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l'entreconnaissance

Publié le Samedi 4 Octobre 2014 à 23:06:39

Analyse: djihadisme et "dérives sectaires"

Jean-François Mayer

1 Oct 2014 http://religion.info/french/articles/article_652.shtml#.VCzyzY0cQ5s

 

Alors que se multiplient les articles relatant des cas de jeunes partis de pays occidentaux pour aller se battre en Syrie dans les rangs de groupes djihadistes, certains observateurs appliquent à ces démarches la grille interprétative de l'"emprise sectaire" et des "dérives sectaires". Mais sa pertinence est sujette à discussion.

 Après les attentats du 11 septembre 2001 déjà, des questions avaient surgi sur les démarches conduisant des personnes à un engagement dans des groupes radicaux, jusqu'à sacrifier même leur vie pour la cause. Aux États-Unis, certains cercles actifs dans l'observation critique des "sectes" avaient suggéré que le phénomène présentait des similitudes avec ceux auxquels leurs activités les avaient confrontés.

 Cette démarche eut cependant peu d'échos, car la "guerre contre le terrorisme" s'appuyait sur d'autres ressources et n'avait pas besoin de tels supplétifs. Cependant, dans certains pays non occidentaux, des services gouvernementaux chargés de la "déradicalisation" de militants islamistes violents ont prêté attention aux analyses d'auteurs et praticiens américains proposant d'accompagner des personnes sortant de groupes religieux intenses. Même en Iran, ces expériences ont été intégrées dans les efforts pour rééduquer des membres capturés du mouvement militant (et armé) d'opposition des Moudjahidines du Peuple (Mujaheddin-e-Khalq).

 En France, les cercles critiques envers les sectes s'étaient montrés prudents. Dans son numéro 72 (4e trimestre 2001), le trimestriel Bulles (Bulletin de liaison pour l'étude des sectes), organe de la principale association française de cette mouvance, l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (UNADFI), publia un article intitulé "Le 11 septembre et nous". Tout en rappelant un propos entendu à l'Assemblée nationale ("L'organisation terroriste actuelle fonctionne comme une secte"), l'article se demandait s'il était "de bonne méthode de faire l'amalgame": "Le risque existe de tout embrouiller si l'on ne considère pas séparément les sectes et le grand terrorisme international, et ceci, bien que des modes de fonctionnement puissent être identiques." La suite de l'article voyait certes des parallèles et espérait que les événements du 11 septembre ouvriraient "les yeux aux démocraties sur leur vulnérabilité". Selon les auteurs, en effet, au nom du respect des libertés, les États auraient trop peu réagi à des dérives s'appuyant sur des prétextes religieux: ces réticences "ont fait le jeu des sectes, [elles] ont favorisé le grand terrorisme". L'article utilisait le terme de "mutilation mentale" en évoquant le processus de fanatisation des terroristes du 11 septembre; cependant, "que chacun joue joue son rôle sans prétendre empiéter sur des domaines qui ne sont pas de son ressort". Les responsables de l'UNADFI n'entendaient donc pas "annexer" dans leur champ d'intervention les démarches conduisant au terrorisme sous les formes que nous observons depuis une quinzaine d'années.

 Quand des jeunes qui ont grandi en Occident partent pour le djihad

Mais le conflit en Syrie, accompagné de l'arrivée de volontaires étrangers venus combattre avec des groupes djihadistes, a fait émerger un modèle explicatif qui reprend le thème des "sectes", des "dérives sectaires" et du "lavage de cerveau". Il y a des raisons à cela: rien qu'en France, des centaines de volontaires sont partis vers la Syrie, et beaucoup d'entre eux sont jeunes, même parfois très jeunes. Souvent, la radicalisation semble avoir été très rapide: si certains milieux familiaux ont été propices, cela ne semble être qu'une minorité de cas; la plupart des familles sont sous le choc et ne comprennent pas comment cela a pu se produire. Les parallèles avec la stupéfaction des parents et proches de convertis à des mouvements religieux controversés des années 1970 et 1980 sont manifestes: il n'est pas étonnant qu'une grille explicative déjà disponible se trouve reprise et appliquée à ces "conversions au djihadisme" – qui peuvent être le fait de jeunes issus de milieux musulmans se reconvertissant, mais aussi de personnes sans arrière-plan musulman, et embrassant à la fois l'islam et, peu de temps après, le djihadisme.

"Depuis quelques mois, des familles confrontées à une radicalisation religieuse de ce type dans leur entourage prennent contact avec la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui a 'lancé l'alerte' au niveau interministériel. De même, l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi), constate une 'poussée exponentielle' des cas enregistrés dans ses antennes locales." (Le Monde, 24 mars 2014)

 À Toulouse, au début de l'année, 2014 deux lycéens de 15 et 16 ans partent pour rejoindre les djihadistes en Syrie (avant d'être interceptés en Turquie et renvoyés en France). Selon le procureur de Toulouse, les camarades de l'un avaient "constaté une évolution de son comportement depuis le mois de novembre 2013: plus renfermé, n'écoutant que de la musique religieuse, avec une discours politisé antiaméricain et antijuif et ne fréquentant plus que le deuxième adolescent". Après son départ, ses parents dénoncèrent un "lavage de cerveau" (Le Monde, 27 janvier 2014). Le changement rapide de comportement semble mentionné dans de nombreux cas.

 Mère de la petite Assia (28 mois), enlevée par son père parti faire le djihad en Syrie, Mériam Rhaiem a réussi à récupérer sa fille en Turquie et a confié ensuite aux journaliste: "Pour moi, le père d'Assia est sous une emprise sectaire claire et nette." Sa radicalisation "s'est faite sur Internet": il passait la journée à regarder des vidéos djihadistes, il s'isolait et ne côtoyait plus que des gens qui lui ressemblaient (Le Monde, 10 septembre 2014). Le thème de la radicalisation sur Internet revient constamment.

 Des informations semblables ont été publiées dans des médias d'autres pays occidentaux. La référence aux notions de "dérive sectaire" et de "manipulation mentale" n'est pas omniprésente; ce n'est certainement pas la grille interprétative privilégiée par les autorités ou les responsables de la lutte contre le terrorisme. Cependant, pour des parents ou des proches confrontés à ce qui semble incompréhensible, ces notions offrent une ébauche d'explication. Désemparés par la conversion d'un fils ou d'une fille à l'islam, avec des craintes voir leur progéniture adhérer à une version radicale, ou découvrant une réelle radicalisation (voire un départ dans un pays en guerre), ils peuvent aisément se laisser convaincre par une explication en termes de manipulation – ce qui entrouvre également la porte à un retournement si cette manipulation peut être brisée.

 Des "dérives sectaires liées à l’islam"?

 Alors que les premières associations "anti-sectes" avaient souvent vu le jour à l'initiative de parents, c'est, en France, à une anthropologue française musulmane qu'on doit la création d'un premier centre autour de ce phénomène: Dounia Bouzar, figure déjà connue dans les débats sociaux et sécuritaires autour de l'islam, a fondé en 2014 un Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI).

