La fin du monde est sur terre avec nous
Elle se trouve parmi les victimes nombreuses de Bagdad,
Elle se trouve parmi les morts innombrables que font les hommes
Quand la vie tout autour semble terne,
Elle se trouve dans la fumée de serre qui monte avec sa lame vers l’ozone
Elle se trouve dans les ogives nucléaires des puissances armées
Qui n’attendent plus que le jour d’anniversaire de l’Ennui
Pour lancer à tout va leurs artifices de destruction massive,
Elle se trouve dans le regard de la femme battue, violée, excisée
Que les impies sans masque passent au crible de la vie,
Elle se trouve dans les passions viles lorsqu’au comble de la folie
Des vieillards impuissants se plaisent à caresser des gamines de huit ans,
Elle se trouve dans les brûlures du visage et du corps, stigmates indélébiles
Qu’on porte pour le restant de sa vie, même dans la douceur de la mort.
La fin du monde est sur terre avec nous
Elle se trouve dans les mariages de personnes de même sexe,
Elle se trouve dans cinq seconde de plaisir non protégé.
La fin du monde est sur terre avec nous
Elle n’a pas accompagné Adolf dans son invisible voyage,
Elle se trouve dans le Darfour ou a lieu le jugement avant l’heure
Elle se trouve dans la sécheresse du Kenya ou meurent les vaches maigres
Elle se trouve dans les montagnes en feu, dans les secousses du Tsunami
Elle se trouve dans les typhons de l’Amérique, cyclones et ouragans intrépides
Qui font des Etats-Unis un pays du Tiers monde.
Un pas aux portes de la grande ville
Avec son vieux pont à sens unique,
Sa morgue qui dit bonjour,
Quand la rue gigantesque du N’zo,
Ce fleuve mythique, étendue mystique
Donne l’illusion d’une chute sans précédent
Et je baigne encore une fois dans le cœur vif
Du village des hommes, de la cité du pardon
Ou j’ai tété jusqu’à la maternelle sans gène
Le sein de ma mère sous le regard de mon père.
A peine revenu, voilà ils accourent
A grands pas dans le sourire de la mélancolie ;
A peine descendu, voilà ils m’embrassent
A bras ouverts, dans la joie de la nostalgie ;
Eux , les premiers souvenirs de ma vie de ma vie d’enfant.
Ils ne m’ont pas oublié, moi leur fils, moi l’ami
En qui ils ont mis une grande confiance,
Car je me rappelle les fois, tous les moments
Ou seul en leur compagnie dans nos rues nues
Avec leur poussière à méningite
Je leur promettais que le maire les bitumerait
Pour qu’enfin nos mères braves, femmes attentionnées
Portent les produits de leur terre de providentielle.
Toutes les fois que seul dans les sentiers je traînais,
Tous les fils de l’ombre devenu comme moi
Ne cessaient de me chanter dans cette constante ténèbre
Les paroles d’espoir composées dans les malheurs d’ici.
J’entends encore tonner en mon indélébile mémoire
Le refrain de ces notes lointaines et lancinantes.
Toutes les fois que je me rendais à la Place Publique
Voir les yeux levés aux cieux la grande tour tricolore,
Poumon puissant des eaux de la capitale du Moyen Cavally
Je mesurais enfant déjà la taille normale de mes rêves
Qui n’avaient d’égal que cette fière hauteur de béton
Qui surplombe orgueilleusement le beau ciel de cette cité.
Si j’avais pu par quelque miracle gravir cette pile orange blanc vert,
Lieu de retrouvailles de ces augures oiseaux noirs,
Evidemment j’aurais pleuré ce que rejetait ce vieux château
Quand il faisait la cure de ses eaux, tant j’aurais compris
Avec quelle violence de négligence et quelle force de mensonge
Le feu qu’on pensait à l’époque être la flamme de l’espérance
N’était que le souffle de l’utopie né dans le vent de la haine.
Tout va mal dans le pays.
Tout sent mauvais ici,
L'air est pollué ; les ordures pullulent les rues.
Tout va mal dans la nation.
Tout sent mauvais par ici,
L'argent est sale ; il porte l'odeur de la mort.
Les mains sont tachées.Du sang des innocents, sang des pauvres.
Tout va mal chez nous
Les dents sont blanches, les cœurs sont noirs.
Tout le monde voit, tout le monde sait
Tout le monde parle, mais personne ne dit rien.
Tout va mal dans le pays.
La vie est à l'envers, les enfants dans les rues.
Les princes sont à terre, pauvres enfants de pauvres !
Leur diplôme est excellent…, le destin est cruel.
