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l'entreconnaissance

Publié le Dimanche 21 Septembre 2014 à 11:20:04

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme Islamique.

 

Le 5 août 1990 les pays musulmans ont signé, au Caire, leurs propres droits de l’Homme, subordonnant notre Déclaration Universelle des Droits de l’Homme aux leurs. 

Cette " Déclaration " a été adoptée par tous les Pays islamiques le 5 août 1990, au Caire (Egypte), lors de la 19e Conférence islamique des ministres des Affaires étrangères.

Préambule : Réaffirmant le rôle civilisateur et historique de la Ummah islamique, dont Dieu a fait la meilleure Communauté; qui a légué à l'humanité une civilisation universelle et équilibrée, conciliant la vie ici-bas et l'Au-delà, la science et la foi; une communauté dont on attend aujourd'hui qu'elle éclaire la voie de l'humanité, tiraillée entre tant de courants de pensées et d'idéologies antagonistes, et apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste; 

Soucieux de contribuer aux efforts déployés par l'humanité pour faire valoir les droits de l'homme dans le but de la protéger contre l'exploitation et la persécution, et d'affirmer sa liberté et son droit à une vie digne, conforme à la Charria; 

Conscients que l'humanité, qui a réalisé d'immenses progrès sur le plan matériel, éprouve et éprouvera le besoin pressant d'une profonde conviction religieuse pour soutenir sa civilisation, et d'une barrière pour protéger ses droits; 

Convaincus que, dans l'Islam, les droits fondamentaux et les libertés publiques font partie intégrante de la Foi islamique, et que nul n'a, par principe, le droit de les entraver, totalement ou partiellement, de les violer ou les ignorer, car ces droits sont des commandements divins exécutoires, que Dieu a dicté dans ses Livres révélés et qui constituent l'objet du message dont il a investi le dernier de ses prophètes en vue de parachever les messages célestes, de telle sorte que l'observance de ces commandements soit un signe de dévotion; leur négation, ou violation constitue un acte condamnable au regard de la religion; et que tout homme en soit responsable individuellement, et la communauté collectivement; Se fondant sur ce qui précède, déclarent ce qui suit :

Article 1 

a) Tous les êtres humains constituent une même famille dont les membres sont unis par leur soumission à Dieu et leur appartenance à la postérité d'Adam. Tous les hommes, sans distinction de race, de couleur, de langue, de religion, de sexe, d'appartenance politique, de situation sociale ou de tout autre considération, sont égaux en dignité, en devoir et en responsabilité. La vraie foi, qui permet à l'homme de s'accomplir, est la garantie de la consolidation de cette dignité. 

b) Les hommes sont tous sujets de Dieu, le plus digne de sa bénédiction étant celui qui se rend le plus utile à son prochain. Nul n'a de mérite sur un autre que par la piété et la bonne action.

Article 2 

a) La vie est un don de Dieu, garantie à tout homme. Les individus, les sociétés et les Etats doivent protéger ce droit contre toute atteinte. Il est défendu d'ôter la vie sans motif légitime. 

b) Le recours à des moyens conduisant à l'extermination de l'espèce humaine est prohibé. 

c) La préservation de la continuité de l'espèce humaine jusqu'au terme qui lui est fixé par Dieu est un devoir sacré. 

d) L'intégrité du corps humain est garantie; celui-ci ne saurait être l'objet d'agression ou d'atteinte sans motif légitime. L'Etat est garant du respect de cette inviolabilité.

Article 3 

a) Il est interdit, en cas de recours à la force ou de conflits armés, de tuer les personnes qui ne participent pas aux combats, tels les vieillards, les femmes et les enfants. Le blessé et le malade ont le droit d'être soignés; le prisonnier d'être nourri, hébergé et habillé. Il est défendu de mutiler les morts. L'échange de prisonniers, ainsi que la réunion des familles séparées par les hostilités constituent une obligation. 

b) L'abattage des arbres, la destruction des cultures ou du cheptel, et la démolition des bâtiments et des installations civiles de l'ennemi par bombardement, dynamitage ou tout autre moyen, sont interdits.

Article 4 

Tout homme a droit à ce que sa dignité et son honneur soient sauvegardés de son vivant et après sa mort. L'Etat et la société se doivent de protéger sa dépouille mortelle et le lieu de son inhumation.

Article 5 

a) La famille est le fondement de l'édification de la société. Elle est basée sur le mariage. Les hommes et les femmes ont le droit de se marier. Aucune entrave relevant de la race, de la couleur ou de la nationalité ne doit les empêcher de jouir de ce droit. 

b) La société et l'Etat ont le devoir d'éliminer les obstacles au mariage, de le faciliter, de protéger la famille et de l'entourer de l'attention requise.

Article 6 

a) La femme est l'égale de l'homme au plan de la dignité humaine. Elle a autant de droits que de devoirs. Elle jouit de sa personnalité civile et de l'autonomie financière, ainsi que du droit de conserver son prénom et son patronyme. 

b) La charge d'entretenir la famille et la responsabilité de veiller sur elle incombent au mari.

Article 7 

a) Tout enfant a, au regard de ses parents, de la société et de l'Etat, le droit d'être élevé, éduqué et protégé sur les plans matériels, moral et sanitaire. La mère et le foetus doivent également être protégés et faire l'objet d'une attention particulière. 

b) Les parents et les tuteurs légaux ont le droit de choisir le type d'éducation qu'ils veulent donner à leurs enfants, tout en ayant l'obligation de tenir compte des intérêts et de l'avenir de leurs progénitures, conformément aux valeurs morales et aux dispositions de la Charria. 

c) Conformément aux dispositions de la Charria, les parents ont des droits sur leurs enfants; les proches ont des droits sur les leurs.

Article 8 

Tout homme jouit de la capacité légale conformément à la Charria, avec toutes les obligations et les responsabilités qui en découlent. S'il devient totalement ou partiellement incapable, son tuteur se substitue à lui.

Article 9 

a) La quête du savoir est une obligation. L'enseignement est un devoir qui incombe à la société et à l'Etat. Ceux-ci sont tenus d'en assurer les voies et moyens et d'en garantir la diversité dans l'intérêt de la société et de façon à permettre à l'homme de connaître la religion islamique et de découvrir les réalités de l'univers, en vue de les mettre au service de l'humanité. 

b) Tout homme a droit à une éducation cohérente et équilibrée, au plan religieux et de la connaissance de la matière, qui doit être assurée par les diverses structures d'éducation et d'orientation, telles que la famille, l'école, l'université, les médias, etc. Cette éducation doit développer la personnalité de l'homme, consolider sa foi en Dieu, cultiver en lui le sens des droits et des devoirs et lui apprendre à les respecter et à les défendre.

Article 10 

L'Islam est la religion de l'innéité. Aucune forme de contrainte ne doit être exercée sur l'homme pour l'obliger à renoncer à sa religion pour une autre ou pour l'athéisme ; il est également défendu d'exploiter à cette fin sa pauvreté ou son ignorance.

Article 11 

a) L'homme naît libre. Nul n'a le droit de l'asservir, de l'humilier, de l'opprimer, ou de l'exploiter. Il n'est de servitude qu'à l'égard de Dieu. 

b) La colonisation, sous toutes ses formes, est strictement prohibée en tant qu'une des pires formes d'asservissement. Les peuples qui en sont victimes ont le droit absolu de s'en affranchir et de rétablir leur autodétermination. Tous les Etats et peuples ont le devoir de les soutenir dans leur lutte pour l'élimination de toutes les formes de colonisation et d'occupation. Tous les peuples ont le droit de conserver leur identité propre et de disposer de leurs richesses et de leurs ressources naturelles.

Article 12 

Tout homme a droit, dans le cadre de la Charria, à la liberté de circuler et de choisir son lieu de résidence à l'intérieur ou à l'extérieur de son pays. S'il est persécuté, il a le droit de se réfugier dans un autre pays. Le pays d'accueil se doit de lui accorder asile et d'assurer sa sécurité, sauf si son exil est motivé par un crime qu'il aurait commis en infraction aux dispositions de la Charria.

Article 13 

Le travail est un droit garanti par l'Etat et la société à tous ceux qui y sont aptes. Tout individu a la liberté de choisir le travail qui lui convient et qui lui permet d'assurer son intérêt et celui de la société. Le travailleur a droit à la sécurité et à la protection, ainsi qu'à toutes les autres garanties sociales. Il n'est pas permis de le charger d'une tâche qui soit au-dessus de ses capacités, de l'y contraindre, de l'exploiter ou de lui causer un quelconque préjudice. Le travailleur, sans distinction de sexe, a droit à une rémunération juste et sans retard de son labeur. Il a droit également aux congés, indemnités et promotions qu'il mérite. Il est tenu d'être loyal et soigneux dans son travail.

Article 14 

Tout homme a le droit de rechercher le gain licite, sans spéculation ni fraude, ni préjudice pour lui-même et pour les autres; l'usure (Riba) est expressément prohibée.

Article 15 

a) Tout homme a droit à la propriété acquise par des moyens licites. Il lui est permis de jouir des droits de propriété, à condition de ne porter préjudice ni à lui-même, ni à autrui, ou à la société. L'expropriation n'est permise que pour une cause d'utilité publique et moyennant une indemnisation immédiate et juste. 

b) La confiscation ou la saisie des avoirs est prohibée, sauf disposition légale.

Article 16 

Tout homme a le droit de jouir du fruit de toute oeuvre scientifique, littéraire, artistique ou technique dont il est l'auteur. Il a également droit à la protection des intérêts moraux et matériels attachés à cette œuvre, sous réserve que celle-ci ne soit pas contraire aux préceptes de la loi islamique.