 La présentation qu'elle en donne reprend une démarche proche de celle qu'avaient adoptée les familles préoccupées par l'adhésion de proches à un groupe considéré comme "secte": prévention, accompagnement des proches de victimes et formation d'intervenants sociaux. Elle évoque aussi l'idée de diriger les "victimes" vers un "désendoctrinement", exactement de la même façon que le deprogramming (puis sa version adoucie rebaptisée exit counseling) avait séduit un certain nombre de famille dont des membres avaient rejoint une secte. Le site explique: "Notre posture repose sur une approche psychosociale, qui consiste à interroger les mécanismes d’emprise mentale et les conditions environnementales dans lesquelles cette emprise a pu s’opérer pour faire basculer le jeune dans l’islam radical."

 Notons au passage que ceux qui auraient rejoint des cercles de "l’islam radical" sont présentés comme des "victimes". De même, Dounia Bouzar présente son initiative comme une réponse au désarroi de "parents démunis face à la radicalisation de leur(s) enfants(s)" et reproche à l'État "de n'avoir pas fait plus tôt ce qu'elle entreprend aujourd'hui" (Antoine Menusier, "Dérives sectaires en islam: l'heure de la prise de conscience", Blogs de l'Hebdo, 7 avril 2014). Cela rappelle les sentiments de parents qui avaient l'impression d'un manque de compréhension face à la situation qu'ils vivaient quand un de leurs enfants rejoignait un nouveau mouvement religieux

 L'objectif est de lutter contre la "dérive sectaire radicale qui instrumentalise l’islam": il s'agit pour Dounia Bouzar de dissocier complètement islam et démarches radicales. De la même façon, elle entend distinguer entre "religion" et "secte", comme a tendu à le faire la critique des sectes:

"«Secte» vient de couper, suivre. «Religion» vient de relier, accueillir. Pour ma part, je regarde l’effet du discours religieux: dès qu’il permet de mettre en place une relation avec Dieu pour lui permettre de trouver son chemin et vivre dans un espace avec les autres, c’est de la religion. Si l’effet du discours mène, au contraire, la personne à s’autoexclure et exclure tous ceux qui ne sont pas exactement comme elle, on est dans l’effet sectaire." (Saphir News, 10 mars 2014)

 Dounia Bouzar a publié un livre intitulé Désamorcer l'islam radical: ces dérives sectaires qui défigurent l'islam (Éd. de l'Atelier/Éd. Ouvrières, 2014). Elle explique que les "nouveaux mouvements musulmans", loin d'être un retour à l'islam authentique, sont en rupture avec l'islam (p. 33 sq.). Sa critique ne se limite pas au djihadisme, mais vise aussi des courants salafistes, enclins à mettre l'accent sur des codes dont le respect scrupuleux devient essentiel et identifie le groupe des "purs": "C'est pour définir la frontière du groupe purifié que le discours radical réduit la foi à une norme établie." (p. 55) Ce discours radical "prédispose l'individu à la violence symbolique et réelle en diffusant un univers de rupture" (pp. 179-180). Son approche met l'accent sur le prévention, mais celle-ci n'est pas suffisante: il faut aussi, écrit-elle, essayer de déradicaliser, mais ce n'est pas une tâche facile (p. 181).

 Dounia Bouzar est persuadée que "la seule façon d'affaiblir les radicaux consiste à leur ôter leur justification: l'islam" (p. 118). Elle s'irrite de la tendance de certains musulmans qui, tout en estimant que "les radicaux" ont une "mauvaise compréhension", estiment en même temps qu'ils sont "quand même musulmans" (p. 44).

 La radicalisation djihadiste est-elle une "dérive sectaire"?

 En effet, si les djihadistes appartenaient à un courant religieux totalement séparé, à une petite secte indépendante d'une grande tradition religieuse, leur écho serait limité à leurs petits cercles de convertis. Mais la prétention des djihadistes à représenter l'islam dans sa pureté, et l'écho que cela provoque dans des cercles musulmans, donnent une autre dimension au phénomène. Il est vrai aussi que les récents événements autour de l'État islamique ont provoqué une vague de prise de distance vigoureusement affirmée, comme en témoigne la campagne #notinmyname.

 Il ne revient pas aux chercheurs de dire si les djihadistes ou l'État islamique sont authentiquement musulmans ou non. Les djihadistes se perçoivent comme de purs musulmans et sont bel et bien le produit de courants de l'islam contemporain (outre des circonstances sociales, économiques et autres, comme tout mouvement, quel qu'il soit). Le reste relève d'un débat intra-islamique que les chercheurs peuvent observer et analyser, mais sur lequel on ne leur demande pas de trancher.

En revanche, peut-on décrire les démarches vers le djihadisme (voire vers des versions radicales non violentes de l'islam) comme des "dérives sectaires"? Cela nous fournit-il une explication?

 La notion de "dérive sectaire" s'était répandue à partir des années 1990. Dans l'esprit de ses promoteurs, elle devait permettre d'éviter le terrain piégé d'une lutte contre "les sectes", avec le soupçon d'une critique de croyances, et l'impossibilité de définir légalement ce qui était "secte" et ce qui ne l'était pas. Le flou entourant le concept de "secte", l'absence de cette notion dans le vocabulaire juridique, mais aussi la multiplicité des définitions superposées de la "secte", présentaient des difficultés insolubles. En utilisant "dérives sectaires", il semblait possible de contourner ce problème et d'affirmer — comme le font depuis longtemps les groupes critiques envers les sectes — qu'il ne s'agissait pas de s'en prendre aux croyances, mais uniquement à des actes, quels qu'ils soient et où qu'ils se produisent. Dans cette perspective, une "dérive sectaire" peut être aussi bien le fait d'une petite secte, d'un groupe religieux obscur, que d'une communauté appartenant à une grande tradition religieuse (par exemple une nouvelle communauté catholique connaissant des pratiques discutables).

 En réalité, le passage de "secte" à "dérive sectaire", s'il permettait de mettre provisoirement de côté ces problèmes, ne les a pas résolus, mais les a plutôt déplacés: "dérive", mais pourquoi y ajouter "sectaire"? l'adjectif permet-il réellement de mieux les comprendre, ou ouvre-t-il plutôt la porte au retour du concept de "secte" aussitôt celle-ci évacuée? Et les "dérives sectaires" seraient-elles un phénomène moderne, liées à de supposées techniques nouvelles, ou s'agirait-il plutôt d'une transformation de nos sensibilités par rapport à certains types de démarches?

 Bien sûr, les utilisateurs de la notion de "dérive sectaire" ont tenté de la circonscrire. La MIVILUDES définit ainsi une "dérive sectaire":

"Il s'agit d'un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société." (Qu'est-ce qu'une dérive sectaire?)

  On remarque que cette définition n'implique pas automatiquement un groupe: un individu pourrait être à l'origine d'une "dérive sectaire". Au cœur de la définition se trouve la notion d'une "sujétion psychologique ou physique": c'est la perte de la liberté individuelle. Des pressions ou des techniques seraient exercées dans ce but. La déstabilisation mentale serait "toujours présent[e] dans les cas de dérives sectaires" (Principes d'action).

 Revenons ici aux "dérives sectaires liées à l’islam". Dounia Bouzar explique dans son livre qu'on "ne repère pas de 'gourou' dans ces mouvances radicales. Il s'agit d'auto-endoctrinement et de conversions volontaires." (p. 75) Et d'ajouter: "le discours entendu 'fait autorité' parce qu'il 'fait sens' auprès de ceux qui sont touchés." (p. 76) (On pourrait cependant ajouter qu'il y a aussi des cas où l'influence d'un groupe fréquenté, de pairs, de contacts sur les réseaux sociaux joue un rôle dans la construction de la motivation de l'aspirant djihadiste.)

