendre indépendamment de ce rapport. Ils peuvent donc exister sans elle. Donc rien n'empêche que certains êtres n'aient pas été créés par Dieu.

2. Si un être a besoin d'une cause efficiente, c'est pour exister. Donc ce qui ne peut pas ne pas être n'a pas besoin de cause efficiente. Mais aucun être nécessaire ne peut pas ne pas exister, parce que ce qui est nécessaire ne peut pas ne pas être. Donc, puisqu'il y a beaucoup de réalités nécessaires dans les choses, il semble que tous les êtres n'existent pas à partir de Dieu.

3. Quelle que soit la cause d'un être, elle peut lui servir de principe de démonstration. Mais en mathématiques les démonstrations ne se font pas par la cause efficiente, selon Aristote. Donc tous les êtres n'existent pas à partir de Dieu comme par leur cause efficiente.

Cependant:

il est dit dans la lettre aux Romains (11, 36): "Tout est de lui, par lui et en lui."

Conclusion:

Tout être, de quelque manière qu'il existe, existe nécessairement par Dieu. Car si un être se trouve dans un autre par participation, il est nécessaire qu'il y soit causé par ce à quoi cela revient par essence; par exemple, le fer est porté à incandescence par le feu. Or, on a montré précédemment, en traitant de la simplicité divine, que Dieu est l'être même subsistant par soi. Et l'on a montré ensuite que l'être subsistant ne peut être qu'unique; par exemple si la blancheur subsistait en elle-même, elle serait forcément unique, puisque les blancheurs ne sont multiples que par les sujets qui les reçoivent. Il reste donc que tous les êtres autres que Dieu ne sont pas leur être, mais participent de l'être. Il est donc nécessaire que tous les êtres qui se diversifient selon qu'ils participent diversement de l'être, si bien qu'ils ont plus ou moins de perfection, soient causés par un unique être premier, qui est absolument parfait.

C'est ce qui a fait dire à Platon qu'avant toute multiplicité il faut poser l'unité. Et Aristote affirme que ce qui est souverainement être et souverainement vrai est cause de tout l'être et de tout le vrai, comme ce qui est chaud au maximum est cause de toute chaleur.

Solutions:

1. Bien que la relation d'un être à sa cause n'entre pas dans sa définition, elle est pourtant une conséquence de ce qui appartient à sa notion; car, du fait qu'une réalité est un être par participation, elle est causée par un autre Aussi une telle réalité ne peut exister sans être causée, comme l'homme ne peut exister sans avoir la faculté de rire. Mais parce que être causé n'appartient pas à la pure notion d'être, il se trouve un être qui n'est pas causé.

2. Cet argument a poussé certains à prétendre que ce qui est nécessaire n'a pas de cause, comme le rapporte Aristote. Mais cela apparaît manifestement faux dans les sciences qui procèdent par démonstration, dans lesquelles des principes nécessaires sont causes de conclusions également nécessaires. Aussi Aristote affirme-t-il qu'il y a des êtres nécessaires qui ont une cause de leur nécessité. Si une cause efficiente est requise, ce n'est pas seulement parce que l'effet pourrait ne pas exister, mais parce que l'effet n'existerait pas s'il n'y avait pas de cause. Car cette proposition conditionnelle est vraie, que son antécédent et son conséquent soient possibles, ou impossibles.

3. Les êtres mathématiques sont considérés comme abstraits selon la raison, bien qu'ils ne soient pas abstraits dans leur être. Or, il convient à tout être d'avoir une cause agente pour autant qu'il a l'être. Donc, bien que les êtres mathématiques aient une cause agente, ce n'est pas selon la relation qu'ils ont à cette cause agente qu'ils sont considérés par le mathématicien. Et c'est pourquoi, dans les mathématiques, on ne démontre rien par la cause agente.

 

 

 

ARTICLE 2: La matière première est-elle créée par Dieu?

Objections:

1. Il ne semble pas. Car tout ce qui devient est composé d'un substrat et de quelque chose d'autre, dit Aristote. Mais la matière première n'a pas de substrat. Donc elle ne peut pas avoir été faite par Dieu.