Article 17 

a) Tout homme a le droit de vivre dans un environnement sain, à l'abri de toute corruption et de toute dépravation qui lui permettre de s'épanouir. Il appartient à la société et à l'Etat de lui garantir ce droit. 

b) L'Etat et la société doivent garantir à chaque homme la protection sanitaire et sociale, ainsi que tous les services publics dont il a besoin, dans la limite des possibilités existantes. 

c) L'Etat garantit à tout homme le droit à une vie décente lui permettant de subvenir à ses besoins et à ceux des personnes à sa charge, pour l'alimentation, l'habillement, le logement, l'enseignement, les soins médicaux et tous autres besoins fondamentaux.

Article 18 

a) Tout homme a le droit de vivre protégé dans son existence, sa religion, sa famille, son honneur et ses biens. 

b) Tout homme a droit à l'indépendance dans la conduite de sa vie privée, dans son domicile, parmi les siens, dans ses relations avec autrui et dans la gestion de ses biens. Il n'est pas permis de l'espionner, de le surveiller ou de nuire à sa réputation. Tout homme doit être protégé contre toute intervention arbitraire. 

c) Le domicile est inviolable en toutes circonstances. Nul ne peut y pénétrer sans l'autorisation de ses occupants ou de manière illégale. Il n'est pas permis de le détruire, de le confisquer ou d'en expulser les occupants.

Article 19 

a) Tous les individus, gouvernants et gouvernés, sont égaux devant la loi. 

b) Le droit de recours à la justice est garanti pour tous. 

c) La responsabilité est, par essence, personnelle. 

d) Il ne peut y avoir ni délit, ni peine, en l'absence de dispositions prévues par la Charria. 

e) Le prévenu est présumé innocent tant que sa culpabilité n'est pas établie par un procès équitable lui assurant toutes les garanties pour sa défense.

Article 20 

Il n'est pas permis, sans motif légal, d'arrêter une personne, de restreindre sa liberté, de l'exiler ou de la sanctionner. Il n'est pas permis non plus, de lui faire subir une torture physique ou morale ou une quelconque autre forme de traitement humiliant, cruel ou contraire à la dignité humaine. Il n'est pas permis de soumettre quiconque à des expériences médicales ou scientifiques, sauf avec son consentement et à condition de ne pas mettre en péril sa santé ou sa vie. Il n'est pas permis d'établir des lois d'exception donnant une telle possibilité aux autorités exécutives.

Article 21 

Il est formellement interdit de prendre une personne en otage sous quelque forme, et pour quelque objectif que ce soit.

Article 22 

a) Tout homme a le droit d'exprimer librement son opinion pourvu qu'elle ne soit pas en contradiction avec les principes de la Charria. 

b) Tout homme a le droit d'ordonner le bien et de proscrire le mal, conformément aux préceptes de la Charria. 

c) L'information est un impératif vital pour la société. Il est prohibé de l'utiliser ou de l'exploiter pour porter atteinte au sacré et à la dignité des prophètes ou à des fins pouvant nuire aux valeurs morales et susceptibles d'exposer la société à la désunion, à la désintégration ou à l'affaiblissement de la foi. 

d) Il est interdit d'inciter à la haine ethnique ou sectaire ou de se livrer à un quelconque acte de nature à inciter à la discrimination raciale, sous toutes ses formes.

Article 23 

a) Gouverner est une mission de confiance, il est absolument interdit de l'exercer avec abus et arbitraire, afin de garantir les droits fondamentaux de la personne humaine. 

b) Tout homme a le droit de participer directement ou indirectement à la gestion des affaires publiques de son pays. Il a également le droit d'assumer des fonctions publiques conformément aux dispositions de la Charria.

Article24 

Tous les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration sont soumis aux dispositions de la Charria.

Article 25 

La Charria est l'unique référence pour l'explication ou l'interprétation de l'un quelconque des articles contenus dans la présente Déclaration.

 

C’est en opposition et contradiction totale à nos valeurs, nos us et coutumes.

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Publié le Dimanche 21 Septembre 2014 à 10:35:46

 

L’islam à l’épreuve : cruauté et barbarie du califat.

Samir Khalil Samir, sj.

 

28 août 2014, article du père Samir Khalil Samir, jésuite, à propos de « l’État islamique ».

 

Article mis en ligne en italien et en anglais sur www.asianews.it (*) Mis à jour le 16/9/14.

 

Le 28 août 2014, l’agence de presse AsiaNews a mis en ligne un article du père Samir Khalil Samir, islamologue, professeur à l’université Saint Joseph de Beyrouth. Le jésuite égyptien donne des éléments d’analyse de l’islam contemporain au Moyen-Orient à partir de l’événement de la proclamation du califat par l’organisation terroriste « État islamique » le 29 juin 2014 et des violences qu’il a commis dans les territoires qu’il contrôle en Syrie et Irak. Le père Samir Khalil Samir décèle dans « l’éducation islamique » pratiquée aujourd’hui au Moyen-Orient une démission de l’esprit critique, de la conscience personnelle, face à l’autorité. Il y discerne une cause de « l’échec des Printemps arabes ». Il conteste l’accusation faite aux monothéismes d’être comme tels source de violence, mais il critique la confusion, dans l’islam, entre les domaines éthique, politique et juridique, « génératrice de violence ». Cependant, précise-t-il, les actes sanguinaires de « l’État islamique » n’ont « rien à voir avec l’islam ». « Il est temps de repenser l’islam pour l’adapter à l’homme moderne, de distinguer État et religion, éthique et politique, lettre et esprit. L’islam est capable de le faire » conclut le père Samir Khalil Samir.

Les réseaux sociaux débordent de vidéos et d’images qui montrent les violences absurdes et la cruauté des militants de l’Armée islamique liés au Califat créé fin juin en Irak et en Syrie par Abu Bakhr al Baghdadi. Face à ces violences qui dépassent toute limite humaine, le monde musulman réagit parfois par des condamnations formelles, mais la plupart du temps par le silence.

Timidité des condamnations dans le monde islamique

Face à tant de sang versé, aux exécutions de masse, aux décapitations, il semble y avoir quasiment une sorte d’accoutumance et de fatalisme : « On ne peut rien faire », « Ce sont des forcenés », etc.

Ces dernières semaines, les violences de la guerre à Gaza font aussi la une. Je voudrais faire remarquer la différence de comportement entre juifs à l’égard d’Israël et musulmans à l’égard de l’État islamique. Au cours des semaines passées, j’ai reçu une dizaine de pétitions envoyées par des juifs américains qui critiquent Israël : cela montre une conscience vive et une habitude culturelle à l’autocritique.

 

 L’éducation islamique : mémoriser, ne jamais critiquer

Dans le monde islamique, cette habitude n’existe pas : il n’y a pas – ou très rarement – de critique de son propre gouvernement, dont on accepte tout. Si l’on prend un pays avec un niveau de développement culturel moyen, comme l’Égypte, quel que soit le gouvernement, celui-ci est accepté sans autre forme de débat ; à l’exception de quelques personnes, comme les journalistes ou les intellectuels, le peuple n’ose pas critiquer. Il manque un certain mode d’éducation à la critique constructive. Même dans la famille traditionnelle, la remise en question de la parole des parents est impensable. D’un côté, cela garantit le respect, mais de l’autre, cela conduit à un manque d’esprit critique.

On peut remarquer la même chose à l’école : il n’y a pas d’éducation à la critique dans un mode positif, ou d’éducation au débat comme moyen de discernement.

L’éducation dans le système islamique se base essentiellement sur la mémorisation, avant tout du Coran. Le Coran ne se discute pas, on l’apprend par cœur et on le répète en continu afin de ne pas l’oublier. C’est la parole de Dieu faite livre. La formule islamique est que le Coran est « descendu » (nazala) sur Mohammed, qui l’a transmis tel quel. Il n’y a pas « d’inspiration », il y a descente : autrement dit, le Coran n’est pas du prophète Mohammed, il est directement de Dieu. Le prophète ne serait qu’un enregistreur.

En Égypte, l’éducation islamique des enfants dans les kuttâb (l’école islamique) se fait à coups de bâtons pour les pousser à mémoriser le Coran. Et ce qui vaut pour le Coran vaut également pour la philosophie : les étudiants en université apprennent par cœur des pages entières – préparées par le professeur – et les récitent à l’examen.


Le Printemps arabe n’a pas débouché sur une nouveauté

 Même le Printemps arabe, qui constituait pourtant une expérience de critique, après avoir fait tomber le dictateur en place, n’a pas su comment poursuivre, et le pouvoir a été pris par les groupes les plus organisés : les salafistes et les Frères musulmans, qui ont éliminé le parti (unique) du dictateur, pour le remplacer par un autre parti (unique) islamique.

Dans le monde arabe, il n’existe pas de véritable mouvement de dialogue, de contestation ni de projet social. Sur le problème de la modernité, qui hante en profondeur le monde musulman, il n’y a pas de débat, de lieu de discussion, d’échange d’opinion. Puis, en tête à tête, quelqu’un vous dira quelles sont ses opinions, mais cela n’arrivera jamais à une pensée organisée et exprimée.

Un autre exemple : au Maroc, tous les ans pendant le Ramadan, quelques jeunes contestataires se font à dessein surprendre par la police en train de manger et de boire pendant les heures de jeûne. Pour cela, ils sont mis en prison. Ce groupe est composé d’une dizaine de jeunes, et organise cette protestation tous les ans. Mais personne n’en discute : il va de soi que ce que le gouvernement fait est juste et que tout est bien ainsi.

Cela explique pourquoi devant les sinistres exécutions perpétrées par les militants de l’Armée islamique, la population arabe reste muette. Certes, on perçoit que la population est contre cette violence, mais elle préfère se taire. C’est une sorte d’omerta religieuse !