 Cela ne semble pas correspondre à la définition de la "dérive sectaire" proposée par la MIVILUDES. L'expression semble plutôt utilisée pour rendre compte d'une démarche dont le radicalisme effraie et qui semble incompréhensible aux proches des personnes concernées, d'autant plus qu'elle se déroule parfois en un temps très court, avec le passage d'une existence et de références ordinaires au djihad en quelques mois, voire moins. Mais ni la soudaineté ni la radicalité d'adhésions à des causes extrêmes ne sont un phénomène nouveau, même s'il est compréhensible que cela déroute les proches et les inquiète, plus encore quand cela conduit en outre à l'action violente et éventuellement au sacrifice suprême.

 La "dérive sectaire" étant associée à l'idée d'une "manipulation mentale" (d'un "lavage de cerveau", même si cette expression controversée est moins utilisée aujourd'hui), elle présente des avantages, du point de vue des proches: elle permet d'exonérer, au moins en partie, le "manipulé", et de permettre ensuite sa réinsertion dans la société, le cas échéant après une "rééducation". Un "manipulé" n'est plus entièrement responsable de ses actes: c'est une personne dont la bonne foi a été abusée.

 Mais les jeunes ayant grandi en Europe et qui rejoignent un groupe djihadiste se sont-ils "lavé le cerveau" en regardant des vidéos djihadistes sur Internet? C'est une erreur de penser qu'ils n'ont pas choisi leur voie, prévient Julian Baggini, ce qui rejoint d'ailleurs les remarques de Dounia Bouzar sur un discours qui "fait sens". Nous avons du mal à accepter que des gens acceptent librement de faire des choses terribles, ajoute Baggini, mais "la radicalisation n'est pas un lavage de cerveau" (J. Baggini, "Radicalisation is not brainwashing. We need to rethink how we tackle it", The Guardian, 13 juillet 2014) Nul besoin de techniques mystérieuses. Des jeunes (et moins jeunes, d'ailleurs) peuvent être influencés ou manipulés, particulièrement dans certaines périodes de leur existence, de même qu'il n'y a rien de nouveau à l'activité de propagande et de recrutement déployée par des mouvements idéologiques radicaux: ajouter une couche explicative en présentant de telles situations comme des "dérives sectaires" n'aide guère à affiner l'analyse.

 Parler de dérive sectaire évoquera pour beaucoup quelque chose qui paraît irrationnel, voire délirant. Il n'y a plus grand chose à expliquer, il n'y a pas de justification initiale à la démarche: il ne s'agit alors plus que de "sauver" la victime de "dérive sectaire" et de la réorienter s'il est encore temps. Il n'est pourtant pas nouveau que des gens s'engagent dans des pays étrangers au service d'une cause, qu'il s'agisse de défendre des opprimés ou de soutenir une idéologie: il en existe des exemples dans différents camps politiques à l'époque contemporaine, l'un des cas les plus connus étant celui des volontaires internationaux partis servir soit dans le camp républicain, soit dans le camp nationaliste pendant la guerre d'Espagne.

 Ils n'avaient pas tous la même motivation, d'ailleurs: à côté de ceux que poussaient leurs convictions idéologiques, il y avait aussi des aventuriers ou des personnes en rupture de ban; il y avait toute la palette des comportements. Faute d'informations assez précises, nous nous abstiendrons d'affirmations tranchées dans le cas de la nouvelle vague du djihadisme: les observateurs suggèrent que les traits des candidats djihadistes ne correspondent pas toujours à ce que l'on attendrait et qu'ils ne viendraient pas spécialement de milieux défavorisés. En outre, des personnes au passé criminel en quête d'un mélange de rédemption, d'action et de violence peuvent aussi être séduites, à en croire ceux qui ont examiné les biographies de djihadistes. Il existe certainement une variété de profils et de motivations parmi les volontaires djihadistes, même si l'on retrouve des traits communs affichés, à commencer par le désir d'aller défendre des musulmans persécutés.

 Le volontaire d'âge mûr, avec une longue carrière dans des groupes radicaux, ne présente certainement pas le même profil qu'un adolescent tout juste (ou même pas) majeur: le goût de l'aventure, l'appel d'un destin héroïque idéalisé (loin de l'implacable réalité d'un champ de bataille qui attend le candidat), le besoin d'embrasser sans réserve une cause pour donner un sens à une existence qui semble morne, la quête fantasmée d'un idéal rebelle, jouent probablement un rôle au moins égal à l'idéologie chez les aspirants djihadistes les plus jeunes. Malheureusement pour eux, la voie dans laquelle ils s'engagent est parfois sans retour. Parmi ceux qui reviennent, certains restent radicaux, mais d'autres ont été "guéris" du djihadisme par leur expérience. Pour en savoir un peu plus, on lira avec intérêt le récent entretien (en anglais) de Mads Schmidt avec un responsable de la prévention du radicalisme et de l'extrémisme de la police danoise ("Danish cops are trying to rehabilitate jihadis returning from Syria", VICE UK, 25 septembre 2014).

 Il ne s'agit pas de démarches incompréhensibles. Nul doute que les groupes djihadistes, comme tous les mouvements radicaux fortement idéologisés, s'efforcent d'inculquer leurs convictions à ceux qui les rejoignent et de les former aussi sur le plan idéologique; mais cette idéologie ne peut convaincre durablement que ceux qui veulent bien l'être.

 C'est une bonne idée de fournir une aide et une information à des familles désemparées par le départ d'un de leurs membres vers des territoires de djihad, particulièrement quand il s'agit d'un jeune. Il est légitime que des services de sécurité surveillent ces itinéraires et se préoccupent de possibles conséquences de telles radicalisations, ou tentent des détections précoces en proposant un "numéro vert". Il est normal que des musulmans débattent et que certains disent leur rejet de ces doctrines construites sur une base islamique — non parce qu'ils auraient à s'excuser de quelque chose, mais parce que la revendication d'islamité du djihadisme ne leur laisse guère d'autre choix que de prendre position. En revanche, nous pouvons douter que le concept de "dérive sectaire" vienne clarifier ce qui se passe ici.

 Les réactions des acteurs de "prévention des dérives sectaires" en France face à l'initiative de Dounia Bouzar paraissent à la fois bienveillantes et prudente. La présidente de l'UNADFI a salué la fondation du CPDSI et pense que son association peut "apporter sa connaissance du processus d'emprise mentale sur des individus vulnérables, et du phénomène de rupture", mais admet que "l'UNADFI manque de recul et d'expertise concernant les particularités liées à l'islam" ("Un centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam", 2014). Tout en se félicitant "que des associations commencent à organiser l'accueil et la prévention des familles", la MIVILUDES "se montre réticente à voir dans ce phénomène de 'radicalisation' 'des dérives sectaires proprement dites'." Son président souligne la "liberté de religion et de conversion même quand le choix se porte sur un islam rigoriste" et évoque des "crises d'adolescence" (Le Monde, 24 mars 2014).