2. Activité et passivité sont antagonistes. Mais, de même que le premier principe actif est Dieu, ainsi la matière est le principe ultime de passivité. Donc Dieu et la matière première sont deux principes opposés, et aucun des deux n'existe par l'autre.

3. Tout agent produit un effet qui lui ressemble. Ainsi, puisque tout agent agit en tant qu'il est en acte, il s'ensuit que tout ce qui est fait doit être d'une certaine manière en acte. Mais la matière première, en tant que telle, est seulement en puissance. Il est donc contraire à la notion de matière première d'avoir été faite.

Cependant:

S. Augustin écrit: "Tu as fait deux choses, Seigneur; l'une est proche de toi", c'est l'ange; "et l'autre est proche du néant", c'est la matière première.

Conclusion:

Les anciens philosophes sont entrés progressivement et comme pas à pas dans la connaissance de la vérité. Au début, étant encore grossiers, ils n'accordaient d'existence qu'aux corps perceptibles aux sens. Ceux qui admettaient le mouvement de ces corps ne le considéraient que selon des dispositions accidentelles comme la rareté et la densité, l'attraction et la répulsion. Et comme ils supposaient que ces corps avaient une substance incréée, ils attribuaient diverses causes à ces transformations accidentelles, comme l'amitié, la discorde, l'intelligence, etc.

Progressant au-delà, d'autres distinguèrent par la pensée la forme substantielle et la matière, qu'ils estimaient incréée; et ils découvrirent que les transmutations des corps se faisaient selon les formes essentielles. Et ils leur attribuaient des causes plus universelles, comme le mouvement du soleil le long de l'écliptique selon Aristote, ou les idées pour Platon.

Mais il faut remarquer que la forme donne à la matière sa spécificité, de même qu'un accident qui s'ajoute à une substance spécifique lui donne un mode d'être particulier, ainsi à l'homme d'être un blanc. Les uns et les autres considèrent donc l'être sous un angle particulier, soit en tant qu'il est celui-ci, soit en tant qu'il est tel. Et c'est ainsi qu'ils attribuèrent aux choses des principes d'action particuliers.

Mais d'autres allèrent plus loin et s'élevèrent jusqu'à la considération de l'être en tant qu'être, et ils considérèrent la cause des choses non seulement selon qu'elles sont celles-ci ou qu'elles sont de telle sorte, mais en tant qu'elles sont des êtres. Donc ce qui est cause des choses en tant qu'elles sont des êtres doit être leur principe, non seulement selon qu'elles sont telles par leurs formes accidentelles, ni selon qu'elles sont cellesci par leurs formes substantielles, mais encore selon tout ce qui appartient à leur être, de quelque façon que ce soit. Et c'est ainsi qu'il faut affirmer que même la matière première est créée par la cause universelle des êtres.

Solutions:

1. Dans ce texte, le Philosophe parle du mode particulier de devenir, qui fait passer d'une forme à une autre, qu'elle soit accidentelle ou substantielle. Mais nous parlons maintenant des choses selon leur émanation à partir du principe universel de l'être. Or, de cette émanation, la matière elle-même n'est pas exclue, bien qu'elle le soit du premier mode de production.

2. La passivité dépend de l'activité. Aussi est-il logique que le principe ultime de passivité soit l'effet du principe ultime d'activité; car l'imparfait a toujours le parfait pour cause. Il faut en effet que le premier principe, d'après Aristote, soit absolument parfait.

3. Cet argument ne prouve pas que la matière ne serait pas créée, mais qu'elle n'est pas créée sans forme. Car, bien que tout ce qui est créé soit en acte, il n'est pas acte pur. Aussi faut-il que tout ce qui est en lui principe passif soit créé, si tout ce qui appartient à son être est créé.

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S. Augustin - Confessions - EC1 n°7 Publié le Vendredi 11 Septembre 2009 à 09:10:31

Saint augustin, Confessions, livre X

 

 

CHAPITRE VI: CE QU’IL SAIT AVEC CERTITUDE, C’EST QU’IL AIME DIEU.