La démission de l’intelligence

Pour les jeunes qui accourent pour se faire enrôler par l’Armée islamique, c’est un peu différent : ils sont attirés par la force, par la violence, par les succès militaires des miliciens. Le fondamentalisme violent de l’Armée islamique semble être justement une réponse forte, efficace et riche face à l’immobilisme de leurs propres sociétés.

Dans les vidéos que l’Armée islamique utilise pour appeler aux armes, on voit jusqu’à des enfants de 10-14 ans s’entraîner dans des camps militaires. Comment, face aux horreurs dont ils sont témoins et potentiellement acteurs, comment ne se rebellent-ils pas au plus profond d’eux-mêmes ? Peut-être parce que le lavage de cerveau a joué à plein.

Ces jeunes sont comme drogués par rapport à la religion, vue comme quelque chose qui ne se discute pas, comme la seule chose importante.

La réalité est que, face au mot « religion », il y a une démission de l’intellect. Hāmed Abdel Samad, cinquième fils d’un imam égyptien, est parti à l’âge de 23 ans pour l’Allemagne, où il vit toujours. Son premier livre parle de sa « conversion », non pas au christianisme ou à une autre religion : il dit avoir dû effectuer une conversion de l’islam à l’intelligence. Il était comme prisonnier de l’islam et de l’absence d’intelligence et de réflexion. La définition qu’il donne et qu’il répète souvent, est édifiante : « Ich bin vom Glauben zum Wissen konvertiert », « je me suis converti de la foi à la conscience ».


Religions monothéistes et violence

Différentes personnes accusent les religions monothéistes d’être source de violence et d’intolérance (1). Cette affirmation semble surtout vraie dans le cas de l’islam : dans les autres religions (christianisme et judaïsme), c’est beaucoup moins évident. Aujourd’hui, la domination du Coran et de la religion islamique sur l’individu conduit à la peur de dire ou de faire quelque chose qui va à l’encontre du Coran. Du reste, la condamnation la plus sévère qui existe dans le monde islamique est le blasphème. Le fait de dire quelque chose contre Mohammed ou le Coran peut mener à la peine de mort. Même Hāmed Abdel Samad, l’intellectuel égyptien émigré en Allemagne, a subi une condamnation, une fatwa pour blasphème, du fait de son intervention dans quelques médias alors qu’il était en Égypte il y a deux ans.

Au Pakistan, le blasphème est un des délits les plus courants, quelle que soit la parole considérée comme une offense au Coran ou au prophète de l’islam. Elle est même appliquée pour outrage contre les feuilles du livre du Coran. L’année dernière en Égypte, sous le régime des Frères musulmans, deux enfants ont été jetés en prison, accusés d’avoir uriné sur des feuilles du Coran. On a découvert plus tard que l’accusation était fausse.

On cite comme justification l’exemple de la Bible et les nombreuses incitations à la violence qu’elle contient. Mais on oublie qu’il s’agit de documents et de règles établis il y a plus de 3 000 ans et que les Juifs n’appliquent plus depuis des siècles !


La pensée islamique est paralysée

Tout cela paralyse la pensée et plus personne n’ose donc rien dire sur la personnalité de Mohammed, ou sur les aspects religieux, car si l’on se trompe, on risque gros.

Cet effet paralysant naît de deux éléments : l’un de l’adoration sans discussion possible pour sa religion, comme si l’on était devant un tabou ; l’autre est lié à un manque de sensibilité critique.

Un exemple : le Coran donne à l’homme le droit d’épouser jusqu’à quatre femmes. Mais Mohammed en a épousé un nombre indéfini, qui va de 11 à 17 (voire 21), selon que l’on compte ou non les concubines. Et pourtant personne n’ose commenter cette divergence. La réponse est la suivante : il est le prophète, et est donc au-dessus des règles.

Le caractère sacré de Mohammed – même s’il est considéré comme un homme ordinaire, ayant reçu le dernier message de Dieu à l’humanité – et le caractère « divin » du Coran empêchent une immense majorité de musulmans d’appliquer à eux-mêmes la manière ordinaire de raisonner. De là la formule de Hāmed Abdel Samad cité plus haut:« Ich bin vom Glauben zum Wissen konvertiert. » « je me suis converti de la foi à la conscience ».


La conception matérielle de la révélation coranique

J’ai toujours fait remarquer à mes étudiants que le Coran, comme tous les livres sacrés, doit être nécessairement écrit par un homme, puisque l’on n’a jamais vu de livre écrit par un animal, par un ange ou par Dieu lui-même, même si la Bible dit que les Tables de la loi ont été écrites par le doigt de Dieu (2).

À ce sujet, il a été impossible d’obtenir l’assentiment des musulmans pour lesquels Dieu lui-même est l’auteur matériel du Coran. Même mes étudiants chrétiens disaient que l’auteur des évangiles était Dieu, mais ils devaient ensuite admettre que les évangiles ont deux auteurs : depuis les origines, elles sont « selon Matthieu, Luc, Jean, etc. » L’Esprit suscite, inspire, pousse, mais le rédacteur est Matthieu, Marc, Luc, Jean. C’est ce que nous appelons « l’inspiration ». L’évangéliste écrit avec son propre style, que l’on peut identifier d’un point de vue linguistique, mais le contenu lui est inspiré par l’Esprit de Dieu. Les jeunes musulmans étaient intrigués par cela, y montrant un intérêt particulier. Mais quand je leur demandais une conclusion par rapport au Coran, leur réponse était : pour Mohammed, c’est complètement différent. L’ange Gabriel est descendu et a mis tout le Coran dans le cœur de Mohammed. Mohammed l’a ensuite récité morceau par morceau, selon l’ordre de Dieu. Lui n’est rien d’autre qu’un porte-voix matériel.


L’application de la charia

Autre exemple de paralysie. Un jour, un professeur musulman a posé cette question à ses élèves : « Êtes-vous d’accord avec le fait qu’à celui qui vole, l’on coupe une main, et s’il vole à nouveau, il faut couper l’autre main et le pied opposé ? » La réponse a été : « C’est ce que dit le Coran. » L’enseignant a insisté : « Mais êtes-vous d’accord ? » Réponse : « C’est le Coran et on ne peut le changer. »

Le professeur les a ensuite pris un par un et a demandé : « Mais si tu étais juge, ordonnerais-tu que la main du voleur soit coupée, même pour un jeune homme qui a commis une erreur ? » Réponse : « C’est la Loi (charia) ». Ils n’osaient pas dire oui ou non, ils se réfugiaient derrière la loi. Alors il a demandé au plus doué d’entre eux : « Le ferais-tu, toi ? » Mais là aussi l’étudiant a réussi à esquiver la question en disant : « Je ne suis pas juge, cela n’est pas ma fonction ! »

Quand on entre dans le domaine de la religion, il y a une paralysie de la pensée, de l’intellect. Comme si la religion n’appartenait pas à la sphère humaine, mais devait être jugée avec d’autres critères. Et c’est transmis depuis des siècles. Certes, par le passé et aujourd’hui encore, nous avons des religieux révolutionnaires, mais ils sont marginalisés par les journaux, les assemblées et la mentalité commune au nom du conformisme.


La Déclaration islamique des droits humains

La paralysie est visible également au niveau mondial. Après la Seconde guerre mondiale, l’ONU a rédigé, en décembre 1948, la « Déclaration universelle des droits de l’homme », qui dresse la liste de normes visant à garantir un respect commun envers les peuples, envers les hommes et les femmes, mais le monde musulman ne les accepte pas.

Même des personnes extrêmement cultivées les refusent, les étiquetant comme des « droits des chrétiens », d’inspiration occidentale. De ce fait, ils ont rédigé pour leur propre compte trois textes différents : la « déclaration islamique universelle des droits de l’homme » (Paris, 19 septembre 1981), la « déclaration des droits de l’homme en Islam » (Dacca, décembre 1983) et la « déclaration universelle des droits de l’homme islamique » (Le Caire, 5 août 1990). Ils se basent tous sur la charia islamique. Il faut toutefois souligner que, dans les traductions occidentales, on ne parle pas de « charia » mais de « loi », en général dans la formule « afin que cela soit conforme à la loi », ce qui est trompeur pour le lecteur non averti !

Ces textes rappellent les principes de la Déclaration universelle, mais soumettent cependant ces droits à un examen au regard de la charia. À ce titre, il n’y a plus d’égalité entre l’homme et la femme, entre musulman et non musulman, etc.


La violence dans l’Armée islamique, au-delà du Coran et de Mohammed

Le côté absolu du sacré, examiné plus haut, est présent chez les militants de l’Armée islamique. Ils ne se préoccupent pas de droits humains, des Palestiniens, de la pauvreté, etc. La seule chose qu’ils veulent est l’instauration d’un État qui serait « islamique », dirigé par un « calife », c’est-à-dire un « successeur » de Mohammed, ayant pour modèle Mohammed et ce que celui-ci a mis dans le Coran. Un tel absolutisme leur laisse les mains libres pour faire tout ce qu’ils veulent.

On dit pourtant que l’Armée islamique va au-delà du Coran et de Mohammed. À Mossoul, Karakosh et en Syrie, ils ont chassé les chrétiens et leur ont imposé une conversion à l’islam, ou la mort s’ils ne partaient pas.

Mohammed n’a pas fait cela pour les chrétiens et les juifs, mais pour les païens. Ces derniers pouvaient choisir entre conversion à l’islam ou fuite. Chrétiens et juifs pouvaient en revanche vivre aux côtés des musulmans, en payant toutefois une double taxe : l’une sur la terre (le kharâj), l’autre en tant que « protégés » (la gizya). À l’inverse, l’Armée islamique a même arraché tous les signes religieux sur les monuments, allant au-delà des dispositions du Coran, et a marqué chaque maison chrétienne de la lettre Nūn, première lettre du mot Nasara (Nazaréen), utilisée dans le Coran pour désigner les chrétiens.