 Comme nous avons eu l'occasion de le souligner dans plusieurs articles (par exemple la première partie d'un article publié en l'an 2000 et disponible au format PDF, 1,4 Mo), l'approche critique envers les sectes et "dérives sectaires" a eu tendance à s'étendre, par cercles concentriques, depuis les années 1970: mais, malgré l'existence d'une demande, les milieux se préoccupant du sujet hésitent à ajouter un nouveau cercle, en ayant peut-être le pressentiment que ce pas pourrait les conduire plus loin qu'ils n'entendent aller.

Jean-François Mayer

1er octobre 2014, 15h40 (heure d'Europe centrale): quelques modifications et précisions de détail pour prendre en compte la dernière version de l'article, complétée après la mise en ligne.

 

Sur l'État islamique, qui attire nombre de volontaires étrangers, et son fonctionnement, on peut lire un article du même auteur: Entre djihad, administration et apocalypse: réflexions sur l’«État islamique» (17 septembre 2014).

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Publié le Samedi 4 Octobre 2014 à 22:56:07

A l’occasion des 20 ans de la Grande Mosquée de Lyon.        30 septembre 2014

                                                                                              Cardinal Philippe Barbarin

 

Monsieur le Recteur, chers frères et amis musulmans.

 

Bon anniversaire à la Grande Mosquée de Lyon, toujours aussi belle au jour de son vingtième anniversaire !

Le 16 septembre 1994 décédait le Cardinal Albert Decourtray. Quelques jours plus tard, la Grande Mosquée de Lyon était inaugurée. A cette cérémonie, la communauté catholique était représentée par Monseigneur Abel Cornillon, proche collaborateur du défunt. Les années précédentes, l’archevêque de Lyon avait soutenu avec cœur la belle aventure de cet édifice, considérant que les musulmans de l’agglomération lyonnaise avaient droit à disposer d’un lieu de prière qui soit vraiment beau, digne d’eux et de leur foi. Il avait entretenu des relations chaleureuses avec les porteurs du projet, en particulier Monsieur Kamel Kabtane et le Professeur Badreddine Lahneche.

En fait, l’archevêché de Lyon avait très vite apporté son soutien à ce grand dessein. Dès le milieu des années 1970, lorsqu’ont été formulées les premières demandes d’un tel lieu et que la Municipalité (avec le maire Louis Pradel, puis avec son successeur Francisque Collomb) a commencé à en débattre, le Cardinal Alexandre Renard avait fait connaître son approbation. Au même moment, les responsables juifs de la cité et les responsables protestants s’étaient déclarés également favorables à ce que Lyon compte un tel lieu de culte musulman.

 

La position de l’archevêché de Lyon s’inscrivait dans une histoire déjà longue :

n  Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, des prêtres, des religieuses et religieux de Lyon, mais aussi des associations caritatives chrétiennes, se sont montrés attentifs à la pauvreté et à la solitude fréquente des premiers travailleurs immigrés maghrébins. Quelques jésuites de Fourvière, ainsi, se sont préoccupés d’alphabétisation des travailleurs migrants algériens. Des religieuses visitaient les bidonvilles de Gerland, et quand le Foyer Notre Dame des Sans Abri  fut créé en 1950 par Gabriel Rosset et ses compagnons, l’association vint au secours de nombreuses familles originaires du Maghreb.

n  Avec le Cardinal Achille Liénart à Lille, le Cardinal Pierre-Marie Gerlier fut un des deux premiers évêques français à nommer, dès 1954, des prêtres consacrés entièrement à un ministère d’amitié avec les travailleurs immigrés maghrébins et leurs familles : les Pères Albert Carteron, Jean Courbon et Henri Le Masne. Grande figure de la Conférence des cardinaux et archevêques de France, le Cardinal Gerlier fut aussi l’un des premiers prélats de France à soutenir les évêques d’Algérie qui s’étaient majoritairement prononcés en faveur du droit à l’indépendance du peuple algérien.

 

n  L’Eglise de Lyon, grande terre du catholicisme social, a été en bien des domaines un des lieux où s’est préparé le Concile Vatican II. Ce concile a appelé les chrétiens à être davantage attentifs aux pauvres, aux immigrés, et à ne pas craindre d’entrer en relation fraternelle avec les croyants ayant une foi autre que la foi chrétienne. C’est ainsi qu’à Lyon se sont très vite engagés de nombreux baptisés – parmi lesquels des prêtres et des religieuses et des religieux – dans la rencontre interreligieuse. Alors que les Pères Carteron et Courbon étaient partis, l’un en Algérie, l’autre au Liban, le Père Henri Le Masne a été durant plusieurs décennies la figure par excellence de cette amitié chrétienne avec des musulmans. En charge durant plusieurs années de la Pastorale des Migrants, Monseigneur Alfred Ancel, longtemps évêque auxiliaire et supérieur du Prado, a joué lui aussi un rôle important dans l’attitude de l’Eglise lyonnaise et dans le regard porté par les chrétiens sur les musulmans. Dans les années 1970 et 1980, des mouvements chrétiens tels que la JOC, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, et l’ACE, Action catholique des Enfants-Monde Ouvrier, ont accueilli, dans le respect de leur foi singulière, des centaines de jeunes de familles musulmanes.

 

n  En 1986, quand le Pape Jean Paul II est venu en visite à Lyon, il a salué dans la cour du Prado l’imam Bel Hadj El Maafi, qui a été pendant soixante ans (il est mort presque centenaire) la principale figure religieuse musulmane de Lyon. Celui-ci a fini ses jours entouré de l’affection d’une famille chrétienne qui l’avait adopté comme l’un de ses membres.

 

n  On peut même remonter encore plus loin dans cette histoire de relations fraternelles entre chrétiens et musulmans à Lyon ! Le presbyterium de notre diocèse a compté en son sein la belle et grande figure spirituelle de Jules Monchanin, surtout connu pour son installation, de 1939 à 1957, dans le sud de l’Inde et pour son choix d’aller à la rencontre de la spiritualité et de la pensée hindoues. Or l’Abbé Monchanin avait déjà noué des liens avec des musulmans, à Lyon et en Algérie, dans les années 1930. Il participa, ainsi, en 1935, à la création, à Alger, d’une « Union des croyants monothéistes » initiée par le savant religieux musulman Tayeb el-Oqbi. Des femmes se réclamant de la pensée et de la spiritualité de Jules Monchanin ont vécu de nombreuses années en plein milieu musulman, les unes à Bou Saada en Algérie, d’autres –dont la sœur du célèbre peintre lyonnais Jean Couty, iconographe et grande artiste elle aussi- dans ma terre natale, à Rabat et dans la région de Tazert, au Maroc. A la même époque était publiée à Lyon, par les jésuites de Fourvière, une revue scientifique consacrée au monde musulman : « En Terre d’Islam ».

 

n  S’il faut remonter encore un peu plus loin, la ville de Lyon a été concernée par la première implantation d’un lieu de culte musulman en France. Quand le Maréchal Lyautey a lancé l’idée d’édifier une Grande Mosquée à Paris en hommage aux dizaines de milliers de musulmans morts pour la France au cours de la première guerre mondiale, le rapporteur de la loi de 1920, octroyant une somme de 500 000 francs pour la construction de la Mosquée ne fut autre que Monsieur Edouard Herriot, aussitôt nommé Président du comité de patronage de l’Institut musulman.