8. Ce que je sais, de toute la certitude de la conscience, Seigneur, c’est que je vous aime. Vous avez percé mon coeur de votre parole, et à l’instant je vous aimai. Le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent ne me disent-ils pas aussi de toutes parts qu’il faut que je vous aime? Et ils ne cessent de le dire aux hommes, « afin qu’ils demeurent sans excuse ( Rom. I, 20). » Mais le langage de votre miséricorde est plus intérieur en celui dont vous daignez avoir pitié, et à qui il vous plaît de faire grâce (Ibid, IX ; 15); autrement le ciel et la terre racontent vos louanges à des sourds.

Qu’aimé-je donc en vous aimant? Ce n’est point la beauté selon l’étendue, ni la gloire selon le temps, ni l’éclat de cette lumière amie à nos yeux, ni les douces mélodies du chant, ni la suave odeur des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni les délices de la volupté.

Ce n’est pas là ce que j’aime en aimant mon Dieu, et pourtant j’aime une lumière, une mélodie, une odeur, un aliment, une volupté, en aimant mon Dieu; cette lumière, cette mélodie, cette odeur, cet aliment, cette volupté, suivant l’homme intérieur; lumière, harmonie, senteur, saveur, amour de l’âme, qui défient les limites de l’étendue, et les mesures du temps, et le souffle des vents, et la dent de la faim, et le dégoût de la jouissance, Voilà ce que j’aime en aimant mon Dieu.

9. Et qu’est-ce enfin? J’ai interrogé la terre, et elle m’a dit: « Ce n’est pas moi. » Et tout ce qu’elle porte m’a fait même aveu. J’ai interrogé la mer et les abîmes, et les êtres animés qui glissent sous les eaux, et ils ont répondu: « Nous ne sommes pas ton Dieu; cherche au-dessus de nous. » J’ai interrogé les vents, et l’air avec ses habitants m’a dit de toutes parts: « Anaximène se trompe; je ne suis pas Dieu. » J’interroge le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, et ils me répondent: « Nous ne sommes pas non plus le Dieu que tu cherches. » Et je dis enfin à tous les objets qui se pressent aux portes de mes sens: « Parlez-moi de mon Dieu, puisque vous ne l’êtes pas; dites-moi de lui quelque chose. » Et ils me crient d’une voix éclatante: « C’est lui qui nous a faits ( Ps. XCIX, 3). »

La voix seule de mon désir interrogeait les créatures, et leur seule beauté était leur réponse. Et je me retournai vers moi-même, et je me suis dit : Et toi, qu’es-tu? Et j’ai répondu:

« Homme. » Et deux êtres sont sous mon obéissance; l’un extérieur, le corps; l’autre en moi et caché, l’âme. Auquel devais-je plutôt demander mon Dieu, vainement cherché, à travers le voile de mon corps, depuis la terre jusqu’au ciel, aussi loin que je puisse lancer en émissaires les rayons de mes yeux? (454)

Il valait mieux consulter l’être intérieur, car tous les envoyés des corps s’adressaient au tribunal de ce juge secret des réponses du ciel et de la terre et des créatures qui s’écriaient Nous ne sommes pas Dieu, mais son ouvrage. L’homme intérieur se sert de l’autre comme instrument de sa connaissance externe; moi, cet homme intérieur, moi esprit, j’ai cette connaissance par le sens corporel. J’ai demandé mon Dieu à l’univers, et il m’a répondu : Je ne suis pas Dieu, je suis son oeuvre.

10. Mais l’univers n’offre-t-il pas même apparence à quiconque jouit de l’intégrité de ses sens? Pourquoi donc ne tient-il pas à tous même langage? Animaux grands et petits le voient, sans pouvoir l’interroger, en l’absence d’une raison maîtresse qui préside aux rapports des sens. Les hommes ont ce pouvoir afin que les grandeurs invisibles de Dieu soient aperçues par l’intelligence de ses ouvrages ( Rom. I, 20). Mais ils cèdent à l’amour des créatures; et, devenus leurs esclaves, ils ne peuvent plus être leurs juges.