Leur violence (décapitations, crucifixions, exécutions de masse, vols, extorsions, séquestrations) n’a rien à voir avec l’islam. Dans la tradition islamique, ces actes sanguinaires n’existent pas. Tout au plus, on exécutait par lapidation, pratique qui existe aujourd’hui encore dans quelques pays (adultère). Ou bien on décapitait le coupable. Mais même en pareil cas, il y avait une sorte de clémence. Le Coran demande par exemple à ce que même les animaux qui doivent être sacrifiés lors de la fête de l’Aïd-el-Kébir (la Grande Fête) soient traités avec cœur et tués d’un seul coup afin de ne pas trop les faire souffrir.

Les hommes de l’Armée islamique tuent et égorgent des êtres humains en utilisant des couteaux et en coupant les gorges à petit feu, avec une lenteur bestiale et cruelle. Il est vrai que Mohammed – comme tous les peuples de l’époque – a usé d’une certaine violence : attaques de caravanes, d’ennemis, etc... (3). Mais Mohammed n’a pas montré de cruauté, sinon dans quelques cas isolés. Et il a également montré des signes d’indulgence.


Reproduire le mode de vie et de pensée de ses aïeux

Une erreur fondamentale de l’Armée islamique est de reprendre les modes de vie des premiers siècles de l’islam pour les transplanter tels quels au monde moderne. Pour nous aussi chrétiens, la Tradition est importante, mais nous en sommes également détachés : les passages que nous lisons dans saint Paul sur le silence des femmes dans l’assemblée, ou sur les têtes voilées, nous ne les prenons pas à la lettre car nous comprenons que ces indications étaient normales pour cette époque. Nous en faisons finalement une source d’inspiration, mais nous ne les appliquons pas à la lettre.

Par ailleurs, devant un chrétien qui rejette le christianisme, nous exprimons certes de la douleur, mais celui-ci est libre de s’en aller ou de changer de religion. Pour les musulmans, l’apostat est jugé et même tué (4).

L’autre erreur, inacceptable, est l’usage de la violence pour la violence, en utilisant la cruauté pour terroriser l’ennemi. Mais c’est condamnable également de la part de l’islam.

En outre, reproduire matériellement les comportements en usage au septième siècle ne correspond pas à l’esprit de l’islam. La bonne tradition islamique veut que, dans l’application de la charia, soient toujours examiné le maqāssed (les objectifs) de la charia, en relativisant les méthodes. À l’inverse, l’Armée islamique prend à la lettre la charia, et utilise la violence pour la violence. Cette façon de faire n’est pas islamique, c’est de la barbarie.


La distinction entre éthique et politique

Il y a pourtant un problème dans l’islam : la violence est prévue pour combattre les « ennemis de Dieu ». Un tel précepte était peut-être compréhensible du temps de Mohammed, époque à laquelle la cause de Dieu pouvait être facilement liée à la défense du territoire de la communauté islamique. Mais aujourd’hui…

Tout cela rend l’enseignement islamique ambigu. Le problème devient plus important encore si l’on pense que l’exercice d’une telle violence religieuse est délégué par l’État (5). Il y a là un court-circuit entre la morale et l’État, qui est à l’origine de l’ambiguïté dans laquelle nous vivons aujourd’hui : tous les pays islamiques ont comme norme – certains un peu plus, d’autres un peu moins – la charia. Mais la charia est-elle un système éthique, ou une loi étatique ? C’est justement cette confusion (entre l’éthique et le politique ou le juridique) qui génère de la violence.

Prenons un exemple : l’homosexualité. Dans la plupart des cultures, celle-ci est vécue comme quelque chose de négatif. Mais une chose est de dire : c’est négatif d’un point de vue moral ; une autre est de dire que les homosexuels doivent être condamnés par l’État, tués ou mis en prison.

Dire que le voleur doit être puni, c’est juste, car le vol porte tort à la justice sociale, mais punir celui qui ne fait que critiquer une autre personne, c’est incompréhensible. Un adultère, cela fait du mal à soi-même, à son couple, à son partenaire. Mais on ne peut pas dire : il faut le tuer. Ces exemples montrent qu’il y a là une confusion entre dimension morale et dimension politique, et cela légitime le choix de la violence.

De ce point de vue, l’Évangile est un pas en avant pour la civilisation : Jésus ne parle jamais d’une punition humaine, justifiant religieusement une loi sociopolitique.

À l’inverse, avec l’islam tout est bloqué car pour les musulmans, leur religion est la perfection absolue.


Conclusion : il est nécessaire de repenser lislam

Ces derniers jours, après les atrocités perpétrées par l’Armée islamique, il y a eu diverses condamnations de la part de personnalités et d’institutions musulmanes. Ainsi l’Arabie saoudite, la Tunisie, la Turquie, etc. Mais qu’est-ce que cela change ? La condamnation par l’Arabie saoudite ne pose pas la question fondamentale : une religion ne devrait pas promouvoir la violence. À l’inverse, l’Arabie saoudite justement a recours à la violence, qu’elle justifie par la religion, en particulier dans l’application de peines prévues par la charia.

Le point central est que chaque religion doit être repensée pour le temps présent. Mais cela ne peut se faire qu’en s’interrogeant sur les « objectifs » de la loi, en gardant saufs ces objectifs mais en modifiant les moyens quand ils sont dépassés. En un certain sens, cette dialectique entre les objectifs et la loi est similaire à la dialectique paulinienne sur la lettre et l’esprit : « La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 2, 3-6).

Pour faire ce pas en avant, un dialogue entre intellectuels de diverses religions est nécessaire, pour mettre à jour cette différence entre l’esprit et la lettre, les idéaux et la pratique. Il conviendrait ensuite que les médias en répercutent les résultats. Mais aucun pays musulman n’ose proposer une telle chose.

Une autre évolution urgente est de retirer des constitutions arabes la référence à la charia comme base de la loi. En Arabie saoudite justement, il n’existe pas de constitution : leur constitution est la charia. Et c’est ambigu : la charia n’est pas un texte précis, clairement établi comme les dix commandements. Elle s’est développée en cherchant à extraire du Coran les réponses juridiques aux exigences quotidiennes. C’est pour cela qu’à chaque époque, la charia a été adaptée à son temps. Aux alentours du Xe siècle, cette évolution s’est arrêtée, et aujourd’hui on tente de l’interpréter. Comme si l’on avait peur de la repenser, on s’efforce de l’appliquer à la lettre. Encore une fois, on se trouve confronté à une position rigide, statique, exclusive.

Cette immobilité conduit aux manipulations et à l’injustice. Par exemple, où trouve-t-on dans le Coran la rupture entre sunnites et chiites ? Et pourtant ces deux groupes – qui n’ont que des différences théologiques minimes – s’opposent résolument, s’excluant et se massacrant l’un l’autre. Cela fait penser aux guerres de religion des siècles passés, entre catholiques et protestants, mais aujourd’hui la situation est bien plus dramatique.

Le fondamentalisme, la violence, l’intolérance présents dans le Coran ne justifient pas la cruauté de l’Armée islamique, mais constituent le terreau favorable dans lequel croît la violence.

Il est temps de repenser l’islam pour l’adapter à l’homme moderne, de distinguer État et religion, éthique et politique, lettre et esprit. L’islam est capable de le faire, comme l’ont fait d’autres groupes sociaux ou religieux, mais elle doit réexaminer complètement et en profondeur tout son système éducatif, et en particulier la formation des imams.

Samir Khalil SAMIR sj.

***************

(*) Traduction française de Violaine Ricour-Dumas pour La DC. Titre, sous-titres et notes originaux.

 

NOTES.

 

 (1) En Occident, l’idée que la religion (et en particulier les religions monothéistes) est porteuse de violence semble même évidente, alors que l’histoire moderne nous montre que les idéologies athées ont été les plus violentes ! Il suffit de penser à lidéologie communiste, ou au nazisme, ou à l’idéologie nationaliste des Khmers rouges, ou à celle, anti-religieuse, de la Chine !

 (2) Cf. Exode 31,18 : « Quand le Seigneur eut fini de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, il lui donna les deux tables du Témoignage, les tables de pierre écrites du doigt de Dieu. »

 (3) Sa biographie, le Kitâb al-Maghâzi (le livre des razzias) écrite par al-Wâqidi (748 – 822), parle de plus de 60 razzias durant les 10 années passées à Médine. Il faut souligner que les attaques de Bédouins contre les caravanes ou contre d’autres tribus étaient quelque chose de quasiment normal.

 (4) En fait, dans le Coran, on ne trouve aucune condamnation à mort sur terre pour l’apostat ; mais seulement la menace dune lourde condamnation dans lau-delà !

 

 (5) Il est utile de souligner la similitude des dispositions islamiques et vétérotestamentaires : dans lAncien Testament également, il y avait des guerres pour défendre les territoires dIsraël et les rois combattaient « au nom de Dieu ».

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Publié le Vendredi 19 Septembre 2014 à 18:56:01

VISION CHRÉTIENNE DES RELATIONS entre CHRÉTIENS et MUSULMANS

Versailles, 14 septembre 2014

 

Parler de "la vision chrétienne des relations entre chrétiens et musulmans" dans le contexte d'aujourd’hui peut sembler une provocation. Face aux centaines de morts, aux milliers de réfugiés et de blessés du Moyen-Orient, la tentation est grande de dire à quoi sert le dialogue ? Avec qui dialoguer ? Les religions sont-elles facteurs de violence ou de paix ?

 

Je dirais tout d’abord que les religions ne sont pas à l’origine du chaos actuel. Mais il est vrai qu’on ne peut comprendre la situation sans prendre en compte les religions, en particulier les trois monothéismes, et que les religions seront un élément incontournable dans la solution des conflits en cours.