 

 

n  Dans les années 1960, 1970 et 1980, plusieurs communautés chrétiennes se sont montrées accueillantes à des groupes de musulmans qui étaient en recherche de lieux pour prier. C’est ainsi que les Sœurs du Bon Pasteur, à la Croix-Rousse, ont mis des locaux à disposition de musulmans du quartier. Les Sœurs des Buers, à Villeurbanne, ont fait la même chose. A Oullins, le Père Daniel Vandenbergh a également mis des locaux à disposition de musulmans, ainsi que les prêtres de Bron, et ceux de la paroisse Saint-Jacques des Etats-Unis. A Saint-Fons, la communauté chrétienne a appuyé les musulmans pour qu’ils puissent avoir et construire un lieu de culte, en leur prêtant des locaux durant un temps. Jusqu’à ces derniers mois, la paroisse catholique de Gerland puis le Couvent de l’Adoration ont hébergé un groupe de jeunes soufis sénégalais. D’autres groupes de soufis sont régulièrement accueillis par les Pères des Missions Africaines à Lyon.

 

Après la mort du Cardinal Decourtray, ses successeurs ont mis leurs pas dans les siens. C’est ainsi que, dès leur arrivée dans le diocèse, les Pères Jean Balland et Louis-Marie Billé ont rendu une visite de courtoisie à la Grande Mosquée de Lyon. Ils ont eu le souci d’entretenir des relations d’amitié avec les responsables de celle-ci, et d’œuvrer ensemble pour que l’on « s’entre-connaisse », comme le Coran y invite les croyants des différentes religions, au bénéfice de tous. C’est cette longue et belle histoire que le Recteur Kamel Kabtane appelle, non sans quelque fierté, « l’exception lyonnaise » dans le dialogue interreligieux.

Il ne m’était pas difficile, il m’était agréable et surtout… profitable d’être l’héritier d’une si belle histoire, à laquelle nous essayons ensemble de rester fidèles. J’ai reçu dans cette Maison un accueil très fraternel dès le premier jour, en septembre 2002. Et l’on peut dire qu’au fil des années, avec leur cortège d’événements joyeux et de souffrances partagées, s’est tissée entre nous une amitié simple et réelle. De grands moments restent gravés dans nos mémoires : la prière des enfants juif, musulman et chrétien, au veilleur de pierre à l’approche de la guerre d’Irak en 2003, les dix ans de la Grande Mosquée, l’année suivante, le voyage de février 2007 à Annaba, Constantine, Alger et Tibhirine, avec l’évocation de saint Augustin, de l’Emir Ab el Kader et des moines trappistes disparus en 1996, l’approfondissement du thème de la miséricorde, essentiel dans la Bible comme dans le Coran, le rendez-vous annuel de la rupture du jeûne un soir du ramadan, ici, avec un temps donné à la prière.

L’histoire continue, puisque mercredi soir, à nouveau, Place Bellecour, nous serons ensemble pour clamer vigoureusement notre refus de la violence, après l’assassinat d’Hervé Gourdel, la semaine dernière.

                                                           *

 

Pour tout cela, nous rendons grâce ensemble au Dieu Vivant à qui nous devons tant, à qui nous devons tout. En terminant, je voudrais dire un merci personnel à mes frères musulmans. Comme lorsque je vais prier à la grande Synagogue pour la fête du Yom Kippour -ce sera de nouveau le cas dans trois jours-, ce qui régulièrement me donne envie de sortir de ma médiocrité et de chercher, suivre et servir plus ardemment le Christ, c’est l’estime et l’admiration que je sens souvent monter en mon cœur pour la foi et la ferveur de plusieurs d’entre vous. Merci ! 

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Publié le Mercredi 1 Octobre 2014 à 22:04:25

110 personnes s’engagent….

« Nous nous engageons ! »

En décembre 2013, dans une « Lettre ouverte aux jeunes de France », les participants au 3ème Forum islamo-chrétien ont proposé qu’ensemble, hommes et femmes de toutes générations et de toutes cultures promeuvent une société de liberté, d’égalité et de fraternité, fondée sur la reconnaissance de la diversité, le respect mutuel et la justice.

Aux jeunes, ils ont lancé cet appel :

À vous, jeunes croyants en Dieu, nous disons : « Ne soyez pas naïfs ! Soyez vigilants ! Dans l’épreuve, restez en accord avec vos valeurs humaines et fidèles à votre foi ! Vous appuyant sur la fidélité de Dieu, soyez artisans de paix ! »

À vous, tous les jeunes, nous disons : « Soyez des citoyens responsables ! Exercez votre liberté de manière active et réfléchie ! Travaillez à tisser des liens dans le respect des valeurs qui fondent notre République. »

Près d’un an plus tard, en regardant les événements de l’année 2014, force est de constater que les foyers de tension et d’absolutisation n’ont cessé de croître et que les chemins pris par les jeunes de France ont été divers.

La paix a fait place à la guerre civile ou aux conflits entre les peuples dans des pays comme ceux de l’Afrique subsaharienne, comme l’Ukraine, la Birmanie, la Libye, Israël et Palestine, l’Irak et la Syrie. Nous venons même d’assister au Proche-Orient à l’entrée en guerre de la France au sein d’une coalition d’une quarantaine de pays.

Le terrorisme et l’instabilité ont progressé dans la zone sahélienne et dans l’Afrique subsaharienne, parfois même « au nom de Dieu » ! Ainsi, en Centrafrique, animosité et haine de l’autre ont remplacé l’entente entre chrétiens et musulmans.

Persécutions, arrestations, viols, exécutions sommaires, telles ont été les exactions commises par l’organisation « Daesh », à l’encontre des civils en Irak et en Syrie parmi les musulmans chiites ou sunnites, les chrétiens, les Yézidis, les Kurdes, les Turcomans, les humanitaires, les journalistes et les reporters. Plus près de nous, en Algérie, le 24 septembre dernier, a été assassiné notre compatriote Hervé Gourdel.

En France même, au regard des événements internationaux et sous l’emprise des clichés médiatiques, des personnes en sont venues à exprimer publiquement le rejet de l’autre. Certains sont même parfois passés à l’acte.

Lors de récentes manifestations, on a entendu dans les rues de nos villes cette invective : « Mort aux Juifs ! ». Des églises et des calvaires ont été profanés. Les actes islamophobes se sont multipliés et banalisés. Des tags sont apparus avec cette inscription : « Mort aux Musulmans ! ».

Avec inquiétude, nous observons la montée de l’extrémisme, parfois même violent, chez des jeunes marginalisés, la dérive de quelques centaines de jeunes musulmans de France, présents en Irak et en Syrie aux côtés des terroristes de « Daesh », et le désir d’autres d’aller les rejoindre dans les zones de combat.

Mais tout n’est pas ténèbres. Familles et services de l’Etat ont fini par mesurer la gravité de ces situations. Des actions significatives sont en cours pour interpeller les responsables de ces recrutements et empêcher jeunes filles et garçons de se rendre en ces endroits.

Des jeunes vivent leur citoyenneté de manière constructive, au sein d’associations et de mouvements, par exemple dans le scoutisme, les clubs sportifs ou l’association interreligieuse Coexister ! Ils témoignent de ce que le dialogue et l’interconnaissance sont aujourd’hui, plus que jamais, nécessaires pour désamorcer cette situation explosive qui pousse les gens à vivre dans la peur et la crainte et à trouver refuge dans les options les plus extrêmes.