Et elles ne répondent qu’à ceux qui les interrogent comme juges; et ce n’est point que leur langage, ou plutôt leur nature, varie, si l’un ne fait que voir, si l’autre, en voyant, interroge; mais dans leur apparente constance, muettes pour celui-ci, elles parlent à celui-là, ou plutôt elles parlent à tous, mais elles ne sont entendues que des hommes qui confrontent ces dispositions sensibles avec le témoignage intérieur de la vérité. Car la Vérité me dit : Ton Dieu n’est ni le ciel, ni la terre, ni tout autre corps. Et leur nature même dit aux yeux: Toute grandeur corporelle est moindre en sa partie qu’en son tout. Et tu es supérieure à tout cela; c’est à toi que je parle, ô mon âme, puisque tu donnes à ton corps cette vie végétative, que nul corps ne donne à un autre. Mais ton Dieu est la vie même de la vie.

 

 

 

CHAPITRE XXVII: RAVISSEMENT DE COEUR DEVANT DIEU.

38. Je vous ai aimée tard, beauté si ancienne, beauté si nouvelle, je vous ai aimée tard. Mais quoi! vous étiez au dedans, moi au dehors de moi-même; et c’est au dehors que je vous cherchais; et je poursuivais de ma laideur la beauté de vos créatures. Vous étiez avec moi, et je n’étais pas avec vous; retenu loin de vous par tout ce qui, sans vous, ne serait que néant. Vous m’appelez, et voilà que votre cri force la surdité de mon oreille; votre splendeur rayonne, elle chasse mon aveuglement; votre parfum, je le respire, et voilà que je soupire pour vous; je vous ai goûté, et me voilà dévoré de faim et de soif; vous m’avez touché, et je brûle du désir de votre paix.

 

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Aristote - Les causes - EC1 n°6 Publié le Vendredi 11 Septembre 2009 à 09:08:57
Aristote - Physique II, 3

Chapitre 3: Les causes. Leurs espèces et leurs modalités.

 

Nécessité de traiter des causes.

Ces points déterminés, il faut faire porter l'examen sur les causes, rechercher ce qu'elles sont et leur nombre. Puisque notre étude a pour objet le connaître et que nous ne croyons connaître rien avant d'en avoir saisi chaque fois le pourquoi (c'est-à-dire saisi la première cause), il est évident que c'est ce que nous devons faire également touchant la génération et la corruption et tout le changement physique, afin que, connaissant les principes de ces choses, nous tâchions d'y ramener chacune de nos recherches.

 

Les quatre causes.

En un sens, la cause, c'est ce dont une chose est laite et qui y demeure immanent, par exemple l'airain est cause de la statue et l'argent de la coupe, ainsi que les genres de l'airain et de l'argent. En un autre sens, c'est la forme et le modèle, c'est-à-dire la définition de la quiddité et ses genres: ainsi le rapport de deux à un pour l'octave, et, généralement, le nombre et les parties de la définition. En un autre sens, c'est ce dont vient le premier commencement du changement et du repos; par exemple, l'auteur d'une décision est cause, le père est cause de l'enfant, et, en général, l'agent est cause de ce qui est fait, ce qui produit le changement de ce qui est changé. En dernier lieu, c'est la fin; c'est-à-dire la cause finale: par exemple la santé est cause de la promenade; en effet, pourquoi se promène t-il, c'est, dirons-nous, pour sa santé, et, par cette réponse, nous pensons avoir donné la cause. Bien entendu appartient aussi à la même causalité tout ce qui, mû par autre chose que soi, est intermédiaire entre ce moteur et la fin, par exemple pour la santé, l'amaigrissement, la purgation, les remèdes, les instruments; car toutes ces choses sont en vue de la fin, et ne diffèrent entre elles que comme actions et instruments.

 

Trois corollaires.           

Voilà sans doute, toutes les acceptions ou il faut entendre les causes. Mais il arrive, par suite de cette pluralité de sens, qu'une même chose ait une pluralité de causes, et cela non par accident; par exemple, pour la statue, la statuaire et l'airain, et cela non pas sous un autre rapport, mais en tant que statue, mais non au même sens; l'une comme matière, l'antre comme ce dont vient le mouvement. Il y a même des choses qui sont causes l'une de l'autre, par exemple la fatigue, du bon état du corps, et celui-ci de la fatigue; mais non au même sens; l'une comme fin, l'autre comme principe du mouvement. Enfin la même chose peut être cause des contraires; en effet ce qui, par sa présence est cause de tel effet, nous en regardons quelquefois l'absence comme cause de l'effet contraire; ainsi l'absence du pilote est cause du naufrage, et sa présence eût été cause du salut.