 

En second lieu, je désire attirer votre attention sur la formulation du titre de notre rencontre : Vision chrétienne des relations entre chrétiens et musulmans. En effet, nous n’allons pas nous livrer à un exercice de théologie comparée christianisme/islam. Nous allons évoquer les relations qui se sont établies entre les adeptes des deux religions. Le dialogue interreligieux est normalement précédé par le dialogue de la vie entre les croyants : des hommes et des femmes, parfois voisins de palier, confrontés aux mêmes problèmes. Il s’agit de se connaître, de se comprendre, de "s’apprivoiser".

 

Or, nous constatons que malgré tant d’efforts récents, nous ne nous connaissons pas encore. Nous avons peur les uns des autres. Évidemment le terrorisme pratiqué au nom de l’islam par des musulmans dévoyés ne contribue guère à favoriser la confiance mutuelle. En outre, l’islam est de nature complexe : il est à la fois religion, société et État, qui ne distingue pas le temporel du spirituel. Tant et si bien que beaucoup d’incompréhensions sont dues à l’ignorance. Voilà pourquoi, je commencerai par évoquer à grand traits ce qu’est l’Islam avant de présenter sa spécificité, en particulier dans les instances de dialogue.

 

L’ISLAM

 

Son fondateur, Mahomet, naquit vers 570, à La Mecque, ville prospère sur la route des épices, mais aussi centre religieux où les tribus païennes arabes se rendaient en pèlerinage dans les nombreux sanctuaires de la ville. Parmi ceux-ci, le plus honoré était la Kaaba (le Cube), contenant des idoles variées et, dans un coin, une météorite tombée du ciel dans un passé immémorial.

 

Mahomet appartenait à une famille de notables (les Koreish) qui étaient en réalité les conservateurs de la Kaaba. Le jeune Mahomet observa dès son plus jeune âge les pratiques religieuses courantes et, de bonne heure, il conçut une répugnance tenace pour l’idolâtrie des Bédouins en même temps qu’un respect grandissant pour le monothéisme juif et chrétien.

 

Au cours d’une de ses promenades dans la montagne, l’ange Gabriel lui aurait crié : « récite ». À la suite de visions successives, il acquit la conscience d’être le prophète du Dieu unique. Très vite objet de jalousie, les marchands de La Mecque menacèrent de le tuer, le contraignant à se réfugier à Médine. Il s’y imposa rapidement à la fois comme chef religieux et gouverneur de la ville. Ayant constitué une armée, il conquit La Mecque, détruisant les idoles de la Kaaba, mais en y laissant toutefois la pierre noire. Dans les deux années qui suivirent, Mahomet affermit si bien sa position de chef religieux et de chef politique que sa mort, en 632, n’arrêtera pas la diffusion de la croyance nouvelle.

 

SA DOCTRINE

 

En quoi consiste-t-elle ? Ce n’est pas une religion dogmatique. C’est un mode de vie : soumission à la volonté de Dieu en tout domaine (islam). Religion et existence, foi et politique sont inséparables. Disons : une fraternité humaine sous le regard de Dieu.

 

En Islam il n’y a ni clergé, ni sacrements. Tout repose sur 5 piliers :

 

1. Proclamer l’unicité de Dieu, et que Mahomet est son prophète.

2. Prier cinq fois par jour, tourné vers La Mecque.

3. Faire l’aumône.

4. Pratiquer le jeune du Ramadan

5. Accomplir le pèlerinage à La Mecque.

 

Ces directives majeures sont complétées par des observances rituelles : interdiction de manger du porc, de jouer pour de l’argent, de pratiquer l’usure, de peindre des images sacrées (aucun portrait de Mahomet). On y trouve aussi des dispositions relatives au mariage et au divorce.

 

Pour un musulman, les paroles de Mahomet inscrites dans le Coran sont l’expression définitive et absolue de la volonté de Dieu. Ces paroles annulent toutes les révélations précédentes. On ignore encore si le Coran fut consigné par écrit durant la vie de Mahomet, mais il est certain que, peu après sa mort, un de ses secrétaires transcrivit le livre et en donna une version qui fait autorité. Le Coran (lire, réciter) est un livre qu’Allah aurait dicté en arabe à Mahomet. Dieu y a tout dit et personne ne peut y ajouter quoi que ce soit. Il serait comme le résultat d’une « dictée divine ».

Le Dieu de l’islam est en réalité le Dieu des juifs et des chrétiens. Les musulmans vénèrent les prophètes bibliques, y compris Jésus : évidemment le Jésus historique et non pas le Christ. Mais pour un musulman, Mahomet demeure « le sceau des prophètes ». Il n’est ni un sauveur, ni un messie. Pour les musulmans, il est essentiellement celui par lequel Dieu a choisi de parler. S’il est une "religion du livre", c’est bien l’islam !

 

Mais nous avons des points en commun, comme dira saint Jean-Paul II à Kaduna, au Nigeria (1982) : « Nous vivons sous le soleil du même Dieu miséricordieux ; nous croyons les uns et les autres en un seul Dieu, Créateur de l’homme… Nous avons le privilège de la prière, le devoir d’une justice accompagnée de compassion et d’aumône et, avant tout, un respect sacré pour la dignité de l’homme qui se trouve à la base des droits fondamentaux de tout être humain, y compris le droit à la vie de l’enfant qui n’est pas encore né ».

 

L’ISLAM EN EXPANSION

 

Forts de cette doctrine relativement simple, dès la mort de Mahomet (632), ses disciples vont s’élancer au-delà de la Péninsule arabique et, grâce à l’habileté des trois premiers califes (Abou Bakr, Omar et Othman), en moins de deux décennies, ils investiront les plus riches principautés du Proche-Orient : la Syrie tombe en 635, l’Irak en 637, la Palestine en 640, l’Égypte en 642 et, en 650, l’empire perse tout entier. Impressionnant ! Au début, personne ne prit le temps pour parler de conversion ou de gouvernement. Les nouveaux maîtres imposèrent seulement un tribut à payer et la tolérance était assurée. Mais conquête après conquête, la nouvelle religion finit par s’imposer. Je rappelle que l’islam règnera huit siècles en Espagne méridionale et deux siècles en Sicile (IXe – XIIe).

 

Pendant toute l’époque médiévale, la situation se stabilisa, malgré l’aventure des Croisades (fin du XIe s. jusqu’au XIIIe s.). C’est durant cette période que Pierre le Dalmate traduira le Coran en latin, que François d’Assise établira des contacts avec des chefs religieux musulmans et que Louis IX, prisonnier des "Sarrasins" en 1250, aura des conversations avec le sultan. Celui-ci restera impressionné par la sérénité de son illustre prisonnier. Le roi pratiqua déjà le dialogue interreligieux au sens moderne du terme, en admirant la bibliothèque du sultan, mais en manifestant une vive détestation de la « fausse religion ». Ainsi, au dialogue succéda "l’annonce". Un de ses biographes rapporte cette conversation. Le sultan : « Comment vous portez-vous seigneur roi ? ». Réponse de Louis : « Tant bien que mal ». Le sultan rétorque : « Pourquoi ne vous portez-vous pas bien ? ». Et Louis de répondre : « C’est que je n’ai point gagné ce que je désirais ». « Et qu’est-ce donc ? », interrogea le sultan. « C’est votre âme » reprit le roi, et d’ajouter : « Je n’ai point souci de retourner jamais dans mon royaume de France pourvu que je gagne à Dieu votre âme et les âmes des autres infidèles ».

 

Mais le grand événement demeurera l’empire abbasside de Bagdad qui découvrira dans la ferveur toute la richesse de l’héritage hellénistique qui vient d’être traduit en arabe. La raison grecque envahit alors tous les domaines du savoir. Ainsi naquit la philosophie musulmane (falsafa). C’est cette "falsafa" qui transmettra, grâce à Avicenne et Averroès, Platon et Aristote au Moyen-Âge chrétien. L’islam d’alors élabora une culture où l’art, la poésie, la philosophie prospérèrent à Bagdad. Les mathématiques et la médecine progressèrent notablement et l’architecture donna des chefs-d’œuvre (mosquée de Cordoue).

 

Mais, à partir du XIVe s. jusqu’au XIXe s., le monde musulman va sombrer dans un engourdissement que certains qualifient de « conservatisme figé ». C’est le choc brutal du débarquement en Égypte, en 1798 d’un certain Napoléon, qui n’est encore que le général Bonaparte, qui tirera les musulmans de leur langueur. Cela se poursuivra par la colonisation plus ou moins directe de presque tous les pays musulmans.

 

L’aspect religieux n’intéresse guère les colonisateurs, mais ils seront contraints de prendre en compte l’islam dans sa double dimension de religion et de communauté organisée. Il convient de souligner que les théologiens du XIXe siècle avait une vision fort pessimiste du sort des païens : ils sont tout simplement promis à l’enfer si l’on ne court pas leur annoncer Jésus-Christ. Il faudra attendre le début du XXe s. pour commencer à parler de « l’infidèle de bonne foi ». En ce qui concerne l’islam, on glosera souvent sur l’immoralité qu’engendre la polygamie (oubliant les patriarches de la Bible !). Tout cela, évidemment, selon les catégories de l’époque.

 

C’est sur ce fond de pessimisme que va intervenir un renversement de perspective grâce à un petit groupe d’orientalistes conduits par Louis Massignon (Miguel Palacios, Abdeljalil, Louis Gardet). Massignon, grâce à son expérience de jeune orientaliste revenu à la foi, découvrit le monde musulman à Bagdad. Plus mystique que théologien, il voyait dans l’islam l’héritier d’Abraham. Pour lui, l’heure était providentielle pour recueillir les promesses et les bénédictions faites à Ismaël... Il visita souvent Jean-Baptiste Montini et, dit-on, son souvenir aurait pesé lorsque Paul VI décida que le Concile Vatican II parlerait aussi des musulmans.