Tout va mal chez nous
Les esclaves sont à cheval ; ils marchent sur le tapis rouge,
Tous ceux qui portent dans les mains les fusils.
Tout va mal dans la nation.
Tout est à l'excès : le sexe, la cigarette, la bière.
Tout le monde a les yeux fermés. Très vite avance la mort.
Nos frontières sont des pores sans fond ;
On laisse grandir la haine dans le palais de l'amour.
Tout va mal dans le pays.
Tous nos frères d'en haut nous ignorent ;
Notre cacao mondial pousse dans leurs déserts arides.
Tout va mal chez nous.
Les policiers surveillent leurs poches, les gendarmes sifflent les bières,
Les rebelles prennent du poids, l'économie meurt.
La pluie tombe, les marchés brûlent ;
Les terres ont été vendues aux étrangers,
Nos sœurs n'aiment plus nos odeurs car on a le parfum de la misère.
Couché dans un cercueil de mousse douillet,
Recouvert du linceul de la nuit
La petite mort semble m'avoir abandonné.
Retourné sur le dos dans cette tombe obscure
Mes yeux larmoyants admirent le vide tout autour.
D'ici j'entends, j'imagine ; j'entends tout, j'imagine tout.
J'entends l'aiguille des secondes courir après le temps
J'entends le souffle grognant de l'ombre de la nuit
J'entends le bruit de la chasse d'eau, le ronflement du chien
J'entends le chant matinal du Muezzin élevant l'Islam
J'entends le cri du moustique, le bruit d'un moteur, alors
J'imagine l'aurore dans sa sueur de rosée poursuivre la pénombre
J'imagine les femmes au village avec leur balai dans la poussière
J'imagine le martèlement de l'urine dans la cuvette du bidet
J'imagine les musulmans le visage froncé, le sourire du voleur
J'imagine les mains furieuses à la chasse aux moustiques
J'imagine le voisin dans son costume de bureaucrate boire son express
J'imagine les pauvres rêver de Boeing, les riches dormir à peine
J'imagine les policiers fatigués, ranger leurs dernières pièces d'argent
J'imagine les conducteurs avec leur café serré lever haut la main
J'imagine les petites filles dioulas avec leurs cuvettes d'oignon
J'imagine mes sœurs penser à leur petits amis, à leurs bières
Racontant tout sourire les mains dans les cheveux leurs folies d'hier.
Le prisonnier ne porte pas toujours aux pieds des chaînes,
Pourtant il sait faire la différence entre Paradis et Enfer.
Lorsqu’on marche droit dans le désert de la nuit vilaine
Et qu’on regarde la voûte se recouvrir de nuages,
Il n’est pas impossible qu’on tombe dans l’abîme de la vie.
La vraie prison pour l’homme, geôle hermétique et infranchissable
Avec ses murailles plus solides que Bastille, plus hautes que Jéricho,
Se trouve dans l’âme orgueilleuse, dans l’esprit démesurément hautain.
Lorsque les hommes, prisonniers de leurs loisirs exécrables
Feignent de voir à leur cou le joug inflexible de l’insouciance assassine
Il ne reste plus qu’à Hitler de s’asseoir à la droite de Jésus-Christ.
Lorsque les hommes avec leur long poil, leurs logues moustaches noires
Se bercent à trente ans dans les douces rêveries de Noël,
Il ne reste plus qu’aux enfants de diriger le monde.
Quand l’âme semble enchaînée dans le bagne de notre intérieur,
Elle ne peut en sortir que grâce à la clé des convictions fortes.
Si un fils a le malheur d’avoir un père ami des bouteilles,
Il ne devrait pas s’attendre à Alice au pays des Merveilles ;
L’Etat ne viendra jamais vêtu de laine rouge et monté sur un char
D’où scintilleront pimpantes et claquantes de nombreuses liasses d’argent.
Si entre deux maux on devrait choisir le moindre,
Misère et Pauvreté c’est la même chose qu’Apartheid et Esclavage.
Deux cents ans de ségrégation ont enfanté le peuple noir d’Amérique
Cent ans de colonisation ont engendré Césaire et
Mais cinquante ans d’Indépendance n’ont eu rien que des poupées d’occident
Tout est possible à l’Afrique qui croit, à l’Afrique des Africains
Qui croient qu’au-delà de la réalité des inutiles tueries et guerres insensées
Se cache un continent plein d’un rayonnant avenir, riche et prospère.
Si l’on vous prêche, frères d’attendre dans vos chaises handicapées
Que Dieu envoie du ciel du riz et du poisson, on vous trompe,
Jésus-Christ n’est pas le cuisinier des prisonniers de l’esprit.