Un jour je serai assis sur une chaise sculptée dans du bois,
Seul dans le sous-sol de mon manoir près du N’ZO
A lire «l’art d’être grand-père », à compter mes jours.
Un jour je serai riche ; ce n’est pas mon rêve
Un jour je serai célèbre ; ça ne vaut rien
A quoi ça rime tout ça, de ne pas être libre…
De m’acheter une banane à la braise dans un coin de la rue
De me joindre à la foule sincère des « Titrologues » de mon pays
De marcher les mains au vent, sans visière ni capuchon.
Un jour je mourai ; un jour je serai poussière, on m’oubliera
Un jour on priera pour moi ; on m’apportera des fleurs
Un jour on se posera des questions sur moi, sur Adiaffi, sur Kourouma
Peu importe ils s’en foutent ; de moi, d’Adiaffi, de Kourouma
Qui se cache derrière ce grand voile,
Quelqu’un digne d’être mon étoile ?
Qui se cache derrière ce grand voile,
Quelqu’un digne de poser sur ma toile ?
Ce siècle était vieux quand tu vins au monde,
Il traînait les pas, tu poussais tes premiers cris.
La terre était belle, les forets denses, véritables abris ;
Les pluies tombaient beaucoup.Le soleil dans sa ronde
Quotidienne souriait aux savanes fleuries des régions alentour.
La lune n’oubliait pas d’éclairer les villages sans borne.
La nuit soufflait le vent. Les étoiles de la voûte faisaient le tour,
La fourmi savait sa route, le rhinocéros peignait sa corne.
Les cimes des arbres portaient de drôle de couleur,
Les Noirs vaillants face aux Blancs dans le saule
Avec leurs bras forts de nègres. Les rayons de chaleur
Restaient cachés dans les cheveux verts des arbres touffus. Sol
Vierge, terre riche ! Dans le calme obligé du colon impérial
Poussaient les poils d’Eburnie, magnifique lit de duvet
Qu’allait recouvrir cette terre tienne où tu croissais jovial
Et heureux. La nature était austère, les énormes nuages bavaient
Des pluies diluviennes que buvaient toujours gloutons les arbres
Centenaires dont les longues racines épaisses formaient les nervures
De la terre sauvage où vivaient nos soixante ethnies sans palabres.
Puis l’époque vint, époque de tes contemporains ayant souffert les bavures
Noires des Blancs, sous le hideux étendard tricolore de l’impérialisme aux deux visages ;
Epoque de tes épaules innocentes dont se servait l’envahisseur pour avancer
Dans sa marche , la marche dans la conquête d’une terre d’hommes sauvages ;
Terre précieuse à mettre en valeur, hommes barbares à faire danser
La musique libératrice des civilisations occidentales, bénies cultures des dieux.
Puis l’époque vint, époque de la servitude réelle qui traçait heureusement les chemins
De la modernité ; longues routes commerciales, chemins de fer sans fin et mieux
Premières cultures d’exportation. Même si tu avais les pieds et les deux mains
Liés par l’excessive vénération du Toubab, tes yeux ont vu les douleurs
De l’enfantement du développement, de ce développement sur les sillons
Duquel nous marchons sans voir l’issue lumineuse qui essuiera les pleurs
Agacés de nos ventres rachitiques qui meurent peu à peu sous les aiguillons
De nos politiques sans permis de conduire, conducteurs aveugles de peuplades ignorants.
Qui se cache derrière sur cette grande toile,
Certainement une terre qui oublie de prendre, de la scène, les devants ;
Certainement des hommes qui ne voient pas briller dans le ciel leur étoile.
Le destin, divin maître, avait tiré les cartes et lancé le dé
D’une ère où les hommes ne sauraient pas quoi faire de leur vie ?
Pendant que tu reposes sur tes terres ancestrales, à Kaadé
Ton petit-fils gît dans une nation complètement dévastée et meurtrie.
Sur la terre bénie des hommes brûlés par Phaerte
Depuis le septentrion où règnent dunes et terre déserte
Jusqu’au pays hérité des descendants de notre père Koush,
Les hommes mangent des carouges, dans la paille se couchent
Femmes et enfants. Lorsqu’on a pour consolation la misère
C’est évident qu’on aura pour toute collation la poussière.
Dans le pays des Ethiopiens, ces fiers hommes très forts,
Si on a la chance de vivre, on pense moins au confort
Car on peine à se remplir la panse et ventre plutôt
Et lorsque par des journées difficiles on se lève très tôt
On rentre chez soi rarement avec un sou en poche.
Quand on vit dans le noir, on a besoin d’une torche
Pour s’éclairer le chemin afin de mieux marcher sur la route.
Sur les terres d’Afrique avec leurs soleil et étoiles dans la voûte,
Pendant que la pluie abondamment sur les forets s’abat,
Pendant que les animaux après leur prodigieux ébat
Traînent derrière eux leurs petits excités à la mamelle,
Et satisfaits s’éloignent un grand instant de leur femelle,
Pendant que le serpent féroce par un butin réussi
S’endort rassasié au bord des gros arbres sans souci,
Pendant que les espèces rares d’arbres donnent
Des fruits et que les éléphants de leur trompette sonnent
Le cri de victoire de ces êtres nécessaires et indispensables
Meurent les petits Noirs dans les conditions lamentables.
Sous les terres tropicales avec leurs saisons toutes régulières,
Pendant qu’à des lieues tout bas l’homme recherche les précieuses pierres,
Pendant que la terre providentielle vomit ses trésors cachés,
A peine nos mères soucieuses arrivent-elles à se rendre sur les marchés
Pour préparer pour nos ventres affamés un peu de bonne nourriture.