 

L’ISLAM AU CONCILE VATICAN II

 

Lorsque le Concile (1962-1965) se réunit, son programme ne prévoyait rien au sujet de l’islam, pas plus d’ailleurs qu’au sujet des autres religions non chrétiennes. Sauf le judaïsme. C’est la présentation du projet de Déclaration sur le judaïsme qui amena les patriarches orientaux à demander que parallèlement, des textes soient produits, qui reconnaîtraient les valeurs de l’islam. Comme le Concile prévoyait de parler deux fois du judaïsme, deux textes sur l’islam furent donc élaborés et, après bien des discussions et des transformations, furent adoptés par une écrasante majorité.

 

Le premier texte, dans la Constitution sur l’Église, Lumen gentium (n. 16), a l’intérêt de situer l’islam comme la première des grandes religions monothéistes non bibliques. En reprenant, inversé, le schéma de Paul VI dans son encyclique Ecclesiam Suam (1964) :

 

« Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur et, en premier lieu, les musulmans, qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique et miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour ».

 

Le second, plus long, forme le n°3 de la déclaration Nostra aetate. Après avoir dit un mot sur les religions asiatiques et africaines (NA, n. 1) et avoir admis le principe général que tout ce qu’il peut y avoir de bon dans les religions non chrétiennes vient de Dieu, le Concile aborde l’Islam :

 

« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne. Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ».

 

Il faut remarquer que les premiers mots du texte (« l’Église regarde avec estime les musulmans ») invitent à oublier le passé et appellent non seulement à dialoguer, mais à collaborer pour le bien de l’humanité. Dans le dialogue, on est encore face à face. Dans la collaboration, on est côte à côte, regardant ensemble dans la même direction. En travaillant ensemble, au nom de notre fois commune en Dieu, nous aidons l’homme à réaliser toutes les dimensions de son humanité.

 

Je souligne que c’est la première fois, dans l’histoire de l’Église, qu’un texte du Magistère reconnaît qu’il y a des parcelles de vérité dans les autres religions. Certes, saint Justin avait déjà parlé des semina verbi, mais nous n’étions pas là au niveau du Magistère de l’Église. Oublier le passé, dialoguer et collaborer, demandait le Concile aux chrétiens comme aux musulmans, mais surtout changer le présent. C’est dans ce contexte qu’il faut situer le dialogue interreligieux, dont je vais vous parler maintenant.

 

FONDEMENTS THÉOLOGIQUES

 

Si l’Église encourage le dialogue interreligieux, ce n’est pas par esprit de tolérance ou parce que l’interprétation de "hors de l’Église point de salut" est moins rigoureuse. Le dialogue interreligieux se fonde théologiquement soit dans l’origine commune de tous les êtres humains créés à l’image de Dieu, soit dans le destin commun qui est la plénitude de la vie en Dieu, soit dans la présence active de l’Esprit Saint parmi les adeptes d’autres traditions religieuses (Commission Théologique Internationale, 1997, n. 25).

 

Le Nouveau Testament témoigne de la volonté universelle de salut – « Dieu… veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) :

 

« Je [Pierre] me rends compte en vérité que Dieu est impartial et, qu’en toute nation, quiconque le craint et pratique la justice trouve accueil auprès de Lui » (Ac 10, 34-35).

 

Un des fondements théologique du dialogue est la certitude de la présence et de l’action de l’Esprit au-delà de l’Église et de ses mots. Ce qui a fait dire à saint Jean-Paul II, dans son encyclique Redemptoris Missio (n. 29), que les rapports de l’Église avec les autres religions sont inspirés par un double respect : respect pour l’homme dans sa quête de réponses aux questions les plus profondes de sa vie et respect pour l’action de l’Esprit-Saint dans l’homme (RM, n. 29).

 

Revenant sur la rencontre interreligieuse d’Assise, saint Jean-Paul II affirmera qu’elle a été pour lui l’occasion de redire sa conviction que toute prière authentique est suscitée par l’Esprit Saint mystérieusement présent dans le cœur de tout homme (Cf. RM, n. 29).

 

Un des acquis les plus significatifs du Concile Vatican II est sans doute le regard bienveillant qu’il porta sur les religions et leurs adeptes :

 

« L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes » (Nostra aetate, n. 2).

 

Comme saint Paul qui s’efforce d’oublier ce qui est en arrière et, se portant vers ce qui est en avant, court vers le but (Cf. Ph 3, 13-14a), ainsi les pères du Concile invitent les chrétiens et les musulmans à « oublier le passé », « à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle », en vue de protéger et de promouvoir ensemble, la justice sociale, la paix, les valeurs morales et la liberté, et ceci « pour tous » (cf. Nostra aetate, n. 3).

 

Le Pape Paul VI a été sans doute un "géant" du dialogue en général et de celui avec les croyants des autres religions en particulier. Pourtant, ceci ne l’a pas empêché d’être un grand missionnaire. Un fait émouvant dans la vie de ce futur bienheureux : il est mort le 6 août 1978, en la fête de la Transfiguration, 14 ans après la publication de son encyclique programmatique Ecclesiam Suam !

 

Parmi ses phrases lapidaires : « L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait message ; l’Église se fait conversation » (n. 67). Ce qui se dit du dialogue avec le monde, se dit aussi - et à plus forte raison - du dialogue avec les croyants des autres religions.

 

Alors, comment définir le dialogue interreligieux ? Il n’est pas une conversation entre amis, il n’est pas non plus une conversation, il n’a pas pour but de créer une "religion mondiale" satisfaisant tout le monde. Plus positivement, il a pour but de créer un espace pour un témoignage entre croyants qui permette une connaissance de la religion de l’autre et des comportements éthiques qui en découlent.

 

Une fois constatées nos convergences et nos différences, il nous est demandé de considérer comment mettre à la disposition de la société ce patrimoine pour contribuer à la paix, à la compréhension et à la collaboration entre les peuples. Il s’agit de connaitre l’autre tel qu’il est, et donc tel qu’il a le droit d’être connu. Et non pas tel qu’on dit qu’il est ou tel qu’on voudrait qu’il soit. Le dialogue interreligieux n’est donc pas autre chose qu’un long pèlerinage vers la Vérité qu’accomplissent les croyants et les chercheurs de l’Absolu. Dans le dialogue, on rend aussi hommage à toutes les parcelles de vérité que Dieu a bien voulu semer dans toutes les cultures et les religions. Comme on l’a dit « celui qui est engagé dans le dialogue doit en profiter pour se laisser convertir davantage par Dieu, car tout homme est tenu de chercher la Vérité, et quand il l’a trouvée, d’y adhérer et d’y conformer sa vie » (Cf. Dignitatis humanae).

 

La démarche n’est pas facile, elle suppose une liberté intérieure. Il faut être capable de :

 

- Façonner une attitude pleine de respect pour l’autre.

- Savoir accueillir et se taire pour écouter l’autre.

- Avoir un parti-pris de bienveillance.

- Donner à tous l’opportunité de s’exprimer en toute liberté.

- Ne jamais édulcorer sa propre identité religieuse.

 

Avec humilité, je dirais que, comme dans le mariage, le vivre-ensemble suppose un apprivoisement et une disponibilité réciproque, ce qui oblige les uns et les autres à redécouvrir leur propre identité, à regarder l’autre avec sincère bienveillance. C’est justement entre ces deux exigences (l’affirmation de son identité et la connaissance de l’autre) que se situe le dialogue interreligieux. Dans la Vérité. Il est toujours une découverte et une rencontre.

 

Comme vous le voyez, le dialogue interreligieux n’a pas pour but la conversion, bien qu’il créé un climat qui lui est favorable. La conversion est la rencontre de deux libertés (celle de Dieu et celle de l’homme) sur lesquelles nous n’avons aucune prise.

 

PLACE PRIVILÉGIÉE DU DIALOGUE ISLAMO-CHRÉTIEN

 

Elle s’explique d’abord par des motifs théologiques. En effet, l’islam est le troisième entre les monothéismes abrahamiques. Si nous pouvons parler à bon droit des juifs comme étant nos « frères majeurs », nous pourrions définir les musulmans, sans les offenser, comme « nos frères mineurs » !

 

Tout en "acceptant" l’islam dans la famille d’Abraham, nous ne pouvons pas pour autant parler de "révélation islamique", car l’islam qui adopte le monothéisme juif, nie farouchement celui chrétien, le mystère trinitaire et les autres mystères qui ont en Jésus leur centre : l’Incarnation et le mystère pascal de passion, mort et résurrection. Jean-Paul II parle à juste titre de régression dans la révélation dans le cas de l’islam. Il a également merveilleusement résumé les différences théologiques entre chrétiens et musulmans : « La loyauté exige [aussi] que nous reconnaissions et respections nos différences. La plus fondamentale est évidemment le regard que nous portons sur la personne et œuvre de Jésus de Nazareth. […] pour les chrétiens, ce Jésus les fait entrer dans une connaissance intime du mystère de Dieu et dans une communion filiale à ses dons, si bien qu’ils le reconnaissent et le proclament Seigneur et Sauveur. Ce sont là des différences importantes, que nous pouvons accepter avec humilité et respect » (Rencontre avec les jeunes musulmans à Casablanca, 19 août 1985).

 

D’autre part, la révélation du Christ (celle qu’il fait et qui est en même temps révélation de lui-même) est la parole finale de Dieu à l’humanité :

 

« 1Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, 2en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles. 3Resplendissement de sa gloire, effigie de sa substance, ce Fils, qui soutient l’univers de sa parole puissante, ayant accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la Majesté dans les hauteurs, 4devenu d’autant supérieur aux anges que le nom qu’il a reçu en héritage est incomparable au leur » (Hb 1, 1-4).