*

Ce regard sur notre époque et sur la vie de nos contemporains doit nous interroger sur nos propres responsabilités.

Avons-nous été assez vigilants ?

Avons-nous été suffisamment des veilleurs, prêts à dénoncer et à lutter, avec d’autres, contre les injustices de nos sociétés ?

Avons-nous été en capacité à donner aux hommes et aux femmes d’aujourd’hui du sens à leur vie, au sein de nos traditions religieuses ?

Avons-nous été profondément des croyants libres et engagés, habités du souffle de Dieu, prêts à témoigner de la fraternité des hommes et à agir pour elle, conformément à nos Ecritures ?

Avons-nous été suffisamment des croyants miséricordieux pour aimer le bien et le vouloir sincèrement pour tous les humains, comme nous le demande notre Seigneur ?

Avons-nous suffisamment jeté de ponts entre nos différentes communautés, créé des espaces d’échange et de rencontre, et renforcé la dimension d’entre-connaissance ?

Avons-nous vraiment veillé à apaiser les relations entre toutes les composantes de la nation ?

Reconnaissons humblement que les événements actuels ne sont pas que la faute des autres. Par le silence ou l’indifférence des uns, la compromission des autres et les louvoiements en matière de stratégies politiques et d’idéologies religieuses, nous portons une part de responsabilité.

*

Aujourd’hui, avec force, à travers différents appels et déclarations, les principaux responsables des communautés juives, chrétiennes et musulmanes ont dénoncé les violences à l’égard des minorités et reconnu le droit à tous de pouvoir rester et vivre librement sur leurs terres, dans la dignité et la sécurité, et à pratiquer leur foi.

Mais il nous faut aller plus loin, à savoir nous engager ensemble, juifs, chrétiens et musulmans, là où nous vivons, à oeuvrer au quotidien pour être des artisans de paix et de justice, pour faire reculer l’extrémisme, la persécution et le mépris de l’autre.

Aussi :

 Nous, diacres, évêques, imams, muftis, prédicateurs laïcs, pasteurs, prêtres, rabbins, nous nous engageons à travers nos prédications à promouvoir le respect de l’autre croyant et à inviter nos fidèles à être des citoyens actifs pour contribuer à une société fraternelle et solidaire ;

 Nous, enseignants, formateurs, éducateurs et catéchètes, nous nous engageons à favoriser auprès des enfants et des jeunes l’ouverture, le respect et la connaissance des autres cultures ;

 Nous, responsables d’institutions et de mouvements, nous nous engageons à favoriser l’écoute, le dialogue et le débat franc et respectueux qui conduit à l’estime mutuelle ;

 Nous, écrivains, journalistes, responsables de publication, nous nous engageons à développer dans nos médias une culture de paix et de citoyenneté, et à relayer toute initiative, action ou information invitant à la fraternité humaine ;

 Nous, élus et militants politiques, nous nous engageons à respecter, défendre et promouvoir, concrètement et pour tous, les valeurs qui fondent notre République : Liberté, Egalité, Fraternité ;

 Nous, syndicalistes, ouvriers, artisans et chefs d’entreprise, nous nous engageons à soutenir les projets qui permettent aux jeunes de s’ouvrir aux autres, pour aller au-delà des idées reçues, s'enrichir des différences et trouver leur place dans la société ;

 Nous, artistes, cinéastes et réalisateurs, nous nous engageons à initier et promouvoir des spectacles musicaux, films et pièces de théâtre qui promeuvent la culture du dialogue, l’écoute de l’autre et l’acceptation des différences ;

 Nous, intellectuels, éditeurs et penseurs, nous nous engageons à encourager toutes les initiatives de rencontres (forum, colloque, débat...), publications et espaces de réflexion qui favorisent le vivre-ensemble et luttent contre toutes les formes de rejet et d'extrémisme ;

 Nous, parents, nous nous engageons à transmettre à nos enfants ces valeurs millénaires que nos textes sacrés nous ont transmis, tel que le pardon, la miséricorde et la fraternité ;

 Nous, militants associatifs de tous horizons, nous nous engageons à développer les activités, loisirs et rencontres susceptibles d’apporter aux jeunes et aux enfants l'équilibre psychologique, spirituel, physique et intellectuel dont ils ont besoin.

Vous qui lisez ce texte, qui veut être une charte à l’engagement concret au quotidien, soyez nombreux à nous rejoindre !

Ainsi, croyants, citoyens, de toutes générations, nous nous engagerons ensemble, dans notre quotidien, à favoriser des attitudes de dialogue et de respect de l'autre pour construire ensemble un monde de paix.

Lyon, place Bellecour,

le mercredi 1er octobre 2014

Cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon

Père Eklemandos, Eglise copte orthodoxe

Révérend Ben Harding, Eglise anglicane de Lyon

Père Garabed Harutyunyan, Eglise apostolique arménienne

Monsieur Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon

Père Nicolas Kakavelakis, Eglise orthodoxe grecque de Lyon

Monsieur Joël Rochat, président du Consistoire du Grand Lyon de l’Eglise protestante unie de France

Monsieur Richard Wertenschlag, grand rabbin de Lyon

Mgr Jean-Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille

Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix – France

Mhammed Abdou Benmaamar, président de l’Union des musulmans du Rhône

Laïd Abdelkader Bendidi, président du CRCM Rhône-Alpes

Cheikh Khaled Bentounes, chef spirituel de la Fraternité soufie alawiyya

Mgr Yves Boivineau, président de Justice et Paix France

Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre

Benaissa Chana, vice-président du CRCM Rhône-Alpes

Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry, président du Conseil pour les relations interreligieuses de la Conférence des évêques de France

Mgr François Fonlupt, évêque de Rodez

Anouar Kbibech, président du Rassemblement des Musulmans de France

Amar Lasfar, président de l’Union des Organisations Islamiques de France

Mgr André Marceau, évêque de Nice

Ahmed Miktar, président de l'association imams de France, imam de la mosquée de Villeneuve d’Ascq

Mohammed Moussaoui, président de l’Union des Mosquées de France

Mgr Yves Patenôtre, prélat de la Mission de France, archevêque de Sens-Auxerre

Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, président de Pax Christi France

Christophe Roucou, directeur du Service des relations avec l’islam de la Conférence des évêques de France, Paris

Association Action Espoir

Fédération des Associations des Mosquées de l'Isère (FAMI)

Groupe interreligieux Fils d' Abraham, Lyon

Nacer Abouchi, professeur des universités, Lyon

Myriam Abtroun, sophrologue à Lyon

Youcef Achmaoui, enseignant en sciences islamiques, imam de Garges, journaliste à la chaîne IQRAA, Val d'Oise

Kaci Ait Yala, directeur général de Continental Edisson

Samir Arbache, professeur de théologie et d'histoire des religions - Faculté de Théologie - Université Catholique de Lille

Kamel Ariouat, responsable de la mosquée El Forqan à Vénissieux

Abdelwahab Bakli, professeur technique et responsable éducatif à Saint Etienne

Xavier de Barbeyrac, diacre, Saint-Marcel-lès-Valence

Salah Bayarassou, responsable de la mosquée Et-Tawba, Lyon 9ème

Jihade Belamri, chef d'entreprise à Lyon

Ahmed Belhay, responsable de la mosquée d’Oullins

Abdelbast Benhissen, imam de la mosquée de Pierre Bénite

Mohamed Bennaji, recteur de la mosquée de Meyzieu

Nora Berra, ancien ministre de la santé

Marc Botzung, prêtre spiritain, Paris

Mohamed Bouabdelli, responsable de la mosquée Erahma de Villeurbanne

Mouhssine Bouayade, chirurgien-dentiste, Saint-Priest

Frère Jean-François Bour, op, délégué diocésain au dialogue inter-religieux, Tours, Indre-et-Loire