Quand de toute cette triste réalité ressortent les vraies caricatures,
Peintures hilarantes et effrayantes de ce vivant Tartare,
Les fines oreilles entendent au loin le son de cette nocturne guitare
Que ces petits Noirs ne cessent tout le jour, même pendant la nuit
De jouer pour que le monde de l’au-delà ne perçoive rien qu’un bruit.
Dans le cliquetis agréable des paisibles et doux climats,
Pendant que les pauvres dorment dans des quartiers sans schéma,
Pendant qu’un peuple entier, du Nord jusqu’au Sud
Se trouve fatigué et las d’une crise sotte et absurde,
Pendant qu’on les fait languir sur les tables garnies du Président,
Leur faisant qu’on recherche des sorties de crise, et ce temps pendant…
On les tue nuitamment en empoisonnant leurs soutes
Par le déversement de déchets toxiques aux odeurs qui envoûtent.
Vous etes arrivés sans crainte sur le dos du pirate de Koala,
Ce cheval borgne de l’œil droit qui porte la mort sur un plat,
Marchant avec fierté devant l’escadrille de l’ombre funeste
Ayant dressé entre deux escortes une moquette rouge céleste ;
Vous etes arrivés avec le sceau béni des signatures mortelles
Les gens mouraient dans les hôpitaux, vous dormiez dans vos luxueux hôtels
Les opposants n’ont pas protesté, les Patriotes n’ont pas pris la rue,
Ce fut vraiment triste.Qu’est-ce que le bœuf s’il n’y a pas de charrue,
Qu’est-ce qu’une nation qui ne considère que ce qui finit sa course dans la cuvette
Blanche des toilettes ; vous etes les charognards, nous sommes les bêtes
Idiotes qui vous suivent sur des chemins que vous ne prenez point.
Je ne cesse tous les jours qui passent
De me souvenir de temps jadis,
Lorsque dans la foi, loin des vices
Mon cœur plein de vie se vidait d’angoisse
Je ne cesse toutes les nuits qui coulent,
Calmes avec leur suave odeur de froid,
Dans la force que procure Jésus sur la croix,
De voir mon âme prendre plaisir hors des foules.
Elle est pourtant bien loin derrière,
Cette époque d’amour, de zèle, époque de foi
Avec ses cantiques, ses méditations sur
Dans l’espérance que donne une bonne vie de prière.
Déjà bien longtemps, depuis un bon moment,
Mon cœur réduit sa ferveur de demi
Et comme un chien qui après avoir vomi
Retourne sans gène avec envie à ses vomissements.
Mon âme erre çà et là dans un vaste désert
Avec son sable dans le vent, avec son froid dans la nuit
Noire qui d’un feu tout rouge brille et luit,
Une nuit noire que perce les yeux d’Eben-Ezer.
Mon cœur de remords regrettables est envahi,
Mordu par les violents cris d’amères douleurs
Qui naissent par la marche à reculons vers la lueur
Quand on sait en vérité Dieu avoir trahi.
La lumière qui sauve touche mon corps par le dos
Pendant que mon visage baigne dans la marre ténébreuse
La marre mouvante profonde, mouvante boue vénéneuse
Qui ronge mon âme jusqu’au loin vers les os.
Assis pourtant dans la foule nombreuse et bruyante,
Mangeant pourtant avec mes amis, priant avec l’église
Je me sens seul, si seul que mon cœur se brise
Là-bas tout au fond que ma main flotte dans la fente.
Couché pourtant dans le noir de ma chambre,
Mon souvenir se noie dans la mer de délices
Que Dieu prépare pour tous ses nouveaux fils
Qui du corps du Christ se réclament être membres
Il ne me reste plus rien, plus rien que des souvenirs,
Moi qui autrefois pénétrait les secrets de Dieu
Moi qui autrefois connaissait la sagesse des cieux ;
Il ne me reste plus rien, je ne connais plus mon avenir.
Jamais dans le monde un pays n’aura connu tant de crises !
Crises politique et militaire qui divisent l’Etat en deux, le peuple en mille ;
Crise sociale qui fait marcher les hommes sur la tête ;
Crise du logement qui fait dormir les pauvres sur du chaume ;
Crise environnementale qui détruit la nature et la vie saine ;
Crises de générations qui font oublier les repères d’hier ;
Crise de jeunesse qui valorise l’oisiveté et la violence ;
Crise commerciale qui fait vivre au-dessus des moyens ;
Crises des intelligences qui ralentissent la marche du développement ;
Crise de la justice et du droit qui blanchit les criminels et les voleurs ;
Crise de l’ordre qui fait ministres les gens qui ne le méritent pas ;
Crise de la vérité qui fait mentir les politiciens sans scrupule ;
Crise de l’éthique qui fait délirer les journalistes partisans ;
Crise du souvenir qui fait oublier les prodiges d’Houphouët ;
Crise de l’école qui fait confondre rentrée des classes et vacances ;
Crise de l’hospitalité qui fait voir certains étrangers d’un mauvais œil ;
Crise de la santé qui fait mourir les malades sur les bancs d’attente ;
Crise des religions qui assombrit l’image du divin et son grand ;
Crise de l’avenir qui ferme l’œilleton du futur aux yeux des penseurs ;
Crises universitaires que n’ont pas résolu dix milliards de francs ;
Crise de démocratie qui fait haïr ceux qui pensent autrement ;
Crise d’autorité qui caresse le dos poilu des coupables des déchets toxiques…