 

Cela dit, il convient d’attirer l’attention de nos interlocuteurs et amis musulmans : dans l’affirmation de la clôture de la révélation par celle de Jésus, il n’y a rien qui soit contre leur religion ou son fondateur. Ceci vaut pour toute revendication de révélation successive à celle du Christ. Tout en s’agissant d’une observation qui semble évidente ou même naïve, elle a pourtant, à la lumière de l’expérience, son utilité.

 

L’histoire, plutôt mouvementée - encore à écrire ! -, entre les deux communautés et son impact, la plupart du temps négatif, sur le présent (conquêtes -ou invasions- islamiques, croisades, colonialisme et néo-colonialisme) est un motif ultérieur en vue d’un dialogue authentique.

 

La présence de communautés chrétiennes autochtones dans des pays à majorité islamique et celle de populations musulmanes immigrées dans des pays de tradition chrétienne ne peuvent pas être ignorées, si l’on veut vivre en paix, les uns avec les autres, non à côté des autres.

 

Les événements tragiques des derniers mois, surtout les atrocités commises par les combattants du soit disant "État islamique", ont jeté une ombre épaisse sur le dialogue islamo-chrétien. La Déclaration du CPDI au sujet de la situation des chrétiens et d’autres communautés numériquement minoritaires en Iraq a été un message fort et qui a trouvé une grande résonance. Nous avons pu dire qu’un silence compromettant mettrait en question non seulement la crédibilité du dialogue entre chrétiens et musulmans, mais aussi celle des religions et de leurs adeptes.

 

Un des signes de la place privilégiée du dialogue islamo-chrétien est la présence d’une Commission pour les Rapports religieux avec les Musulmans (CRRM). La CRRM fut instituée par le Pape Paul VI le 22 octobre 1974 – le même jour que la Commission pour les Rapports religieux avec le Judaïsme – comme organisme distinct mais lié au Secrétariat pour les non Chrétiens, devenu par la suite Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux (Pastor bonus, Constitution apostolique de Jean-Paul II sur la Curie romaine, 28 juin 1988).

 

La finalité de la Commission est de promouvoir et stimuler les rapports religieux entre musulmans et catholiques avec l’éventuelle collaboration d’autres chrétiens. Dans le cadre de telles compétences, la Commission est aussi à la disposition des organismes intéressés pour les informer et les aider à réaliser leurs devoirs (cf. Note historique sur la CRRM, Annuario Pontificio 2014, pp. 1837-1838).

 

Le Message que le Conseil envoie aux musulmans pour l‘Id al-Fitr (la fête de la rupture du jeûne) qui conclut le mois de jeûne du Ramadan, mérite une mention particulière, car il s’agit de l’initiative la plus ancienne du Dicastère envers les musulmans et celle qui s’adresse à eux tous, dans tous les pays. Outre les vœux faits pour une bonne et joyeuse fête, il y a toujours un thème qui est proposé à la réflexion commune des musulmans et des chrétiens. J’avoue que les réponses ou réactions au Message qui parviennent au Conseil de la part des musulmans sont en général peu nombreuses, mais quelque personnage important prend parfois la peine de répondre ; c’est, par exemple, le cas cette année du Président égyptien M. Abdel Fattah al-Sisi. Il n’en reste pas moins qu’il est difficile de mesurer la portée de ce geste annuel d’amitié. En outre, je ne peux pas ne pas exprimer quelque regret concernant le manque d’attention à ce sujet par les médias des pays à majorité islamique. En tout cas, restons réalistes et optimistes : c’est à nous de semer ; la croissance des semences est l’affaire du Seigneur (Cf. 1 Co 3, 6-9) : faisons-lui confiance !

 

Un autre trait distinctif du dialogue islamo-chrétien promu par le PCDI est celui des divers partenariats avec des institutions islamiques.

 

Ø La collaboration entre le CPDI et la World Islamic Call Society a commencé dans les années 1970, avec un grand colloque qui s’est tenu à Tripoli (Lybie) en 1976. Toutefois, l’instrumentalisation politique de l’événement a poussé le Conseil à procéder avec plus de prudence. Les contacts ont repris par la suite et des colloques furent organisés conjointement, en alternant entre Rome et Tripoli. Une date importante : la création à Tripoli, le 18 mars 2002, d’un Comité de Coordination. La situation politique, déjà fragile, en ce temps-là, n’a pas permis d’organiser le dernier colloque programmé à Malte du 8 au 10 mars 2011.

 

Ø La collaboration avec le Centre pour le Dialogue de l’Islamic Culture and Relations Organization, ayant son siège à Téhéran (Iran), remonte au moins à 1994, avec l’organisation à Téhéran d’un colloque sur l’évaluation théologique de la modernité. Nous avons continué à nous rencontrer tous les deux ans, alternant entre Rome et la capitale iranienne. Nos partenaires shiites sont bien préparés et disposés à discuter de tous les thèmes, parmi lesquels figure celui de foi et raison dans le christianisme et l’islam, à la suite de la lectio magistralis de Benoît XVI à Ratisbonne. Je reviendrai plus loin sur cette question.

 

Ø Les débuts du Comité de Liaison islamo-chrétien entre le CPDI et l’International Islamic Forum for Dialogue, ayant son siège à Djeddah (Arabie saoudite), remontent à 1995. Ce contact a perdu de son importance après l’établissement à Vienne par l’Arabie saoudite - en collaboration avec l’Autriche, l’Espagne et le Saint-Siège (comme un Observateur-Fondateur) - du Centre International Roi Abdullah bin Abd al-Aziz pour le Dialogue interreligieux et interculturel.

 

Ø La conférence du Pape Benoît XVI - dont il a été question plus haut - a, comme nous le savons, suscité de fortes réactions chez beaucoup de musulmans, qui ont cru que le pape était d’accord avec le texte qu’il a cité, qui mettait en relation l’islam et la violence. Un accord fut signé en 2008 entre le CPDI et une délégation des signataires de la lettre ouverte adressée au pape et à d’autres chefs religieux chrétiens. Le "Forum catholique-musulman", qui tient son Séminaire tous les trois ans, aura sa troisième rencontre à Rome, en novembre 2014. Le Prince Ghazi bin Muhammad de Jordanie coordonne la partie musulmane, à travers, entre autres, l’Institut Royal pour la pensée islamique.

 

Ø Tout en ne pouvant pas parler d’un pur partenariat jordanien dans le cas précédent, il s’agit sans doute d’une initiative qui a vu la Jordanie, surtout en la personne du Prince Ghazi, comme protagoniste. L’autre partenaire, cette fois totalement jordanien, est l’Institut Royal pour les Études interreligieuses, fondé et présidé par le Prince El Hassan bin Talal. Nous avons eu notre troisième colloque en Jordanie, au mois de mai 2014.

 

Ø Un dialogue, pour le moment "gelé", est celui avec la prestigieuse institution al-Azhar (Égypte) qui, en 2001, a rompu toute relation à la suite d’un discours du pape Benoît XVI réclamant à la communauté internationale de veiller au sort des chrétiens vivants dans des pays à majorité musulmane. Nous avons toujours répété que nos portes restent ouvertes pour le dialogue. Entre-temps, les gestes de bonne volonté de la part du CPDI n’ont pas manqué.

 

Ø Des tentatives sont en cours pour établir un dialogue stable avec des organisations internationale islamiques en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé au monde.

 

Cette longue liste des initiatives promues par le CPDI, organe pour le dialogue de l’Église universelle, ne doivent pas nous faire oublier le rôle irremplaçable des Églises locales. C’est là que chrétiens et musulmans vivent ensemble, plus ou moins bien, mais toujours appelés à vivre en frères, différents, il est vrai, mais toujours frères. Le CPDI essaie de soutenir ce dialogue de la vie et de prendre part à des initiatives organisées dans les diverses Églises.

 

Une autre constatation. Nous sommes conscients au CPDI des limites de notre dialogue et des défis qu’il doit relever : comment porter les fruits du dialogue de l’élite aux grass roots, favorisant la création et le renforcement d’une culture de la rencontre et du dialogue ? Comment avoir les médias comme "alliés" et non comme ennemis ? Comment influencer les manuels scolaires, le discours religieux, l’éducation en faveur d’une connaissance objective de l’autre et du respect de sa dignité et de ses droits inaliénables ?

 

Il ne serait pas juste de conclure cette intervention sans parler d’un "effet collatéral" positif du dialogue : la collaboration avec d’autres Églises et Communautés ecclésiales en vue du dialogue avec les musulmans, surtout entre le CPDI et le Conseil Œcuménique des Églises ; on se rencontre une fois par an pour un échange sur les activités et pour réaliser des projets en commun. Le dernier a été sur le témoignage chrétien (la conversion).

 

M’est avis que chrétiens et musulmans sont appelés à relever ensemble un triple défi :

 

1) Celui de l’identité (qui sommes-nous ? en qui croyons-nous ?)

2) Celui de la différence ("l’autre" n’est pas nécessairement un adversaire)

3) Celui du pluralisme (Dieu est mystérieusement présent et à l’œuvre en chacune de ses créatures).

 

CONCLUSION

 

Vous l’aurez compris : nous sommes "condamnés" au dialogue. Nous évoluons dans un monde où tout se conjugue au pluriel y compris la religion.

 

Dans une société qui n’est plus sûre de son avenir et se désintègre, il est impératif de créer des espaces où chacun puisse être écouté, accueilli et compris. Des lieux où dans la sérénité, je puis connaître les valeurs d’autrui, tout en défendant les miennes.

 

Continuer à dialoguer - quand bien même on connaît la persécution - est un signe d’espérance.