 

Résumé.

Quoi qu'il en soit, toutes les causes que nous venons de dire tombent très manifestement sous quatre classes: les lettres par rapport aux syllabes, la matière par rapport aux objets fabriqués, le feu et les autres éléments par rapport aux corps, les parties par rapport au tout, les prémisses par rapport à la conclusion, sont causes comme ce dont les choses sont faites. De ce couple, l'un des termes est cause comme sujet, par exemple les parties, l'autre comme quiddité: le tout, le composé, la forme. D'autre part, la semence, le médecin, l'auteur d'une décision, et en général l'agent, tout cela est cause comme ce dont vient le commencement du changement, mouvement ou arrêt. D'autre part, à titre de fin et de bien: car la cause finale veut être chose excellente parmi toutes les autres et leur fin: peu importe de dire que c'est le bien en soi, ou le bien apparent.

 

Modalités des causes.

Telles sont donc les causes et leur nombre, quant aux espèces; quant à leurs modalités, elles sont multiples, en nombre; mais résumées elles se réduisent. On parle, en effet, des causes en des sens multiples: par exemple, parmi les causes d'une même espèce, l'une est antérieure, l'autre postérieure: ainsi, pour la santé, le médecin et l'homme de l'art, pour l'octave le double et le nombre, et, toujours, les classes relativement aux individus; ou encore les unes sont par soi, les autres par accident, et leurs genres: par exemple, pour la statue, Polyclète est une cause, le statuaire une autre, parce que c'est un accident pour le statuaire d'être Polyclète; autres encore les classes qui embrassent l'accident, par exemple si l'on disait que l'homme ou en général l'animal est cause de la statue. Du reste, entre les accidents, les uns sont plus loin, les autres plus près, par exemple si l'on disait que le blanc et le musicien sont cause de la statue. D'autre part toutes les causes, soit proprement dites, soit accidentelles s'entendent tantôt comme en puissance, tantôt comme en acte, par exemple pour la construction d'une maison le constructeur et le constructeur construisant. Pour les choses dont les causes sont causes, il faut répéter la même remarque; par exemple c'est de cette statue ou de la statue, ou en général de l'image, de cet airain, de l'airain, ou eu général de la matière...; de même pour les accidents. 1G En outre, les choses et les causes peuvent être prises suivant leurs acceptions séparées ou en en combinant plusieurs; par exemple, on dira non pas que Polyclète, ni que le statuaire, mais que le statuaire Polyclète est cause de la statue. Malgré tout, néanmoins, toutes ces acceptions se ramènent au nombre de six, chacune comportant deux sens: comme particulier ou genre, comme par soi ou accident (ou genre des accidents), comme combiné ou simple, chacune pouvant être prise en acte ou en puissance.

 

1° corollaire.

La différence est que les causes en acte et particulières ont simultanéité d existence et de non-existence avec ce dont elles sont causes, par exemple ce médecin guérissant et ce malade guéri, cet architecte construisant et cette maison construite; pour les causes selon la puissance, il n'en est pas de même; car l'architecte et la maison ne sont pas détruits en même temps.

 

2° corollaire.

Quoi qu'il en soit, il faut chaque fois chercher la cause la plus élevée comme dans tout autre sujet il faut chercher le parfait; par exemple l'homme construit parce qu'il est constructeur, il est constructeur par l'art de construire; c'est bien ici la cause antérieure, et ainsi dans tous les cas.

 

3° corollaire.

Enfin les genres sont causes des genres,

les choses particulières des choses particulières, un statuaire est cause d'une statue, celui-là de celle-ci. Et les puissances sont causes des possibles, les choses actuelles des choses actualisées.

Sur le nombre des causes et les différents sens suivant les quels elles sont causes, telles sont les déterminations que nous avions à apporter; elles suffiront.

 

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