Le front penché sur ma mémoire,
Je ne m'étais pas aperçu,
A deux pas de mon écritoire,
Que le printemps était venu,
Que l'été frappait à la porte,
Que les blés allaient blondissant
Ivres d'une vie belle et forte,
Mystérieux enchantement.
J'étais prisonnier d'une histoire.
Que n'avais-je levé les yeux
De cet horizon dérisoire
Pour une envolée de ciel bleu !
Un souffle, un rien, une romance,
Quelque chanson venue d'ailleurs
Me tirer de la somnolence,
Redonner soleil à mon coeur.
Ouvrir la porte à l'inconnu,
L'accueillir afin qu'il se nomme,
Un bonjour au premier venu,
Cela valait la peine en somme.
Alors j'ai pris ma pèlerine
Et m'en suis allé par les bois
Sur les chemins de Mélusine
Du temps qu' « Il était une fois »
Que les animaux comprenaient
Les hommes, parlaient leur langage.
En ce temps-là, chacun savait
Que notre monde est un Visage.
Livre sacré dont chaque page,
Du grain de sable au firmament,
Cache une fée sous son image
Qui sait nos cœurs et nous attend.
AG
Combien d'hommes
Dans un homme
Pour un seul visage
En somme ?
Combien de voix
Dans une voix ?
Combien de fous ?
Combien de rois ?
AG
Toutes les figures du monde,
De berceau jusques en linceul,
Au fil des jours qui vagabondent,
Sont les lettres d'un Mot, d'un Seul.
Point d'isolé dans cette ronde,
Car nul enfant n'est sans aïeul.
Toutes les figures du monde,
Sont les lettres d'un Mot, d'un Seul.
Qu'une main frôle l'ombre d'une,
L'univers palpite à l'instant
Pareil au reflet de
Que ride un souffle sur l'étang.
Elles sont membres d'un grand Corps
Où l'autre est un peu de soi-même.
L'ignorant, qui sème la mort,
Se détruit donc et ceux qu'il aime.
Mais que jaillisse une étincelle,
Le feu d'un véritable amour,
Alors une aurore nouvelle
Retombe en pluie d'or alentour.
D'un coup, la vie devient plus belle.
Je retrouve au fond de tes yeux
Ce bonheur qui donne des ailes
Et rend le monde merveilleux.
Oui, tout est lié dans la ronde,
Car nul enfant n'est sans aïeul.
Toutes les figures du monde
Sont les lettres d'un Mot, d'un Seul !
Alain Gautron
Ainsi que rosée aux doigts de l'aurore,
Sublimé par quelque souffle enchanteur,
Je prends mon envol aux cieux, m'évapore,
Ivre du parfum de l'air, des couleurs.
Oh ! suivre le vent qui court sur la plaine,
A son chant fougueux confondre ma voix,
Caresser les blés, boire à la fontaine,
J'aurais même fait jusqu'au tour du monde,
Si, me retournant vers notre maison,
Je n'avais croisé, rien qu'une seconde,
Ton regard si doux qui m'en disait long !
Alain Gautron
Les temps barbares
En son palais d'azur soupirait Polymnie*...
Que pouvait-elle encore espérer des humains,
De ces peuples rageurs, prompts à la barbarie,
Pour un oui, pour un non, les armes à la main ?
Ils justifient qu'on brûle et que l'on assassine,
Prennent pour idéal ce qui n'est que folie,
Brandissant leurs drapeaux quand fument les ruines ?
Voici les Temps barbares,
Sonnez cavalerie !
Le poète raillé gît dans la poussière.
On a jeté sa lyre indocile aux pourceaux.
Il n'entend même plus cette voix qui naguère
Répondait à son coeur, de
Lui qui chantait l'amour, on le montre du doigt,
Qui louait la beauté, voici qu'on l'injurie.
Le monde a pris soudain la couleur de l'effroi.
Voici les temps barbares,
Sonnez cavalerie !
Il espère, il implore, tend ses mains inutiles
Puis s'effondre, pleurant son destin malheureux.
Alors Elle descend, saisit les doigts fébriles
Et l'entraîne avec Elle au travers des cieux.
Sur
Des éclairs ont zébré les nuées en furie.
Rugissant, les Enfers aux Cieux ont répondu :
Voici les Temps barbares !
Chargez cavalerie !
AG
* Muse de la poésie