 

À la question : « Devons-nous avoir peur de l’islam ? », je réponds : « non » !

 

NON, si nous sommes des chrétiens formés et informés, membres actifs dans l’Église, cohérents dans nos engagements, ouverts aux autres pour recevoir et donner.

 

Depuis Caïn et Abel, l’exclusivisme et le désir de sécurité ont toujours été dans le cœur de l’homme. L’histoire et les religions enseignent qu’il n’y a qu’un seul avenir possible : un avenir partagé. On le construit en famille, à l’école, à l’église et à la mosquée (à la synagogue).

 

Voilà pourquoi le dialogue est devenu une nécessité.

 

Il commence toujours par l’accueil et le respect, comme l’a si bien suggéré Miroslav Volf : « En embrassant, j’ouvre les bras pour créer un espace en moi… mais pour l’autre. Les bras ouverts montrent que je ne veux pas seulement rester isolé et que j’adresse une invitation à l’autre à venir, à se sentir chez lui, chez moi. Dans une étreinte mutuelle personne ne reste intact, parce que chacun enrichit l’autre et cependant tous les deux restent eux-mêmes ».

 

 

+ Jean-Louis Cardinal TAURAN

 

Président du Conseil Pontifical Pour le Dialogue Interreligieux

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Forum social mondial Tunis 2015 Publié le Vendredi 19 Septembre 2014 à 15:28:34

Appel aux mouvements sociaux pour la mobilisation pour le prochain Forum Social Mondial, Tunisie 2015

Cher (e)s ami(e)s,

Lors de sa dernière réunion tenue à Casablanca en décembre 2014 le Conseil International a pris la décision d’organiser la prochaine édition du Forum Social Mondial de 2015 à nouveau, en Tunisie.

Cette décision a été prise après évaluation de l’organisation et des impacts du FSM 2013, et après une lecture commune de la situation des luttes que mènent les mouvements sociaux dans la région et dans le monde, ainsi que du contexte géopolitique nouveau et de l’évolution de la crise du modèle néolibéral.

Force est de constater qu’après avoir été dès 2011, grâce aux Révolutions et aux mouvements démocratiques, une source d’espoir pour elle même et une source d’inspiration pour les reste du monde, la Région connait des développements qui inspirent une profonde inquiétude. Les gouvernements en place depuis trois ans n’ont pas été capables de formuler et de mettre en oeuvre des alternatives pour répondre aux préoccupations des jeunes en quête de liberté et d’emploi, des femmes en quête d’égalité, des mouvements sociaux en quête de justice sociale. Bien au contraire, partout dans la région la circulation des armes et la violence des extrémistes religieux s’enracinent, les politiques néolibérales dictées par la Banque Mondiale et le FMI sont présentées comme la seule solution et les mouvements sociaux et les mouvements démocratiques sont criminalisés. Les interventions extérieures politiques et militaires sont devenues la règle visant à chaque fois à instrumentaliser l’instabilité intérieure au profit des Etats Unis, de l’Europe, de la Turquie et des pays du Golfe.

Au-delà du Maghreb Machreq, le Continent Africain, devenu une source principale de matières premières et présenté comme étant la « nouvelle frontière » économique est lui aussi frappé de plein fouet par la violence extrémiste, le pillage de ses ressources, la violence dévastatrice des programmes d’ajustement et la militarisation généralisée de ses territoires.

Partout dans le monde, y compris en Europe, en Asie, en Amérique Latine et du Nord les mouvements sociaux se retrouvent face à l’aggravation des crises économiques, sociales et environnementales, et à une remise en cause systématique de leurs droits. De nouvelles tensions, directement liées aux stratégies hégémoniques pour s’approprier les ressources et les marchés font craindre le pire en Europe, en Asie et en Afrique.

Le Forum Social Mondial reste plus que jamais un espace vital pour les mouvements sociaux qui luttent pour que les peuples sauvegardent leur dignité, restent maîtres de leur destinées, conquièrent de nouveaux droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, et qui construisent des alternatives au néolibéralisme plus que jamais nécessaires.

Les mouvements sociaux Tunisiens et du Maghreb Mashreq vous invitent du 24 au 28 mars 2014 à venir partager avec eux leur efforts pour faire triompher la justice, l’égalité et la paix, et pour débattre des enjeux du monde et construire ensemble les alternatives auxquelles tous les peuples de la terre aspirent.

Avec vous nous réussirons à mettre en place un processus de préparation ouvert, participatif et démocratique et l’organisation du FSM 2015 (*).

Un autre Maghreb Machreq est possible

Une Autre Afrique est possible

Un autre monde est possible

Tunis le 20 juin 2014

Le Comité d’Organisation du FSM 2015

· Ouverture du site web : 25 juin 2014

· Conseil International du FSM : Ottawa, aout 2014

· 1er séminaire international et réunion du Conseil International : fin octobre 2014

· 2ième séminaire international : février 2015

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Tunisie

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Publié le Vendredi 19 Septembre 2014 à 11:01:57

2014-09-18 Radio Vatican

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(RV) Entretien - Plusieursfédérations et responsables de mosquées, notamment l’UOIF, proche des Frères musulmans, condamnent fermement les « actions criminelles et barbares » commises par les djihadistes de l’Etat islamique qui, affirment-ils, « n’a rien ni d’Etat ni d’islamique ». Dans ce texte, ils saluent également la position des autorités chrétiennes qui, tout en condamnant les exactions commises contre les chrétiens, refusent toute instrumentalisation de la tragédie qui se joue en Irak et en Syrie.

Nous avons joint l’un des signataires Mohammed Moussaoui, président de l’Union des Mosquées de France. Il nous explique le sens de cet appel.

 

Nous avons souhaité qu’une parole commune soit signée ensemble par toutes les composantes de l’Islam de France. C’était notre premier souhait. Le deuxième souhait, c’est de lancer un appel aux jeunes qui seraient tentés d’aller combattre auprès de ces terroristes et de les sensibiliser sur l’ampleur et la gravité des crimes dont ils pourraient se rendre complices. Et puis ainsi, de les mettre devant leurs responsabilités en termes religieux : la responsabilité devant Dieu et devant l’humanité est importante. Nous avons également souhaité montrer que les victimes du groupe terroriste Daesh sont nombreuses parmi les chrétiens d’Orient mais également parmi les yazidis, les kurdes, les turkmènes, les musulmans chiites et sunnites. Ça n’est pas une guerre entre musulmans et chrétiens. C’est un groupe terroriste qui sévit parmi les chrétiens d’Orient mais aussi parmi les musulmans, les yazidis, les kurdes et les turkmènes.

Dans ce texte, vous condamnez d’ailleurs très vivement l’État islamique.

Oui, on ne souhaite pas la paix à l’État islamique. Il s’est fait appelé d’une façon usurpée par cette appellation et nous souhaitons lui laisser l’appellation « Daesh » qui est un acronyme arabe mais qui ne fait pas le lien avec l’islam parce que nous considérons que les actes criminels commis par ce groupe terroriste sont en totale contradiction avec les valeurs et les principes élémentaires de la religion musulmane. Aujourd’hui, nous souhaitons que tous les citoyens épris de paix et de justice, quelque soient leurs convictions et quelque soit leur religion, affichent leur unité face au terrorisme et à la barbarie. Il faut œuvrer sans relâche par le dialogue, l’échange et la solidarité entre tous les citoyens pour faire barrage à tous ceux qui veulent alimenter cette prétendue guerre entre les civilisations, les croyances et les religions. De ce point de vue, le dialogue islamo-chrétien doit être renforcé davantage.

Dans ce texte, vous vous adressez également aux jeunes musulmans de France. Quel est actuellement le climat en France au regard de ce qui est en train de se passer en Irak et en Syrie ?

C’est d’abord l’inquiétude, notamment pour ces jeunes qui quittent leurs familles et se rendent dans un milieu très hostile où ils vont forcément être exposés à des atrocités et à de la barbarie. Aujourd’hui, les familles sont déchirées par le départ de leurs jeunes. Tous les indicateurs et les observateurs montrent que ces jeunes qui sont attirés par cette idéologie terroriste ne sont pas ceux de culture musulmane qui se rendent à la mosquée. Souvent, ce sont des gens qui sont endoctrinés derrière un écran, à travers internet. Mais cela ne nous déresponsabilise pas envers ce qu’on aurait pu faire pour ces jeunes. En tant que responsable musulman, quelque soit l’effort que j’aurai fait, j’aurai toujours le regret de ne pas avoir fait peut-être assez pour empêcher ces jeunes d’aller dans ces milieux hostiles où la barbarie s’exprime et où malheureusement, ils peuvent se rendre complices de crimes odieux. La trace qu’aurait laissée cette complicité dans leur âme et dans leur esprit serait grande.

Très concrètement, comment agit aujourd’hui la communauté musulmane pour prévenir les départs ?

D’abord, nous avons demandé à nos Imams d’essayer d’organiser des réunions très soutenues pour réfléchir ensemble sur la façon de déconstruire le discours radical qui se propage sur internet. Il est aujourd’hui indispensable que les Imams puissent être aidés par des spécialistes de la toile, ceux qui scrutent les sites internet dangereux et qu’ils puissent avoir un échange avec les spécialistes pour leur dire exactement ce qui se dit sur ces sites. Ainsi, les Imams peuvent ensemble, avec un travail mutuel et collégial, construire un contre-discours pour déconstruire tous les arguments qu’utilisent ces recruteurs. La deuxième chose à faire, c’est améliorer de façon substantielle l’enseignement religieux qui se fait dans nos mosquées. La troisième chose, c’est  le prêche du vendredi, qui est suivi par presque un million de musulmans, c’est un moment très important et très fort. Il faudrait que les Imans puissent saisir cette occasion pour faire passer le message à ce million de personnes afin de les sensibiliser.

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