Myriam Bouregba, sociologue, formatrice, actrice du dialogue islamo chrétien

Mohamed Bousekri, imam de la mosquée d’Annemasse

Khalid Bouyarmane, imam de la mosquée El Mohsinine "Croix blanche", Bourg-en-Bresse

Fouziya Bouzerda, adjoint au maire de Lyon, chargé du Commerce, de l’artisanat et du développement économique

Saïd Branine, directeur de la rédaction Oumma.com

Yves Brisciano, diacre, délégué diocésain aux relations avec l’islam, Créteil

Jean Carasso, journaliste, essayiste et éditeur, Vaucluse

Bénédicte du Chaffaut, théologienne, déléguée pour les relations avec les musulmans pour le diocèse de Grenoble-Vienne

Patrice Chocholski, curé-recteur d'Ars, Ars-sur-Formans (Ain)

Wafa Dahmane, journaliste à France 3 et Radio Salam, Lyon

Mustapha Dali, recteur de la mosquée Al Madina Al Mounawara de Cannes

Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon

Abdallah Dliouah, imam de Valence

Bruno-Marie Duffé, vicaire épiscopal « Famille et Société » et ancien Directeur de l’Institut des Droits de l’Homme de l’Université Catholique de Lyon

Nicole Fabre, pasteur de l’Eglise protestante unie de France, aumônier des hôpitaux

Abdelhamid Fatah, médecin réanimateur à Bourgoin-Jallieu et Lyon sud

Henry Fautrad, prêtre au Mans (Sarthe)

Arnaud Favart, vicaire général de la Mission de France

Vincent Feroldi, déléguée pour les relations avec les musulmans du diocèse de Lyon et co-fondateur du Forum islamo-chrétien

Martine Frénéa, membre du service diocésain du dialogue interreligieux, Clermont-Ferrand

Brigitte Frois, présidente de Keren Or, synagogue libérale de Lyon

Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othmane à Villeurbanne et co-fondateur du Forum islamo-chrétien

Franck Gacogne, prêtre du diocèse de Lyon et curé de Bron

Pierre Guichard, professeur honoraire de l’Université Lyon 2

Marie Jo Guichenuy, déléguée épiscopale pour l’oecuménisme à Lyon

Bruno Abdelhak Guiderdoni, astrophysicien et directeur de l’Institut des Hautes études islamiques

Fawzi Hamdi, recteur de la mosquée Oqba de Vaulx-en-Velin

Ahmed Hamlaoui, recteur de la mosquée de Villefontaine, recteur de la mosquée Dar Essalam de Villefontaine

Sr Colette Hamza, déléguée pour les relations avec les musulmans du diocèse de Marseille

Mosatafa Hassan, responsable de la mosquée de Nantua

Gérard Houzé, groupes oecuménique et interreligieux à Bron

Julienne Jarry, Villeurbanne

Georges Jousse, délégué diocésain aux relations avec l’islam, Bordeaux

Tallele Jrad, enseignant dans un collège de Villefranche sur Saône

Said Kabbouche, directeur de cabinet de la maire de Vaulx-en-Velin

Ali Kismoune, président du club Rhône-Alpes-diversité

Abdelhamid Kisrane, recteur de la mosquée de Givors

Bernard Lochet, prêtre, vicaire général du diocèse de Clermont-Frrand

Belgacem Louichi, responsable de la mosquée de Bron -Terraillon

Régine Maire, déléguée à l’interreligieux pour le diocèse de Lyon

Karim Menhoudj, imam de la mosquée de Lyon-Gerland

Saliha Mertani, responsable associatif à Vénissieux

Bruno Michaud, délégué de l'évêque de Chambéry pour les relations avec les musulmans

Gaby Moge, déléguée du diocèse d'Annecy pour les relations avec l'islam

Walid Naas, responsable SCI de la mosquée El Forqan à Vénissieux

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Hawwa Huê Trinh Nguyên, journaliste à Saphirnews.com, rédactrice en chef de Salamnews

Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux

Aldo Oumouden, porte-parole de la Grande mosquée Mohammed VI de Saint Etienne

Djamel Ourak, responsable de la mosquée Essalem, Lyon 3ème

Odile Payen, retraitée, Caluire et Cuire

René Pfertzel, rabbin de la synagogue libérale de Lyon

Emmanuel Pisani, directeur de l’ISTR de Paris

Jeanine et Michel Porte, délégués du diocèse de Moulins pour les relations avec l’islam, Montluçon

Jacques Purpan, prêtre de la Mission de France à Saint- Fons

Danièle Reppelin, membre du conseil diocésain de solidarité du diocèse de Lyon

Joël Satre, délégué diocésain aux relations avec les musulmans à Saint-Etienne

Hafid Sekhri, éducateur, membre du groupe interreligieux Abraham, Lyon 9ème

Mohamed Serbi, responsable de la mosquée de Chambéry

Jane Stranz, pasteur chargée de mission pour les relations oecuméniques de la Fédération protestante de France

Anne Thöni, pasteur de la Fédération protestante de France, présidente de la commission des relations avec l'islam, Paris

Magali Van Reeth, présidente de SIGNIS Europe, Aix en Provence

Anne-Sophie Vivier-Muresan, enseignante à l'Institut Catholique de Paris, Malakoff (Hauts de Seine)

Michel Younès, professeur de théologie et sciences religieuses, Université catholique de Lyon

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Publié le Mercredi 1 Octobre 2014 à 21:59:02

Manifestation interreligieuse et fraternelle à Lyon

http://media02.radiovaticana.va/audio/audio2/mp3/00446505.mp3

2014-09-30 Radio Vatican

Entretien - « Favoriser le respect de l’autre », c’est l’objectif de plusieurs responsables religieux chrétiens, juifs et musulmans qui ont appelé à un grand rassemblement mercredi soir à Lyon, à 19 heures, place Bellecour. Une mobilisation alors que les exactions de l’Etat islamique en Irak et en Syrie se sont multipliées suscitant l’inquiétude et la révolte. Il s’agira, indique le diocèse de Lyon de « vivre un temps de fraternité et d’engagement ». Sur son site, la mosquée Othmane de Villeurbanne appelle ainsi tous les musulmans, tous les croyants et tous les citoyens à se rassembler « dans un contexte où on tente de nous opposer et nous imposer la haine et le rejet de l’autre ». Parmi les personnalités qui seront présentes : le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon.

Lors de ce grand-rendez-vous, un texte intitulé « Nous nous engageons », signé déjà par une centaine de responsables religieux, du monde politique ou de la culture, dont le grand rabbin de Lyon, Richard Wertenschlag, sera rendu public. Il servira ensuite de base aux travaux du quatrième Forum islamo-chrétien qui se tiendra à Lyon les 28, 29 et 30 novembre.

A l’origine de cette initiative : Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne et le père Vincent Feroldi, délégué épiscopal aux relations avec les musulmans. Ce dernier nous explique le sens de cette démarche

Ce rassemblement fait suite aux événements qui sont survenus, en particulier au Moyen Orient, que ce soit le conflit israélo-palestinien ou la guerre en Irak et en Syrie et puis tout dernièrement, malheureusement ces actes atroces et barbares issus de l’organisation terroriste Daech (Ndlr, Etat islamique). En France, la population a été très choquée par l’assassinat d’Hervé Gourdel. On s’est dit qu’il fallait immédiatement inviter les Lyonnais et même plus largement, tous les responsables religieux et finalement, tous les citoyens à dire « non » à ce terrorisme, « oui » à une vie fraternelle citoyenne et en même temps, à s’engager très explicitement au quotidien en fonction de nos responsabilités diverses, mais multiples.

Chacun a un rôle à jouer, à la fois les leaders religieux, les parents dans l’éducation des enfants, mais aussi les médias. Qu’attendez-vous des différents acteurs de la société ?

Qu’ils se rassemblent avec nous, non seulement Place Bellecour à Lyon, mais également sur un texte d’engagement qui va s’intituler « Nous nous engageons » et où, les uns et les autres vont pouvoir s’engager en fonction de sa responsabilité. Par exemple les évêques, les rabbins, les muftis et les pasteurs, dans leurs prédications peuvent interpeler les fidèles sur comment vivre la fraternité, comment construire ensemble un monde plus juste, plus solidaire. Les élus politiques peuvent s’engager, dans leurs actions politiques, afin d’éviter ces cloisonnements ou ces communautarismes mais au contraire, inviter tout le monde à vivre profondément la citoyenneté. Les éducateurs et les enseignants peuvent ouvrir en particulier les jeunes à un monde pluriel et multiculturel. Les parents et les familles peuvent montrer à leurs enfants le respect de l’autre. Voilà, c’est toute une série d’engagements. Et puis, il y a aussi le monde de la culture qui est sollicité.

Vous sentez aujourd’hui à Lyon et dans sa banlieue un climat de tensions, de radicalisations ? Les communautés sont-elles en train de se referme r sur elles-mêmes ?

Alors, je ne sais pas si elles sont en train de se refermer mais en tout cas, c’est la peur. Par exemple, je vois tout à coup la communauté chrétienne qui a peur. Peur d’un Isla m qu’elle ne connait pas très bien. Les musulmans ont peur d’être stigmatisés alors qu’autour de moi, tous les musulmans que je connais disent : « Notre religion, ce n’est pas cela. L’Islam, c’est un Islam de paix, un Islam de fraternité et on dénie à ces terroristes le droit d’utiliser notre religion ». Et donc, à partir de ces peurs, de ces craintes et de ces troubles, il est important de justement aider les uns les autres à reconnaître et à découvrir l’autre vraiment sur ce qu’il est et non pas sur ce que sont les images qu’on a au plus profond de nous-mêmes malheureusement, des slogans ou des actes terribles comme ceux que font l’organisation Daech.

Face aux récentes exactions et notamment, aux décapitations, il est fondamental que les différents leade rs religieux affichent main dans la main leur refus de ces violences ?

C’est fondamental et peu à peu, chacun a pris vraiment en compte l’importance de se montrer ensemble. Et non seulement le monde religieux mais la société civile nous rejoint aussi. Et c’est pour cela que des hommes politiques, des gens de la culture, des citoyens et des membres d’association s’engagent à nos côtés. Tous disent qu’ils s’engagent avec nous. Vous avez senti de la part des musulmans avec qui vous travaille z un réel malaise, une réelle blessure suite à ces violences et à ce qui est en train de se passer en Irak et en Syrie ?

Malaise, blessure mais même, indignation et révolte en disant « mais non, l’Islam, ce n’est pas cela ». Ayant vraiment peur parce qu’autour d’eux, ils se rendent bien compte que des nonmusulmans font malheureusement cet amalgame entre l’Islam, l’islamisme et le terrorisme. Et il est important pour eux de le dire, d’en témoigner et de se sentir soutenus. Donc, c’est pour cela qu’il est aujourd’hui essentiel de témoigner de la fraternité. Et c’est même urgent de pouvoir bien le montrer.

Source : http://www.news.va/fr/news/manifestation-interreligieuse-et-fraternelle-a-lyo

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Publié le Mercredi 1 Octobre 2014 à 21:50:30

Cazeneuve : “Faire cesser la stigmatisation des musulmans”

Par Razik Brikh, LYON CAPITALE le 30/09/2014

Malgré un emploi du temps chargé en raison des inondations dans l’Hérault, le ministre de l’Intérieur est venu à Lyon ce mardi pour les 20 ans de la Grande mosquée.

Il devait rester une demi-journée, il est finalement parti au bout d'une heure. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a fait un passage éclair mardi à Lyon dans le salon d’honneur de l’hôtel du département du Rhône. En raison des inondations qui ont sinistré l’Hérault, le patron de la place Beauvau a été contraint d'annuler sa participation à la cérémonie prévue mardi après-midi au cimetière de la Mulatière en hommage aux soldats musulmans morts pour la France. Après les allocutions de Danielle Chuzzevile la présidente du Département du Rhône et de Kamel Kabatane le recteur de la Grande mosquée de Lyon ? Bernard Cazeneuve a délivré un message fort sur le rôle des instances musulmanes de Lyon.

"Un certain génie lyonnais"

"La Grande mosquée est aujourd’hui le symbole d’un islam serein, de croyants engagés dans la société et ouverts au dialogue inter-religieux, d’une religion dont chacun peut constater ici le rôle fécond qu’elle tient dans un cadre parfaitement républicain." Et de poursuivre : "La basilique de Fourvière occupe une place particulière dans le coeur des Lyonnais, mais la plupart d’entre eux ne concevraient sans doute plus leur ville sans sa Grande mosquée."

En présence de nombreux élus et personnalités religieuses comme le grand Rabin de lyon et le Cardinal Barbarin, le ministre de l’Intérieur a rappelé l’exemplarité de la ville de Lyon en matière de dialogue inter-religieux. "A sa manière, la vie (de la Grande mosquée) témoigne également d’un certain génie lyonnais du vivre-ensemble, qui consiste à savoir faire cohabiter harmonieusement les courants philosophiques ou religieux les plus variés, a-t-il indiqué. Les fidèles musulmans de Lyon ont bénéficié de cette heureuse tradition et ils contribuent à la faire vivre à leur tour."

"S’attaquer aux musulmans de France, c’est s’attaquer à la République"

Avant quitter Lyon pour l’Hérault, Bernard Cazeneuve a tenu a rassuré les musulmans de France affligés par les amalgames entre leur religion et les terroristes. "Il arrive en outre, trop souvent, que les insinuations, les théories du complot et les petites phrases haineuses débouchent sur des passages à l’acte, sur des menaces adressées aux fidèles, sur la profanation des lieux de cultes et même sur des agressions physiques." Et d’ajouter : "Je veux redire ici, une nouvelle fois, que ces paroles et ces actes sont intolérables, que la République protège et protègera tous ses enfants. S’attaquer aux musulmans de France, c’est s’attaquer à la République."

A la fin de son discours, le ministre de l’Intérieur a promis de revenir prochainement à Lyon pour "saluer la mémoire des soldats musulmans morts pour la France" enterrés au cimetière de la Mulatière.

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